Messages les plus consultés

profil

profil
mes tissus

mercredi 30 juin 2021

SHA CHIRIMEN ZHOUSHA QUI SUIS JE ?

 IN BLOG ETOFFE.COM  


UNE ETYMOLOGIE COUSUE DE FIL BLANC 

De l’italien crispare et du vieux français crespe : frisé avec des nuances qui conviennent à la diversité des surfaces des crêpes : ondées, grenues, sablées.  

Crêpe - Etoffe.com

ET LA LUMIERE FUT

Observée avec un compte fil, la surface des crêpes ressemble à celle de la lune, tout en creux et en bosses, un terrain de jeux sans lustre mais où ombres et lumières trouvent le moyen de jouer les divas.   

ACTION !

Crêper, c’est soumettre un fil à une torsion. Le nombre de tours/m est fonction de la destination du fils. Entre 3000 et 4000 tours par mètre pour un fil destiné au tissage d’un crêpe.  

LA PARTIE SE JOUE SUR LE FIL

Différentes méthodes sont utilisées pour crêper un fil, choisies en fonction de la fibre : on peut crêper du crin en le faisant bouillir, crêper un fil de soie en le tordant, texturer un fil polyester en exploitant sa thermoplasticité ou même se crêper les cheveux ! 

LE MOULINAGE : SECRET DE LA REUSSITE 

Il consiste à réunir plusieurs brins de soie agglomérés entre eux par le grès et à les tordre ensemble pour obtenir un fil solide capable de supporter les tensions du tissage, de résister au bain de teinture sans se désintégrer.

DE S A Z  

Tisser alternativement et avec des tensions différentes, un fil tordu dans un sens, puis un fil tordu dans l’autre produit l’effet escompté pour obtenir le crêpe chiffon.

DE LA MAIN AU MOULIN  

A l’origine, les fils étaient retordus manuellement par des procédés analogues à ceux utilisés par les cordiers, un procédé long et fastidieux qui fut simplifié au XVIIe siècle grâce à l’invention de machines appelées moulins, une technique développée par les piémontais, copiée par les anglais en 1820 siècle et améliorée en 1855 par le français Vaucanson, son moulin offrant la possibilité de filer et de tordre simultanément les fils de soie en continu et de manière régulière. Voilà le mystère de l’origine du mot moulinage résolu. 

A CHACUN SA RECETTE   

La torsion modifie les propriétés physiques d’un fil : plus le nombre de tours par mètre est important plus sa solidité augmente, plus son diamètre diminue, plus sa longueur se réduit, plus sa brillance s’atténue et plus ses ondulations sont nombreuses. Inversement plus la torsion est faible, plus le fil est souple et gonflant, plus ses ondulations sont espacées. Les combinaisons torsion/m-fils-armure-matière sont infinies, offrant depuis des siècles aux tisserands l’opportunité d’exercer leur créativité.

DANS LES COULISSES DU CREPE 

A la tombée du métier, le tissu est plat, les fils de chaîne ayant été soumis à une forte tension, sont encore sous l’effet de l’anesthésie. Le grès se dissout dans le bain de teinture, réveillant les fils qui tentent de reprendre leur forme initiale en se détordant mais sans succès, le tissu ayant subi un retrait notable. Les fils n’ont d’autre solution que de se recroqueviller et leur crispation provoque un chamboulement en surface qui, de calme, plate et lisse, peut se transformer en un champ de bataille hirsute.  

UN COURT CIRCUIT

Ni romain, ni georgette ou aérophane mais sha, chirimen, bologne, une liste restreinte afin de respecter le nombre de lignes imparti. 

