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mes tissus

samedi 30 décembre 2023

Ecrire c'est un peu tisser. Les lettres en un certain ordre assemblées forment des mots qui mis bout  à bout deviennent des textes! 

Texte du latin  textum dérivé du  verbe texterer = tisser 

Les brins de fibres textiles maintenus ensemble par une torsion plus ou moins importante deviennent des fils qui entrelacés créent une surface plane douce ou rêche, lisse ou hirsute , plane ou reliéfée, lourde ou légère, unie ou imprimée que l'on appelle tissu. 

Textile et texte un tête à tête où toute ressemblance ne serait pas fortuite. Il est des civilisations qui transmettent leur culture par l'écriture, d'autres par la parole, et d'autres  encore par un langage écrit avec un fil.

Entre le tissu et moi ce fut une histoire familiale :  quatre générations et quatre approches différentes  des  textiles. 

Après l'Ecole du Louvre, un passage dans les musées nationaux, et quelques années dans les galeries d'art parisiennes, j'ai découvert les coulisses du textile. Et je me suis glissée avec délice dans des flots de taffetas, avec patience j'ai gravi des montagnes de mousseline, j'ai enjambé avec curiosité des rivières de Tweed ....Pendant plus de 35 années  j'ai eu l'occasion d'admirer le savoir faire des créateurs et créatrices de costumes qui habillent, déguisent, costument, travestissent  les artistes, les comédiens , les clowns blancs et les augustes, les étoiles de la danse. J'ai aimé travailler   avec les décorateurs, toujours à la recherche du Graal pour leur clientèle.

Du lange au linceul l'étoffe nous accompagne, partageant nos jours et nos nuits et pourtant elle demeure une inconnue et parler chiffon semble pour certain une  conversation bien futile. 

Au delà delà du mot  tissu, textile, broderie, étoffe, dentelle,  feutre, tapisserie  trop étriqué,  bien modeste, souvent insipide , il y a un univers riche  de  matières,  de  couleurs, d' histoires, de mystères et de découvertes....

Si ces  liens intergénérationnels se sont rompus en 2015 avec la fermeture de la société De Gilles Tissus, la passion est toujours présente et les tissus sont devenue mes amis. Aujourd'hui je voyage beaucoup et souvent et mes  rencontres textiles du bout du monde viennent enrichir ce blog où  je   dévoile "à ma façon"    leur vie, leur secret de fabrication, leur rôle dans la politique ou  l'économie, leur influence sur la société... 


En attendant le prochain post je vous souhaite une belle années textile 2024




 

N°2 LE N'DAY??????

 L’ITINÉRAIRE  D’UNE FIBRE MODERNE                                                 Le nylon, considéré comme "'révolutionnaire" lors de sa création, fut mis au point en 1935, après de nombreux essais infructueux, par Wallace Hume Carothers et son équipe, mais sa production resta confidentielle durant quelques années. En 1938, sa première apparition sur le marché national, qui se fit dans les poils de brosses à dents, jusque là, en soies de porc, passa presque inaperçue. La même année, les premiers bas nylon furent vendus dans un magasin de Wilmington dans le Delaware, non loin du lieu d’implantation du siège de l’entreprise Du Pont de Nemours. Cette vente sera, à dessein,  elle aussi confidentielle. Ce coup d’essai se révèla un succès plus de 4 000 paires de bas furent vendues en 3 heures !

LE N’DAY OU JOUR DU NYLON                                                                  Le véritable démarrage eut lieu le 15 mai1940, ouvrant à toute la population américaine  l’accès aux bas en nylon. Le délire s’empara de la clientèle, puisqu’en 4 jours, 4 millions de paires de bas nylon furent écoulées et 64 millions la première année ! Cette date, restée dans les annales du commerce, fut baptisée N’ Day pour le jour du nylon. 

