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samedi 26 décembre 2020

 UN REPAS DE SAINT SYLVESTRE "HABILLE"

2020 se termine mais l’incontournable repas entre amis du 31 décembre semble compromis.
TABLE D'OTE VIRTUELLE
Pour remédier à ce vide je vous convie à une étonnante expérience. Réunir autour d’une même passion des « textilophiles » gourmets
TISSUS ET GASTRONOMIE
Entre cuisine et couture il existe des correspondances, notamment dans le vocabulaire. Des exemples ? A la haute Gastronomie répond la Haute Couture, fast food et maintenant fast -fashion comme le tailleur monte une veste, le cuisinier monte un sauce, une coupe de tissu ou une coupe de champagne etc… Si aujourd'hui le consommateur aime la diversité, s'il recherche le goût véritable en remettant sur le marché les légumes oubliés, s'il privilégie une alimentation saine et savoureuse, pourquoi passer sous silence nos racines textiles ancestrales. Un retour aux fibres naturelles oubliées, et parfois insoupçonnées ? Une quête improbable ? Peut être pas !
UN MENU TOUT TEXTILE

Réunir autour d’une même table amateurs de beaux tissus et fins gourmets c’est une idée qui ne me paraît pas si excentrique. A chaque plat correspond un tissu accompagné de son cv . Ce challenge peut sembler indigeste, mais au fil de cette dégustation les papilles des lecteurs s’habitueront à ce subtile mélange d’incrédulité mâtiné d’une flamboyante imagination. Pour moi, la frontière entre la consommation des aliments et celle des articles textiles est à peine perceptible. Je ne mangerai pas tous les jours un pull en cachemire ou un pantalon en coton, je ne m'habillerai pas davantage avec une laitue pour jupe ou une robe en chocolat ; l'enjeu est plus sérieux que cela.
Remettre en scène les fibres naturelles délaissées au profit des fibres chimiques n'est pas vouloir supprimer le progrès mais diminuer les effets nocifs de la mondialisation.La cohabitation entre nature et technique est possible si l'on en juge par technicité des fibres naturelles souvent bien plus complexe que celle des fibres chimiques ?
LES PRODUITS
La quantité de matière textile dépendra du nombre d'invités prêts à servir de cobayes Le choix des ingrédients est fonction du marché, et du choix proposé par les boutiques de tissus
Un peu de velours de soie, quelques mètres de draperie anglaise, un bouquet de mousseline, un demi mètre de ramie, une demi douzaine de crêpe de coton, une bonne dose de seersucker, de la mousse, un granité, du Campbell à consommer avec modération !

LE MATERIEL : un métrage de tissu éponge, la couleur importe peu pour que la cuisine retrouve son bel aspect, une coupe d'étamine de laine qui servira de tamis pour les sauces ou les teintures
Un coupon en lin ou en métis, pour essuyer les verres, une nappe, la matière est à votre convenance mais ma préférence va au damassé blanc bien sûr, et un filet en coton pour porter vos achats
MENU DEGUSTATION EN CINQ SERVICES
APERITIF
Des grains de CAVIAR sur « canapé « Un lainage caviar est parfaitement adapté aux siège, solide, peu salissant et chic. De quoi s’agit il ?C’est le motif dit grains de caviar qui donne son nom au tissu,
Un verre de Campbell pour commencer la soirée. Campbell marque de whisky écossais ou tissus avec un dessin spécifique de tartan) Si cette marque ne vous convient pas essayez les autres clans
MISE EN BOUCHE
VELOUTE D’ORTIE: pour cette recette choisissez un velours de soie provenant des grandes maisons lyonnaises, extra fin, avec un poil brillant. Lavez le tout à l'eau tiède, laissez sécher à l'air libre, puis repassez sur l'envers, sur une brosse afin de ne pas abîmer la surface. Le velours de soie est une merveille de volupté mais son entretien nécessite quelques précautions. Tout est prêt, c'est parfait pour une soirée très habillée.de blanc. Mais oui parce que c’est la couleur de cette ortie d’exception baptisée Boehemria nivea par Linné et que l’on trouve au mètre dans les boutiques spécialisées sous l’appellation Ramie. Cette plante de la famille des urticacées ne portent pas sur sa tige de poils urticants c’est donc un plus pour sa dégustation
MIGNONNETTE
Donner ensuite un tour de mignonnette pour relever le goût (mignonnette = poivre concassé ou doublure de manche rayée blanche et noire utilisée autrefois par les tailleurs
La linaigrette Les aigrettes blanches auraient longtemps servi à créer un rembourrage pour les coussins et matelas, au même titre que mousses, aiguilles de pin et autres récoltes locales chez les Indiens, les Vikings, et à époque plus récente, dans les régions pauvres d'Europe ou d'Amérique du Nord.
La partie blanche servait parfois de mèches pour les bougies ou les lampes à huile, et on l'a parfois mélangée en petite quantité à des tissus de lin ou de laine. Une autre utilité des plumets confirmée depuis longtemps est leur capacité à étancher les plaies.
POULE ET COQ A LA MODE ECOSSAIS Allez directement au rayon draperie homme ; pour ce plat il faut un métrage de pieds de poule en laine peignée, bien souple et une coupe de pieds de coq dans une laine cardée plus épaisse.
Ensuite, assemblez le tout avec FIL DE LIN bien solide pour que l'ensemble tienne à la cuisson. Tenue chaude à porter en hiver
Pour les convives qui préfèrent un plat plus relevé, un tour de TWEED SALT AND PEPPER (sel et poivre) Ce tissu doit son surnom au fait qu'il est tissé avec un fil noir et un fil blanc.
ACCOMPAGNEMENTS