SHA ET ZHOUSHA LES PREMIER SPECIMENS  DE CREPE DE CHINE 

Il fallait s’en douter, le crêpe de soie est né dans le Céleste Empire. Des fragments de Sha, une soie dont l’aspect est donné par son idéogramme sable, ont été exhumés à l’occasion de fouilles archéologiques. Les plus anciens sont datés du XIIe siècle avant J.C. Cette gaze est caractérisée par une contexture lâche, des fils peu tordus en chaine et sur-tordus en trame.  Le zhousha est un dérivé du sha, avec une surface plus granuleuse puisque tous les fils subissent une torsion. La transmission des savoir faire des filateurs et des tisserands se faisait au sein des ateliers ou des familles. Les peines encourues par les contrevenants à cette tradition qui auraient partagé leurs connaissances avec des étrangers furent suffisamment dissuasives pour réduire les trahisons. Au Xe siècle, la fabrication du sha était le monopole de deux familles dont les membres se mariaient entre eux afin d’éviter la divulgation de la technique. Une fois le secret de la soie percé et le monopole perdu, la qualité de l’artisanat persista. Au XVIIe siècle, le zhousha et le sha étaient de véritables chef d’œuvre enrichis de broderies, à l’usage exclusif  de la garde robe impériale. Aujourd’hui encore, le crêpe de chine est le plus connu des crêpes : tissé écru, armure taffetas, un tissage serré, avec des fils de chaîne ayant reçus une faible torsion et des fils surtordus en trame. Il en résulte un tissu souple, d’une belle rondeur. Ce qui le rend si aimable est sa délicieuse et élégante façon de se draper. 

LES TISSERANDS JAPONAIS INVENTENT LEUR CREPE 

Le crêpe d’Echigo chijimi fut un intrus dans le monde de la soie, mais un prince dans l’univers textile. Au début du XIXe siècle, Suzuki Bokushi un marchand de tissus, lui fit une déclaration d’amour « le fil est filé et tordu dans la neige, le tissu est tissé dans la neige, il est lavé dans les eaux de la neige et blanchi sur les champs de neige. Il y a de la crêpe [ramie] parce qu’il y a de la neige ». La filature et la torsion des fils de ramie est réalisée manuellement traditionnellement par des femmes, une technique ancestrale appartient au japonais que personne encore n’a tenté de leur ravir. A ce jour, aucune machine n’est en capacité de produire un tel fil ni de reproduire ces conditions climatiques ; c’est pourquoi ce crêpe a échappé à l’industrialisation et est classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. 
L’Ojiya-chijimi, Echigo-jofu : techniques de fabrication du tissu de ramie
L’Ojiya-chijimi, Echigo-jofu : techniques de fabrication du tissu de ramie

Le chirimen un crêpe made in Japan

La transmission Chine/Japon n’échappe pas aux « indélicatesses » humaines. Au XVIIe siècle, un tisserand « dissident » chinois, vint s’établir à Sakaï, initiant les artisans locaux à la technique de torsion des brins de soie. Le climat humide et chaud, de la région d’Osaka convenait à la fabrication des fils de crêpe, une atmosphère trop sèche donnant des fils cassants. Le chirimen présente une similitude au niveau de le torsion des fils avec le sha chinois : un fil peu tordu en chaîne et surtour du en trame, mais le tissage est plus serré. Au XVIIIe siècle, les centres de tissage de crêpe se multiplient dans le pays, notamment autour de Kyoto et de Kiryu. Devenus des articles de luxe durant la période Edo, les tisserands s’acquittaient des taxes impériales en métrage de chirimen.  

Le chirimen Tango. Quand un tissu donne lieu à un acte de civisme, il convient de le mentionner. Dans le district de Tango, les paysans cultivaient la terre en été et durant la saison froide filaient et tissaient afin de diversifier leurs sources de revenus. Leur spécialité était le chirimen seigou vendu dans la province. Mais au XVIIe siècle, une succession de mauvaises récoltes et  la concurrence des magnifiques chirimen shima des crêpes rayés, tissés à Kyoto plongèrent les paysans/tisserands dans un marasme économique insoluble.