DES HAUTS ET DES BAS NYLON                                                              L’engouement des clientes pour cette nouveauté s’émoussa au fil des décennies. Il fallut, pour soutenir le volume des ventes, apporter des améliorations, renouveler l’offre avec des nouveautés, s’adapter à la mode et aux modes. Les avancées techniques permirent la création de bas sans coutures, puis de collants, d’ajouter le Lycra®, d’obtenir des textures mousse ou voile…                                                                                     Le saviez vous ?  La première mouture du nylon était une invention trop généreuse. Si le succès des bas nylon fut rapide à l’échelle mondiale, il s’avéra que sa principale qualité devint un défaut industriellement parlant : trop solides, les bas nylon ne filaient pas facilement ce qui eut pour conséquence de ralentir les ventes.                                                        Les «on dit que» : il y a un début à tout. Les chimistes de Du Pont de Nemours modifièrent la formule originale afin de diminuer la résistance du nylon obligeant les consommatrices à renouveler plus souvent leurs achats.   

A LA RECHERCHE D'UNE IDENTITE

1938 : la direction décide que le moment est venu de  commercialiser cette nouvelle fibre. Mais, oh stupeur ! on s’aperçut en haut lieu  que le "polyamide 6,6 » n’avait pas encore de nom commercialement acceptable, celui ci se révéla trop technique pour une fibre que se voulait populaire.


LES GRANDS MOYENS SONT MIS EN ŒUVRE                                          Un comité constitué de "trois sages" appartenant à la firme fut crée, Wallace Carothers  s’était suicidé en 1937 en avalant un cocktail mortel citron-cyanure de potassium, avant d'avoir eut le temps de baptiser le fruit de ses recherches.

Le saviez vous ? Vous remarquerez l’absence de majuscule à nylon et du sigle ®  indiquant qu’il s’agit d’une marque déposée. Ce n'est pas un oubli puisque les dirigeants de la firme Dupont de Nemours, affirment que ce mot fut un cadeau offert au monde moderne, un mot qui va effectivement devenir synonyme de progrès.

Et si le dépôt de la marque fut un oubli des responsables de l’époque, avec le recul, on peut considérer qu'il s'agit d'un formidable coup de marketing même s'il est fortuit. Cet "électron" libre de toute emprise d'une marque, est devenu le nom générique des fibres chimiques, si bien que, pour la majorité des consommateurs, le nylon est un tissu moderne, léger, solide, facile à entretenir et bon marché.  


CHAMPIONNAT DE SCRABBLE

Puisque les bas, premiers articles de consommation courante, fabriqués avec le polyamide 6,6 avaient comme caractéristique de ne pas filer, E.K. Gladding, un des trois membres du comité proposa NORUN. La direction n'approuva pas, voulant éviter les risques de procès en cas de publicité mensongère. Le O fut transformé en U et NURON n'eut toujours pas l'approbation de la direction parce que la prononciation était trop proche de neurone. Alors le R fut remplacé par L et NULON fut proposé. Encore une fois, la sonorité ne convenait pas. NU pouvait se confondre avec new, et c'est justement ce qu'il fallait éviter, une comparaison avec une nouvelle soie ou une nouvelle viscose. Ce n'est ni une copie, ni une amélioration mais une création. Il fallait rompre avec les références du passé. Le U fit place au I NILON. Une fois encore la prononciation anglaise était en cause, le I donnait une idée de nine ou need, encore une référence à éviter. C'est alors que l'idée du Y donna NYLON. Le mot était facile à prononcer dans toutes les langues, la mélodie courte était "moderne". Phonétiquement, nylon était sans ambiguîté.


NYLON SUBTILEMENT SIMPLE ET POURTANT SI COMPLEXE

A la vue de ces rebondissements, de ces objections et de ce travail phénoménal sur la recherche d'un nom, on se rend compte que ces quelques lettres ont donné bien du fil à retordre aux membres de ce comité. Aujourd'hui, nylon est un nom commun au même titre que le bois ou l'acier. C'est une belle réussite.


MYTHES ET LEGENDES

Un  gigantesque "brain storming" fut organisé, afin d'élargir les possibilités mais, malgré plus de 400 propositions, aucune ne fut retenue officiellement. Elles furent, cependant, à l'origine des mythes autour du mot nylon. Plusieurs hypothèses circulent à propos de ce nom de baptême et, comme à mon habitude, j'ai du mal à choisir, alors je vous les livre. A vous de décider celle qui vous semblera la plus sensée ou la moins insensée parmi les plus crédibles.

ACRONYME ECONOMICO-POLITIQUE!

 Nylon serait un clin d'œil entre New-York et LONndon, une manière de symboliser une union tant sur le plan économique que politique.

