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mardi 22 mai 2012

Une histoire de tissu


LE DROGUET


Du néerlandais "droog" = sec, qui donna le mot drogue pour ingrédients séchés. Mais où se trouve la filiation entre drogue et droguet me direz vous? Longtemps le mot drogue fut le nom générique de certaines substance employée en pharmacologie et dans l'industrie de la teinture, or le droguet était une étoffe historiée par tissage, c'est à dire façonnée, ses fils étaient par conséquent teints avant le tissage avec des matières tinctoriales ou drogues, alors commercialisées sous forme de poudre ou de bloc, déshydratée donc séchées pour une meilleur conservation. Et voilà le sens retrouvé  de sec, et bien entendu ces produits étaient vendus chez les droguistes...
Autre hypothèse : on peut imaginer que le mot drogue soit  une forme méridionale du mot latin derogarer = ôter c'est à dire diminuer la valeur de..."dictionnaire historique de la langue française. Robert. Cette solution est envisageable lorsqu'à certaines époques, le droguet ne fut qu'une modeste étoffe, sans grande valeur marchande "En1554 apparaît le mot droguet qui désigne un tissu de laine, sec et de bas prix." Bloch et Von Wartburg. Dictionnaire étymologique de la langue française. PUF
Une troisième proposition développée par F. Michel : droguet serait l'altération du nom de Drogheda, ville d'Irlande, mais je dois avouer ne pas m'enthousiasmer pour cette dernière hypothèse.


Il serait  vain de tenter de donner une définition de cette étoffe  tant il existe de variantes  suivant les époques et les modes: tout soie,  tout laine,  mi laine mi soie,  tissu d'exception porté par les reines, ou tissu commun utilisé par les paysannes normandes,  mais rarement uni, les motifs, de petite taille étaient obtenus par un fil de chaîne supplémentaire...

"Tissu de soie à petit rapport de dessin, comportant un décor par divers trames, se détachant sur un fond produit par une dominante de chaîne poil" M.M Tuchscherer, G. Vial In les musée historique des tissus de Lyon 1977.
 "C'est un genre spécial de façonné  dans lequel le dessin est  produit par un effet poil s'enlevant sur un fond  taffetas ou sergé"


Le droguet est un tissu ancien dont on parle depuis le XVe Il poursuivra sa carrière avec force jusqu'au  XVIII e siècle  puis il se contentera de survivre  dans quelques provinces dont la Normandie au XIXe siècle, plus par tradition que par conviction. .D'après monsieur Paulet, dessinateur et fabricant de soie à Nîmes, on doit l'invention du droguet à un certain monsieur Galentier, spécialiste avignonnais de la soie, qui perfectionna le métier à la petite tire.
-au XVe siècle il est considéré comme un  modeste tissu de laine 
-au XVIIe siècle, le droguet est une étoffe brochée ornée d'un dessin   produit par un effet de " chaîne -poil "(fil supplémentaire de chaîne) de la même couleur que la chaîne normale, s'enlevant sur un fond en taffetas, satin ou sergé. Généralement la chaîne est en lin ou en coton et la trame en laine.  Sa solidité et sa fantaisie lui ouvrent les portent de la décoration  : le droguet fut utilisé entre autre pour les garnitures de lit
Savary mentionne le droguet "façonné" de Lyon dans sa sixième édition du Dictionnaire du Commerce  1650. Le droguet de soie était une spécialité lyonnaise tissu de soie à petit rapport de dessin
-au XVIIIIe siècle, sous le règne de Louis XVI, on retrouve des tissus à décor "droguet" (petits dessins ton sur ton obtenus par tissage).
 "Les exigences du marché firent qu'on fabriqua à Lyon, sous Louis XVI, un nouveau genre de tissus à bas prix : le droguet, dans lequel la chaîne concourt, au même titre que la trame, à l'ensemble du dessin. Le motif décoratif y est toujours de petite dimension". (Migeon in "Les arts du tissu"). Le marché du luxe  se réduisant sans cesse, les  soyeux  continuèrent au XIXe siècle à  fabriquer des tissus plus populaires : le droguet faisait partie intégrante de cette politique
La dauphine, n'était qu'un type de droguet liseré avec un fond pékiné. la dauphine devenue reine, le droguet se voit  attribué un nouveau titre et devient droguet à la reine avec un poil flottant sur les deux faces, toujours de la couleur que le fond.
 -au XIX e siècle  en Normandie et dans la région du Pays de Caux, le droguet est un tissu ordinaire sec et brillant (apprêt obtenu par le travail des foulons), trame de laine et chaîne de lin.. Les femmes du peuple portent des jupes ou des robes de droguet notamment teint en violet comme on peut le voir au Musée de Normandie à Caen. Ce tissage utilisant le lin(production locale)  et le coton (arrivant par le port de Rouen) eut un grand succès dans la campagne normande. Le  droguet était encore confectionné sur des métiers à main par les tisserands de village.
Le droguet normand était uni ou rayé verticalement, avec des couleurs vives  Lorsque les lavages et l'usure parvenaient à ôter tout lustre aux jupes, les normandes apportaient leurs vêtements aux foulons afin de raviver l'étoffe. Le tissu est alors pilonné dans de l'eau mêlée à une terre glaise ou terre à foulon.
A Rouen on fabriquait un droguet nommé berluche ou espagnolette

 Les armures les plus courantes étaient le taffetas et le sergé.
Les modifications d'armure  et le choix des fibres  pourront transformer  un droguet  élitiste en un tissu populaire. La principale distinction résidait dans le choix des matières  opposant ainsi le droguet de soie et le droguet de laine
Le droguet est donc selon les époques et les régions une étoffe de soie, de laine,de fil ou de coton, unie ou façonnée, dont les motifs sont généralement inscrits dans des compartiments en forme de losange. La chaîne est le plus souvent de fil et la trame de laine ou de soie. Le rapport d'armure est très petit. Le dessin est réalisé avec une chaîne supplémentaire.


 Compte tenu de la diversité des droguets, selon que le Droguet sera une étoffe de soie ou un modeste lainage, qui pourrait s'étonner ses multiples utilisations  ?
Vêtements masculins : le droguet de soie  est utilisé essentiellement  pour la fabrication de gilets aux XVIII e et XIX e siècles, vestes ou même costumes folkloriques.
Vêtements féminins : le droguet de soie  ou de laine est employé pour les robes, les jupes, les vestes ou caraco...
Décoration : Le droguet fut employé pour garnir des intérieurs de coffres ou tapisser de petits meubles assez communs En ameublement, il fut couvre lits ou double-rideaux, tentures murales ou tapis de table.
 L'inventaire du château de Turenne en 1615 signale "quatre lits faits à housse de droguet noir et blanc".
Ce que nous nommons aujourd'hui droguet, c'est à dire une  étoffe modeste agrémentée de motifs tons sur tons et de petite taille permet de recouvrir de grandes surfaces sans risque de surcharge. La  discrétion du motif ne nuit alors en aucune façon à pas à l'installation de tableaux sur les murs.
Un petit façonné sans prétention aucune? Peut être, mais avec une histoire bien ancrée dans notre tradition.


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