Un commerçant de Tango eut l’idée d’initier les habitants de Tango à la technique du chirimen de Kyoto, mais les familles détentrices de la technique ne tenaient pas à la partager et les ouvriers soumis au secret, respectaient généralement ces consignes. Alors, l’espionnage et la ruse restaient encore la manière la plus simple d’accéder aux informations. Deux tisserands de Tango se firent embaucher comme apprentis dans un atelier de Kyoto. Au bout de deux ans, ils en savaient suffisamment pour rentrer et former les habitants de tango. Le passage de relais fut une réussite, la famine fut évitée, mettant en vedette le désormais célèbre chirimen tango dont la qualité pouvait rivaliser avec les chirimen shima. 

QUESTION DE POIN DE VUE 

La surface du chirimen est constellée de vaguelettes non pas géante comme celle d’Hokusaï, mais minuscules comme si la surface de la mer du Japon frissonnait après avait été frôlée par une brise légère. Si, pour les occidentaux, ce sont des frisures qui envahissent la surface des crêpes, se sont des shibo ou rides pour les japonais qui ont une vision plus lucide et décomplexée que personnellement je trouve plus cash et que j’adore. 

SENS DESSUS DESSOUS

Il faut avoir eu entre les mains et devant les yeux un métrage de chirimen pour saisir sa complexité. Une curieuse sensation de lourdeur suggérée par son épaisseur, dissipée par une généreuse souplesse, insoupçonnée visuellement. 

DE LA SUITE DANS LES IDEES

Le chirimen, est devenu au cours des siècles un produit devenu culte, et loin d’être abandonné, sa production se poursuit avec et ou sans soie, artisanalement et industriellement.

QUAND LA TRADITION EST UNE FORCE  

Les japonais ont leur propre conception de l’artisanat et des artisans. La préservation exemplaire des savoir-faire ancestraux et leur transmission est une évidence au pays du soleil levant. Le passé et le futur se complètent. Au XVIIIe siècle, la soie était un produit de luxe les chutes issues du tissage étaient appelées chirimen zaiku  ou crêpe de bricolage, utilisées pour habiller les poupées ou pour fabriquer des objets. Aujourd’hui, ce sont des objets du quotidien qui sont fabriqués avec le chirimen zaiku en polyester. « Peu importe le flacon pourvu… ».  C’est un moyen exemplaire de perpétuer un art de vivre certain sans céder aux influences occidentales.

LE CREPE DE SOIE MADE IN ITALIE 

Les premiers crêpes de soie sortent des manufactures italiennes établies à Bologne au XVIIe siècle, profitant des avancées techniques du moulinage qui ont lieu à la même époque dans la région qui permettent de produire de grandes quantités de fils organsins, indispensables au tissage très particulier des crêpes. Sans doute initiés par quelques filateurs venus de Sicile alors grand centre soyeux, les artisans bolognais conservèrent jusqu’au début du XVIIIe siècle le monopole de la production des organsins et du crêpe de soie noir.

LYON PREND PART A L’AVENTURE DE LA SOIE EUROPEENNE

La sériciculture se développe enfin en France sous l’impulsion d’Oliver de Serre, avec la bienveillance du roi Henri IV et l’aide de soyeux italiens « invités » à former les artisans français. En 1604, une manufacture royale de drap et de crêpe de soie est installée dans le château de Mantes mais son existence fut de courte durée, l’idée d’une implantation manufacturière de soieries dans la région parisienne étant abandonnée au profit de la Touraine et de l’Ardèche, régions au climat plus clément. Les manufactures de soie lyonnaises se développèrent grâce à la proximité des magnaneries ardéchoises. L’activité de ce secteur économique pâtit du peu de moyens mis en œuvre, des mauvaises performances techniques des machines et du manque de formation des ouvriers. Vaucanson, chargé par Louis XV de réorganiser l’industrie de la soie dans le royaume, remplit son contrat avec succès, malgré quelques obstacles qui ressurgirent lorsque Jacquard tenta d’imposer son métier aux canuts. In “dictionnaire encyclopédique et biographique de l’industrie et des arts industriels“ de O.E. Lamy.1883 : « le crêpe français est une sorte de gaze composée en chaîne et trame de plusieurs bouts de soie grège montés jusqu’à plus de 3 000 tours au mètre. Après tissage et teinture, l’apprêt fait à chaud au moyen de rouleaux recouverts de peau tend le tissu en lui donnant un dessin régulier. Ainsi préparé, le crêpe est méthodiquement tourmenté comme par un gaufrage mais bien plus fortement élastique qu’une étoffe gaufrée, il reprend énergiquement ses formes ondulées lorsqu’après l’avoir tendu à la main on le laisse à lui-même. Très résistant malgré sa légèreté, il se découpe pour faire des ruchés, des plissés de jupes, de cols de manches des formes de chapeaux etc. » La fabrication du crêpe n’a jamais cessée à Lyon, faisant coexister la soie et les fibres chimiques.