ACRONYME HOMMAGE

Les lettres qui forment le mot nylon sont les premières des prénoms des femmes des chimistes qui travaillèrent sur ce projet. Nancy, Yvonne, Louella, Olivia et Nina.

ACRONYME POLITIQUE

Comme le mot nylon était inscrit sur les toiles de parachutes, naquit un acronyme destiné à défier l'ennemi japonais. Les soldats utilisèrent les lettres du mot nylon pour en faire une phrase devenue célèbre  Now You're Lousy Old Nippon. Cette blague eut un retentissement inattendu, les journaux en firent mention et les conséquences furent telles que la direction de la firme fut obligée de publier un démenti dans un journal japonais, affirmant que jamais ces lettres n’eurent cette signification.

ACRONYME  BOUTADE

Au début du brain storming, H. Church lança à la manière d'une boutade et pourquoi pas Duparooh pour DuPont Pulls A Rabbit Out OHat. (DuPont sort un lapin de son chapeau). Magie !


EN APPARTE

Ce n’est pas par amour de cette fibre que j’ai voulu retracer son parcours, mais  j’ai voulu lui rendre hommage parce que son existence est inextricablement liée à notre quotidien, au monde du textile mais aussi à celui de l’aviation, du sport en un mot à notre époque. Alors non ! Nos sens ne sont pas éblouis par cette fibre au toucher froid, à la texture banale, au lustre artificiel mais, au delà de ce manque de compassion, j’aime ses qualités hors du commun qui permettent à l’être humain d’affronter les colères de dame nature, de se confronter aux aléas climatiques et de se surpasser dans le sport. Le nylon, comme beaucoup de fibres synthétiques, ne joue pas dans la même catégorie que  les fibres naturelles, la comparaison n’est pas d’actualité, leur monde est différent, mais les deux concourent à notre félicité

 .

Au XXe siècle, le nylon est devenu la référence en matière de fibres modernes. En 1945, il marqua la fin des années de privation avec les bas le nylon, gagna en popularité et devint, en Europe, un symbole de la Libération. Au XXIe siècle, il demeure irremplaçable, incontournable et fait partie de notre environnement.

Voilà pour ce dernier post de l’année 2023 qui donne une place à la modernité dans l’univers des textiles avec un cocktail épicé : un soupçon de technique, une dose d’histoire et un trait d’anecdotes. Bonne lecture et à l’année prochaine ! 

N°1LA SAGA DU NYLON



UNE POLITIQUE GRAND ANGLE «De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! » Danton

Dans les années 1930, la firme Du Pont de Nemours  cherchant  à diversifier sa gamme de produits décide de développer les recherches dans le secteur de la chimie dont l’avenir semble prometteur. a


UN PROJET AMBITIEUX                                                                            Dans cette optique, un projet pharaonique est lancé : fabriquer une nouvelle famille de fibre textile. 


MISER SUR UN OUTIL DE RECHERCHE PERFORMANT

Pour se donner toutes les chances d’aboutir, des chimistes de haute volée sont recrutés pour former une équipe qui sera dirigée par W.H. Carothers. Ensemble, ils vont travailler  au sein du laboratoire de chimie organique et axer leurs travaux sur la recherche fondamentale.


LE NEC PLUS ULTRA

A la tête d’une équipe de choc, Carothers, ex professeur en chimie organique à l’université de Harvard, est dégagé de toute contrainte : aucun résultat n’est exigé, il est maître du choix des sujets de recherche et, cerise sur le gâteau, le budget alloué au laboratoire est illimité « en ce qui concerne les crédits, le ciel est la limite ».Carothers. 


LE SUJET DE LA RÉUSSITE

Carothers concentra les recherchaes de son laboratoire sur l’étude des polymères.


LA MATERIALISATION D’UN REVE

Chercher une alternative à la soie naturelle n’est pas une idée récente. Réaumur s’y attela au XVIIIe siècle en tâtonnant mais, en 1884, c’est à H de Chardonnet que le monde industriel doit la création d’une fibre textile à base de cellulose, commercialisée en tant que viscose, rayonne ou sous l’appellation jugée aujourd’hui équivoque de soie artificielle.  Toujours plus fort, l’équipe de  Carothers a poussé sans relâche ses recherches, ponctuées d’échecs et de réussites, jusqu’à l’obtention du polyamide 6,6, une matière issue de la pétrochimie qui, à bien des égards, peut se comparer à la soie.