LE CREPE ANGLAIS

Jusqu’en 1720, les anglais importaient les fils organsins et les crêpes de soie d’Italie. Les frères Thomas et John Lombe décidèrent de construire des moulins piémontais en Angleterre. Le principe de l’espionnage industriel ne déroge pas à la situation. John se fit embaucher dans un atelier de Bologne dans le but de comprendre le principe du fonctionnement de ce moulin et de se familiariser avec son fonctionnement. Les croquis, qu’il fit, les notes qu’il prit durant les années qu’il passa en Italie lui servirent, à son retour, pour fabriquer la réplique de ces moulins se donnant les moyens de concurrencer la production italienne. Il déposa le brevet de « son invention ». Il mourut brutalement en 1822. Une femme d’origine italienne fut soupçonnée de l’avoir empoisonné. Le gouvernement anglais racheta le brevet à Thomas Lombe pour une somme conséquente. La manœuvre fut efficace, la qualité du crêpe de soie anglais dépassa celle des crêpes italiens, prenant ainsi une grande part du marché européen. Jusqu’en 1862, date de la mort du prince Albert, la demande de crêpe noir stagnait. Le dress code imposé à la cour par la reine Victoria boosta les ventes et, à cette occasion, naquit le crêpe Albert. Les femmes portaient les tenues de deuil deux années, la reine les porta jusqu’à sa mort. En 1890, la société Courtauld commercialisa un crêpe léger d’un noir profond dont la recette fort convoitée ne fut jamais dévoilée dit-on. Le « mourning crape » qui devint le crêpe Courtauld fut un grand succès. En 1894, la gamme fut enrichie d’un nouveau crêpe de soie, proche d’une gaze, caractérisée par un gaufrage. La production du crêpe noir Courtauld cessa en 1940.  


J’ai pris un infini plaisir à partager avec vous la découverte de ces crêpes dont le parcours, souvent mouvementé, est à l’image de leur surface si particulière.


vendredi 18 juin 2021

LES JOIES DU TISSU


    

L'été arrive, les masques tombent et dimanche, plus de couvre feu ! Ce qui fut "jadis" notre quotidien devient soudain magique, aimable ! Ma passion pour les tissus ne s'est jamais tarie, au contraire, elle s'est même accrue, m'aidant à traverser ces quelques mois pour le moins étonnants : pas de voyages, pas de sorties, pas de visites, mais le pays des tissus n'est jamais loin de moi.

LE CLUB DES CINQ

Mes sens sont en éveil lorsqu'ils sont en présence d'une étoffe. Les uns sont prompts à réagir physiquement dès qu'ils sont en contact avec la matière ; d' autres font appel à mes souvenirs, mais aucun n'est insensible à la nature des fibres textiles ou à la couleur d'un vêtement. Tous unis, ils ont mis en scène un univers textile très particulier, le mien ! Avec mon expérience professionnelle et beaucoup d'imagination j'ai redécouvert d'une manière ludique et très personnelle les tissus. Je me suis évadée dans un ailleurs délicieusement coloré, chaleureux, amical. J'ai écris sur ce blog et sur celui d' etoffe.com, j'ai fait des recherches, j'ai trouvé des trésors, j'ai pleinement rempli mes journées, au-delà des quatre murs de mon appartement. J'ai apprécié pleinement, en toute conscience, mes choix vestimentaires récents. J'ai aussi fouillé dans mes souvenirs textiles comme on le fait généralement avec un album photos ou une collection de timbres et j'ai mis des mots sur les joies et les peines, textilement parlant. En voici quelques bribes. 

PLEIN LA VUE

La présence dans ma garde robe  de ce chemisier en taffetas de soie gorge de pigeon me plonge dans le monde irréel de la couleur. Cette vision subjective de cette variation de roses et de bleus qui irise ce taffetas est fugace. Elle ne doit son existence qu'à la lumière mais, une fois la lampe éteinte, ce vêtement flamboyant redevient une ombre et ne subsiste de lui  que l'image d'un instant coloré. Il me suffit de regarder ce manteau en drap de laine accroché dans le dressing pour qu'instantanément une douce chaleur m'envahisse. La vue d'une robe d'été fleurie me suffit à partir en balade sur la plage d'Houlgate. Parfois, à la vue, il convient de joindre le geste, juste pour confirmer les premières impressions.

UNE PRISE DE CONTACT

Cet hiver, en fouillant dans un tiroir de ma commode à la recherche de mon bonnet en laine quiviut, j'ai mis la main sur un foulard en satin de soie vert anis et turquoise ; de quoi réveiller mon sens tactile et titiller ma vison. Le contact de cette matière ruisselante sur ma peau m'a fait frissonner. Allergie non pas, mais une  réaction épidermique provoquant une sorte de chair de poule. Etonnant ? Bizarrement, les tissus provoquent des chocs. Les velours deviennent de redoutables ennemis pour certaines personnes. Le simple contact des ces poils hirsutes au bout des doigt ne font pas pattes de velours ; ils sont un rappel strident du bruit de la craie sur un tableau noir. Ce ressenti est réservé à ceux qui se souviennent des craies blanches et des tableaux noirs.  Parfois un vêtement en mohair peut être  un supplice pour les peaux fragiles, elle picote, elle gratouille, elle engendre des rougeurs,  il faut alors envisager de faire amie amie avec des laines qui ne demande qu'à cajoler,  à chatouiller, à réconforter comme la laine mérinos, le quiviut, l'angora ou le cachemire. 

ACTION-REACTION

La vue à besoin d'un complément d'information, et ce petit plus c'est le toucher qui lui apporte. C'est un phénomène légitime et   fréquent . Y avez-vous jamais prêté attention ? Ce  constat s'est rapidement imposé dans ma vie professionnelle : les  personnes en admiration devant un tissu ne peuvent réprimer l'envie de le toucher. Plusieurs de   mes clientes  venaient équipées d'un miroir de poche, pour choisir les tissus. Elles  touchaient les étoffes, les posaient sur la paume de leur main, sur leur joue,   les manipulaient, les soupesaient, les froissaient, leur faisaient mener la grande vie et ensuite , ensuite seulement elles approchaient l'heureux élu près du visage, se mirant dans le miroir  qu'elles rangeraient dans ce petit étui en feutre qu'une fois le  choix des mains adoubé par les  yeux.  

SOUVENIRS OLFACTIFS

L'odeur de la laine mouillée est très particulière. elle me renvoie à des souvenirs d'enfance, tenaces encore, presque réels malgré les ans. Parfois, lorsque cela s'avérait indispensable, ma mère "osait" laver mon doudou, un simple morceau de ma première couverture qui avait été rose et qui virait au gris ; probablement celle qui me tenait chaud dans mon berceau. Ce doudou était devenu un talisman qui m'accompagnait partout, de jour comme de nuit. Déjà une accoutumance hors normes au tissu ! Alors, à peine sèche, je m'appropriais ce "chiffon" encore humide, hélas sans saveur, le stimulus olfactif ayant disparu. Seul restait, un moment encore, l'odeur du propre, du savon “Cadum". Depuis, l'odeur de la laine mouillée comme celle d'un pull porté sous une pluie battante me rappelle celle de mon doudou. L'odorat est un incroyable recueil de souvenirs, à feuilleter avec délicatesse.