UNE STRATÉGIE ÉCONOMIQUEMENT RENTABLE 

Ne plus être dépendant de la soie importée d’Extreme Orient, se libérer des matières textiles d’origine naturelles, pouvoir produire en grande quantité des fibres à moindre coût, oublier les approvisionnements incertains soumis aux aléas climatiques et politiques. Ainsi, les résultats des recherches de Carothers permirent de devancer les futurs embargos sur la soie, résultant d’événements politiques : en 1937, les troupes japonaises entrèrent dans Nankin, générant l'embargo de la soie chinoise puis, en 1941, à cause de la guerre entre les USA et le Japon, la soie japonaise ne fut plus exportée.

Le saviez vous ? A cause de la pénurie de soie japonaise toute la production de nylon de Dupont de Nemours fut réquisitionnée par le gouvernement américain pour équiper  l’armée. et la soie japonaise qui, jusque là, servait à fabriquer les parachutes, fut remplacée par le nylon. Les américains prouvèrent ainsi aux japonais qu’ils étaient capables de se passer de leur soie et le drapeau américain de la Maison Blanche fut fabriqué en nylon.


UNE ETOILE EST NEE

« Aussi solide que l’acier, aussi fine que la toile d’araignée et d’un magnifique éclat ». C’est ainsi, qu’en 1935, fut annoncée la naissance de la première fibre synthétique encore baptisée polyamide 6,6. C'est ainsi que l’industrie américaine gagna son autonomie en matière textile. 

 

UNE TRES BREVE INCURSION, TOUTEFOIS NÉCESSAIRE, DANS LE  DOMAINE DE LA CHIMIE  

Pour le principe et très sommairement, voici quelques repères concernant la composition chimique du nylon. 

Le nylon est une matière issue de polymères (c’est-à-dire de plusieurs petites molécules chimiques liées entre elles pour en former une seule grande).

Le nylon est une matière plastique synthétique et, bien que résultant de  réactions chimiques complexes, les matières de base sont issues de produits pétroliers. 


NOM DE CODE : POLYAMIDE 6,6

Parce que, chimiquement, il appartient à la famille des polyamides et résulte de la combinaison d’une diamine contenant six atomes de carbone avec un dicarboxylique   composé aussi de six atomes de carbone.

 

LE PHYISQUE DU  NYLON AVANT LE FILAGE 

Une fois synthétisée, la matière obtenue se présente sous forme de poudre, de résine ou de granulés de couleur naturellement blanc cassé ou translucide, qui peuvent être colorés en fonction de la couleur du produit final. La matière est ensuite fondue, filée puis séchée. C’est alors que la fibre acquiert toutes ses qualités.

  

LES POINTS FORTS ET LES POINTS FAIBLES

Ses points forts : solide, légère, imperméable à l’eau et à l’air, entretien simpliste, prix modique, résistante à l’usure, imputrescible, infroissable, élasticité modérée mais présente, irrétrécissable, résiste aux produits chimiques. Toutes ces qualités confèrent une notoriété et son implication dans les objets de la vie quotidienne.                                                           Ses points faibles : se dégrade sous l'effet soleil. Une exposition prolongée à la lumière du soleil peut entraîner la décoloration, la fragilisation et la réduction de ses propriétés mécaniques. Il peut fondre sous la semelle d’un fer à repasser trop chaud. Il attire la poussière, sauf traitement anti-statique. Certaines de ces qualités peuvent devenir des défauts comme son imperméabilité : les vêtements en nylon ne sont pas « respirables» : si la pluie ne les traverse pas, la transpiration ne s’échappe pas non plus. 

Son point le plus faible: le signal d’alarme est activé face à son impact néfaste sur l’environnement. Dérivé de ressources non renouvelables comme le pétrole, sa fabrication entraîne une pollution de l’eau et de l’air en contradiction avec les défis environnementaux auxquels nous sommes tous confrontés.                                        Le saviez vous ? Son processus de fabrication est extrêmement polluant et énergivore.  14000 km de fils et 750 litres d'eau pour fabriquer une seule paire de bas nylon ; et 30 à 40 ans pour qu'elle se dégrade.

                                                    

LE RECYCLAGE, UNE OPTION EN VOGUE POUR DIMINUER SON IMPACT 

NÉGATIF.                                                                                            Pour se mettre en conformité avec la politique de protection de l’environnement, les industriels développent des trésors d’ingéniosité, comme accélérer le développement des nylons biodégradables ou à base de sources renouvelables mais ce n’est guère suffisant pour convaincre les plus réticents. L’option recyclage du nylon permet de réduire les nuisances environnementales sans stopper la production. De plus, cette idée semble économiquement viable et satisfait les adeptes du « non déchets ».                                                                             

Malgré ces faiblesses, les points forts sont largement gagnant et contribuent à faire du nylon l'un des polymères synthétiques les plus largement utilisés dans de nombreux secteurs industriels (vêtements, industrie aéronautique, automobile, matériel de sport…).  

                                             

A SUIVRE

lundi 27 novembre 2023

DES PANORAMAS AUX PANORAMIQUES : UN VOYAGE HAUT EN COULEURS AU PAYS DES ARTS DECORATIFS

 


LES IDEES ET LES MOTS 

Le mot panorama est une création du peintre irlando-écossais Robert Barker.  Construit sur le grec ancien pan = tout et horama =vision, cela donne littéralement   vue globale, vue d’ensemble. Cette notion décrivait parfaitement l’idée, a priori incongrue, que l’artiste avait en 1787 d’exposer sur les murs d’une salle circulaire une série de toiles représentant des vues à 360° de la ville d’Edimburgh. Entre grec ancien et anglais moderne, le mot est entré sans crier gare tel quel dans le vocabulaire français.


LE  PAPIER PEINT PANORAMIQUE

C’est un revêtement mural dont le décor au format XXL est continu, sans  répétition. Les lés ou panneaux peuvent être collés d’un  seul tenant ou séparément L’absence d’encadrement ou de bordure libère l’image qui, visuellement, agrandit l’espace gomme les angles.  Le but ? Produire un effet visuel donnant l’illusion de l’espace.


 IL Y A TOUJOURS UN DEBUT A UNE HISTOIRE 

La décoration murale n’est pas née hier, ni même avant hier ! Remontons le temps avec les peintures rupestres de Lascaux, les fresques de Pompeï ou les mosaïques du Taj Mahal. A l’origine des panoramas il y eut les veduti, séries de vues de Rome peintes depuis les collines environnantes au XVIe siècle, image par image, rassemblées en un tout donnent une vue générale de la ville.

  

LES PANORAMAS AVANT LES PANORAMIQUES

Robert Barker préconisait que les salles où il exposerait ses œuvres ne devaient avoir qu’une seule et unique source de lumière provenant d’un éclairage zénithal, afin d’éclairer les toiles tout en laissant dans la pénombre les spectateurs placés sur une plateforme érigée au centre de la pièce. Tout était fait pour donner  l’impression au visiteur qu’il faisait partie du tableau qui l’entourait de toutes parts. Le succès de ce divertissement populaire entraina la construction de multiples bâtiments circulaires baptisés panoramas en Europe. 

Le saviez vous ? C’est l’américain R. Fulton, qui fit construire les premiers panoramas parisiens en 1799. A Paris, deux anciens panoramas existent, bien que leur destination ait changé en quelques décennies :  il s’agit du théâtre du rond point et du théâtre des Champs Elysées. 

Le saviez vous ? Si le passage qui débouche sur le boulevard Montmartre est  baptisé passage des panoramas, c’est parce qu’il reliait au début du XIX e siècle deux panoramas aujourd’hui disparus. Mais pour les curieux, il existe encore des   panoramas en activité, notamment à Waterloo et à Sebastopol. 

Avec le recul, on comprend que le public, un tantinet naïf, ait pu être conquis, intrigué, amusé, médusé par cette attraction. 

En aparté : J’aime ce concept décoratif où l’imaginaire est en vedette, je m’y

engouffre avec délice et curiosité. J’accepte l’illusion d’optique pour mieux en jouer. 

 APRÈS LES PANORAMAS STATIQUES, LE MOUVEMENT PREND LE PAS

Aux panoramas, succèderont en 1822, les dioramas et leurs images animées, une attraction rendue obsolète avec l’avènement de la photo, puis du cinéma.  