LE GOUT DU VEGETAL

Avez vous jamais gouté un fil de lin ? Quelle curieuse sensation ! Lorsque, pour enfiler un fil de lin "bleu klein", je l'ai posé sur ma langue, un  réflexe, alors que ma machine est doté d'un système d'enfilage de l'aiguille automatique. Au-delà de l'habitude, ce goût de bonbon m'a renvoyé au monde des sucreries, délice des délices. Le souvenir des berlingots aux rayures multicolores, des rouges coquelicots et des bleuets, ces douceurs anciennes que l'on trouve encore dans de grands bocaux de verre chez les “véritables marchands de bonbons". Confidence pour confidence, je n'ai jamais rien ressenti de tel en travaillant avec un fil polyester.

SILENCE ON TOURNE!

Ils crient, ils soupirent, ils gémissent, ils ronronnent, ils grognent, ils grincent. A bien l'observer, ce monde est bruyant, animé, vivant ! Il est insoutenable le cri de la soie, il est terrifiant celui d'un chiffon que l'on décrire pour faire un pansement de fortune, il est étouffé le son d'un lainage que l'on plie, il est subtil, le bruissement d'un taffetas que l'on manipule en le travaillant. Il résonne encore à mes oreilles le souvenir du frou-frou qui précède l'arrivée sur scène d'Agnès dans sa volumineuse robe de taffetas parme lorsqu'elle annonce que “le petit chat est mort“. C'était il y a longtemps, lors d'une représentation réservée aux scolaires dans un théâtre parisien aujourd'hui disparu : "le théâtre de l'Ambigu-Comique" près de la place de la République. Soixante ans plus tard, le souvenir de ce frôlement d'étoffe m'émeut encore ! Les tissus sont bavards : cet imper en nylon que je tente de faire entrer dans un sac à dos grince, ce short en chanvre semble soupirer d'aise sous la semelle de mon fer à repasser mais le plus étonnant pour un son, c'est son absence. Pas un bruit, ce plaid en jersey de laine mérinos rouge cerise dans lequel je me love avec une volupté non dissimulée  se drape dans un silence assourdissant !

Maintenant à vous de jouer.

lundi 14 juin 2021

Voyages imaginaires au pays des tissus

Pour voyager il n'est pas toujours nécessaire d'aller loin. Du placard au dressing,  du salon à la chambre, il suffit  de laisser libre court à son imaginaire pour faire ressurgir des images enfouies dans nos souvenirs. Chacun peut transformer cet univers textile d'apparence si concrète  en un rêve de soie, une caresse de velours, un baiser de mousseline.

 Toucher, regarder, sentir, écouter les multiples facettes des étoffes c'est ouvrir la boite de Pandore, c'est tourner les pages de l'histoire,  c'est voir le monde industriel sous un autre angle, c'est comprendre les us et coutumes populaires, c'est parfois faire le lien entre la mode et la politique.  La diversité de ces entrelacements de fibres est un délice  cruel pour moi car il regorge d'anecdotes, foisonne d'indices, tant et tant que plus je cherche plus je trouve.  

Il est temps chère lectrice  et cher lecteur d' affronter ce mastodonte, de vous confronter à ce phénomène mondial, à tirer le fil d'ariane  par des chemins de traverse. Offrez vous  le luxe d'un tour du monde en observant pour débuter les tissus qui vous entourent, dans  le dressing, dans les armoires à  linge, sur les murs, les voilages, Tout est bon à observer , ce n'est qu'une question d'imagination! Un simple torchon en métis renvoie l'image des fleurs bleues qui oscillent avec élégance et panache  au gré du vent dans les champs de lin normands..... Essayez vous verrez c'est fascinant et amusant. Je vous invite à partager  dans ce blog vos expériences, vos découvertes, vos émotions textiles.