LES PANORAMIQUES, UNE ILLUSION SPACIALE

A la fin du XVIIe siècle, en réponse au succès des panoramas publics, les manufacturiers français proposèrent des panoramiques ou panoramas domestiques. Leur spécificité résidait dans la conception même de ce revêtement mural : créer un environnement visuel  inattendu :  le volume se dilate, les murs disparaissent; l’espace s’ouvre vers l’intérieur.
 

UNE CONSTRUCTION SAVAMMENT ETUDIEE

Contrairement aux papiers peints traditionnels qui présentent des motifs répétitifs sur un rouleau, les panoramiques se composent d’un certain nombre de lés ou panneaux qui sont assemblés pour créer une image panoramique continue sur un mur ou une surface. 

 

UN VOYAGE SEDENTAIRE

 Et si c’était l‘idée sous jacente de cette forme de décoration murale ? Une opportunité pour le  “spectateur“ d’entrer dans une autre dimension, dans un monde imaginaire, dans un faux semblant qui vous emmène au bout de vos rêves. À une époque où les distances constituaient un obstacle, voyager était une épreuve, les  panoramiques créaient des "voyages virtuels" en affichant des   paysages lointains, une végétation luxuriante mais souvent imaginaire.


SE LAISSER BERCER D’ ILLUSIONS

En toute conscience, nous le savons, les panoramiques sont des mirages, mais qu’importe, acceptons le challenge et savourons notre plaisir. 

Bien que le douanier Rousseau n’ai jamais visité les contrées lointaines qu'il représentait dans ses peintures, les sources d’inspiration à sa portée n’étaient que  les jardins botaniques, zoos et autres expositions coloniales. Il sut nous offrir sa réalité sincère, quoique teintée de naïveté, tel est le talent de l’artiste !


UN JOLI PARCOURS POUR CES LONGS METRAGES

Le premier long métrage européen pourrait être la broderie dite “tapisserie“ de Bayeux, cette bande de 0,50 m de large sur 70 m de long qui déroule, scène après scène, l’épopée de Guillaume le Conquérant.

 

LE MOUVEMENT APPARENT

Un trajet semé d’embuches pour les soldats du Duc de Normandie, mais un chemin rectiligne pour le visiteur. Au fur et a mesure que l’on avance, les séquences de cette bande dessinée se succèdent (broderies en laine sur une toile de lin) et, petit à petit, les personnages semblent s’animer sans que rien ne bouge, si ce n’est le spectateur.


PAPIER PEINT VERSUS PANORAMIQUE

Le papier peint panoramique est un revêtement mural qui se distingue des  traditionnels papiers peints par ses dimensions hors normes.


LA TRES HAUTE COUTURE ALSACIENNE 

 La fabrication des panoramiques de la plus ancienne manufacture française de panoramiques, Jean Zuber, installée  en 1784 à  Rixheim en Alsace, nécessitait un nombre considérable de planches de bois gravées ainsi qu’une une équipe d’artistes et d’artisans qualifiés. Ces productions furent remarquées par des amateurs, non seulement en Europe, mais dans le monde entier.

  

LE ROCAMBOLESQUE PARCOURS DU PANORAMIQUE DES VUES DE L’AMERIQUE DU NORD DE LA MANUFACTURE JEAN ZUBER

 En 1961, Mme Kennedy décida de redécorer la résidence présidentielle. Or concomitamment, la maison Jones, une bâtisse vieille de plus d’un siècle située à Thurmont dans le Maryland, était sur le point d’être démolie. Peter Hill, antiquaire brocanteur bien informé, se rendit sur les lieux. Il y découvrit un panoramique poussiéreux qui couvrait les murs d’un long et sombre couloir. Un travail exceptionnel sorti des ateliers de la manufacture alsacienne de Jean Zuber en 1834. Composé de 32 vues de « l’Amérique du Nord »  dont : le pont naturel en Virginie, les chutes du Niagara, la baie de New York et le port de Boston réalisées par le peintre Deltil d’après des gravures du XVIIIe siècle. 1690 blocs de bois gravés furent nécessaires pour exécuter ce chef d’œuvre.

Acquise pour 50$ par cet homme, elle fut sauvée in extremis. Mais, décoller le papier dans les plus brefs délais avant démolition s’avéra périlleux. Précautionneusement, avec un matériel des plus sommaires, il récupéra sans   détérioration le panoramique. Peter Hill contacta le Smithsonian Institute qui alerta mme Kennedy qui fut séduite par ce panoramique. Le NSID (National Society of Intérior Design) acheta ce décor mural  à Peter  Hill pour la somme de 12 500 $ et en fit don à la Maison Blanche.

 Mme Kennedy lui offrit une seconde vie et une place d’honneur sur les murs de la    Diplomatic Reception Room ou salon des ambassadeurs. C’est ainsi que, malgré une acquisition fort peu conventionnelle, le savoir-faire français est présent à l’autre bout du monde. 


LES ARTISTES DE L’OMBRE  .                                                                                                           La réalisation de ces magnifiques panoramiques fut un travail d’équipe. Les plus importants furent le dessinateur Mongin, le peintre Deltil et le chimiste Eherman pour la partie florale des panoramas, et Zibelius, ornemaniste de grand talent. 


OUBLIER LES MURS, ABOLIR L’ESPACE

Occulter les murs, ces  surfaces planes et inertes, en les sublimant artistiquement ou les utiliser comme simple support pour la décoration intérieure semble avoir été la préoccupation de nombreuses civilisations. Si tout n’est pas, comme le dit Baudelaire, «…qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté »,  c’est au moins une invitation à élargir le champ de vision vers l’intérieur d’un espace clos d’une pièce.


 LES PAYSAGES  OU SCENES PITTORESQUES                                                                         Au XVIIIe siècle, les premiers panoramiques furent réalisés à partir de dessins, de peintures qui s’adaptaient au goût du public. Scènes pastorales, paysages bucoliques ou urbains. Mais pour le plus grand plaisir des clients, les paysages étaient généralement idéalisés, moyen de créer un environnement pittoresque.                                                                                                                               Le saviez vous?  Pourquoi pittoresque? Si l’on se réfère à l’étymologie, de l’italien pittore peindre, cela devient alors une évidence : ces vues  sont dignes d’être peintes pour leur aspect séduisant elle sont « aimables ».   

LES PANORAMIQUES ENTRE ART ET DECORATION                                                                                       Avant le XIXe siècle, la décoration d’un intérieur reflétait le statut social du propriétaire, généralement issu de la noblesse ou de la grade bourgeoisie, les seuls à pouvoir s’en préoccuper. Chaque œuvre était réalisée à l’aide de planches de bois gravées – 2 à 3000 pour un panoramique – qui étaient trempées séparément dans chaque couleur avant application, comme des tampons. Ces articles prestigieux étaient, comparable aux produits de la Haute Couture. La main d’œuvre qualifiée travaillait avec des matériaux haut de gamme. Avec la révolution industrielle, les inventions se succédèrent et la fabrication artisanale des papiers peints faisant de chaque panoramique une pièce unique passèrent progressivement, avec l’invention de la lithographie, à une production industrielle. Ces progrès permirent de baisser leur prix de revient, drainant ainsi une nouvelle clientèle.    

                                                                                                                                                                                                                                DU "HOME SWEET HOME“ DU XIXE SIECLE A CELUI DU COCOONING DES ANNEES 80 : LE CHANGEMENT DANS LA CONTINUITÉ                                                                                                                            Au milieu du XIXe siècle, des appartements bourgeois aux logements des classes populaires, la décoration d’intérieur s’invite. Après le strict nécessaire, le superflu devient incontournable et la maitresse de maison s’attèle à faire de son foyer un lieu agréable et confortable. C’est sa personnalité plus que son statut social qui se dégage de l’ambiance du « home ». Depuis des décennies, la communication des éditeurs de panoramiques insiste sur ce point et proposent presque tous  des  panoramiques sur mesure, plutôt à la mesure des goûts d’une clientèle désireuse de personnaliser son intérieur, miroir de leur personnalité. 

                                                                                                                                                                  LE DEPAYSEMENT A PORTEE DE VUE                                                                                            Le papier peint est de plus en plus accessible financièrement, mais les panoramiques demeurent encore et pour longtemps des pièces d’exception artistiquement et financièrement. Cependant, ils demeuraient plus abordables que les boiseries ou les tapisseries  et, au XIXe siècle la bourgeoisie, avide de nouveautés, en fit grande consommation.                                                                          Le saviez vous ? Dans le Père Goriot, Balzac décore d’un panoramique les murs du salon de la pension Vauquer. « le surplus des parois est tendu d’un papier verni représentant les principales scènes de télématique et dont les classiques personnages sont coloriés ». Le panneau d’entre les croisées présente le tableau d’un festin donné au fils d’Ulysse par Calypso.


PANORAMA  DE QUELQUES GRANDS EDITEURS DE PANORAMIQUES

Zuber (France) : Fondée en 1797, c’ est l'un des plus anciens fabricants de papiers peints panoramiques. Leur expertise artisanale et leur engagement envers la qualité en font une référence dans l’industrie. Wall&Decò (Italie) : Wall&Decò propose des papiers peints contemporains et avant-gardistes. Cole & Son (Royaume-Uni) : Fondée en 1875, la production allie tradition et modernité, Rebel walls (Suède) : fondée en 2012, « un rebel est quelqu’un qui reste fidèle à lui même » propose une infinité de thèmes et de modèles pour ceux qui veulent  exprimer leur personnalité dans le décor de leur Home ou de leur lieu de travail. Isidore Leroy (France) crée son entreprise de papiers peints en 1842 ; il révolutionne la technique d’impression du papier peint en créant une machine capable d’imprimer le papier en continu comme pour le tissu. Les trois fondamentaux de la société : l’avance technologique, l’excellence du produit,  l’élégance du design sont toujours d’actualité dans la société reprise par Jean Etienne. En 2016, c’est la première collection du « nouveau Isidore Leroy ». Depuis, les collections se succèdent en collaboration avec de prestigieux designers.  Inkiostro Bianco (Italie) : La créativité et la recherche de la beauté sont les éléments de base d'Inkiostro Bianco. Un fabricant de papier peint italien spécialisé dans l'impression numérique. Les Dominotiers (France) : spécialiste des panoramiques sur mesure. Pierre Frey (France)  : Cette maison de design propose des papiers peints panoramiques qui allient tradition et modernité.


D’HIER À AUJOURD’HUI, LES PANORAMAS SE REINVENTENT

L’idée fut remise au gout du jour et du public par la société Exhibition Hub qui propose un peu partout dans le monde une attraction peu ou prou similaire à celle des panoramas du XVIIIe siècle. Les spectateurs sont tout environné par l’image à 360° et, de Paris à Séoul, de New York à DubaÏ, le succès est au rendez-vous. Pas de papier peint mais une immersion totale dans l’œuvre de peintres célèbres, grâce à la maitrise des techniques récentes comme le vidéo mapping. L’ambiance sonore vient accentuer les effets, et le spectacle, car c’est de cela qu’il s’agit, est visuel et sonore. Je ne sais pas ce que l’on nous promet pour demain, mais ce qui est à notre disposition en 2023 est déjà fort interessant.


LES PANORAMIQUES PUBLICS VOUS ATTENDENT

Si vous n’êtes pas encore décidé à acquérir un panoramique, sachez que les  murs de deux musées parisiens vous proposent des œuvres « immersives » avec les créations audacieusement colorées de deux artistes : Monet et Dufy. 

Au sous-sol du musée de l’Orangerie à Paris. les nymphéas de Claude Monet  couvrent les murs circulaires de cette salle dont l’éclairage zénithal fut voulu par l’artiste lui même.  Placez-vous au centre de la pièce, prenez place et laissez-vous entraîner par votre imagination, rêvez :  « L’illusion d’un tour sans fin d’une onde sans horizon et sans rivage vous entoure » C. Monet. 

Le saviez vous ?  Le mot nymphéa, du grec numphé, nymphe, est le terme scientifique qui désigne le nénuphar. 

Le musée d’art moderne de la ville de Paris ouvre toutes grandes les portes de la salle aux murs incurvés qui accueillent la gigantesque fresque de Raoul Dufy baptisée la fée électricité. L’atmosphère est « féérique », les bruits résonnent et vous, minuscule personnage central dans cette pièce aux dimensions phénoménales êtes comme happé par la lecture de cette odyssée technique.

Une immersion à la géode dans le parc de la Villette est une forme plus contemporaine certes, mais assez proche dans l’idée de ce que furent jadis les panoramas.