Le rayon des soieries est encore mis à contribution avec un TAFFETAS DE SOIE imprimé petit pois
Une MOUSSELINE.
Pour cette purée , je vous conseille une mousseline de coton du golfe du Bengal de préférence car son onctuosité n'a d'égal que sa finesse, ce plat apportera une saveur délicate aux lainages écossais pied de poule plûtot roboratifs.
CHEVRE DU KIRGHIZISTAN un gout unique pour le duvet de ces chèvres, quasi inconnue du grand public cette matière est vendue sous le nom énigmatique de laine taewit ou kirghiz white, seuls quelques fabricants de renommée internationale utilisent ce généreux duvet pour "offrir" à leurs clients un met d'exception
Pour finir ce repas insolite terminons par une note musicale
UN BOUQUET DE SAVEURS SUCREES
Un CREPE DE COTON de belle facture, chocolat évidemment.
Confectionnez ce plat au dernier moment, réchauffé, il serait caoutchouteux. Le crêpe de coton est plus facile à travailler, il est moins audacieux, mais plus facile d'entretien qu'un crêpe de se soie et plus digeste qu’un crêpe de laine. Le choisir bien charnu, avec un relief visible.
Version light : une CREPE DENTELLE. Pour cela prenez une dentelle de Calais c'est l'excellence : fine, souple légère, digeste.
Continuons par un SEERSUCKER. Une cotonnade qui peut figurer dans ce menu parce que, originaire de Perse, le Shir o Shekar, devenu seersucker signifiait lait et sucre. Sans doute par sa spécificité : une partie de sa surface est granuleuse et rappelle le sucre en poudre ; l'autre partie plus lisse, est onctueuse et blanche comme le lait. Question de gout, certain le préfère uni, d’autre à carreaux ou à rauyures Ce mot fut transformé par un passage aux Indes et par la langue anglaise pour devenir ce que nous connaissons : le seersucker. 
Pour les incorrigibles gourmands pour clore ce gargantuesque repas voici le CANNELE l’incontournable gourmandise bordelaise étoffe en soie, en coton ou en mélange coton/viscose dont le relief des côtes transversales (de lisière à lisières) est très prononcé

Si vous fêtez la saint Sylvestre dans un pays chaud, je vous conseille un GRANITE(citron). C'est aussi un tissu dont la surface est parsemée de grains, comme un crêpe Mais on peut aussi accompagner ce "festin" d'une petite MOUSSE dans un godet ? Demandez au vendeur une mousse de polyester bien blanche, légère et de moyenne épaisseur. Elle se découpe plus facilement avec une paire de ciseaux. Vous obtiendrez le godet en coupant la mousse dans le biais. Si vous avez une terrasse, un balcon, un jardin, proposez à vos invités de sortir prendre un peu de CHANVRE. Choisissez-le naturel, sans colorant avec une traçabilité : Cannabis Sativa L.qualité textile uniquement évidement
Qui dit Table en fête dit vaisselle de fête argenterie et CRISTAL, tissu en polyester ainsi nommé car il possède la transparence, la brillance et la fragilité du cristal

JE VOUS SOUHAITE UNE BELLE DEGUSTATION
 JE VOUS PRESENTE TOUS MES VŒUX TEXTILES POUR UNE ANNEE SOYEUSE 2021 .
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vendredi 14 août 2020

LE SECRET DES ETOFFES DE LEWIS, HARRIS UIST ET BARRA

 LA SAGA DU HARRIS TWEED®

 

LES TWEEDS UNE FAMILLE BIEN  ETOFFEE

L’origine géographique du Harris Tweed® est décelable au premier coup d’œil, c’est évidemment l’île de Harris. Plus difficile est de la situer sur une carte. L’île de Harris, comme celle voisine de Lewis, fait partie de l’archipel des Hébrides, au nord ouest de l'Ecosse.

La définition officielle du Harris Tweed est détaillée par la loi « Harris Tweed Act « de 1993 qui stipule qu’il est «  vital que l’intégrité, le caractère particulier et la renommée internationale du Harris Tweed soit maintenu. Il est précisé que le Harris Tweed doit être constitué à 100% de laine vierge teinte et filée dans les îles Hébrides et tissée à la main, à la maison par les habitants des îles de Lewis, Harris Uist et Barra ». Difficile de faire mieux en terme de garantie. 

Le succès commercial venant, il devint impossible de fournir la demande de cette manière, c'est pourquoi en 1934 les fileurs furent autorisés à utiliser des machines.

Mais avant le Harris Tweed, il y eut le An Clo Mòr, gros tissu en gaélique. Une étoffe traditionnelle, filée et tissée à la main par les habitants des régions du nord de l’Ecosse et de l’Irlande.

Puis vint le tweed ou plutôt les tweeds, étoffes en laine cardée, à l’armure sergé, épaisse, lourde, solide quasi inusable, imperméable, chaude et à l’épreuve des ronces. Dans un premier temps, ce tissu de caractère fut destiné à une certaine population : chasseurs,  pêcheurs, paysans, vivant dans des régions venteuses et humides. Puis, l’offre des tweeds se diversifiant, proposant des tissus plus légers, plus fantaisie, la clientèle s’élargit devenant plus citadine et l’achat se fit non plus par nécessité mais par plaisir.  

Le terme technique cardé tire son nom du chardon qui, jadis, était utilisé pour brosser les fibres de laine après la tonte, pour les débarrasser des impuretés. Les fibres courtes sont parallélisées à la carde. Le chardon fut remplacé par un cylindre garni de pointes métalliques, qui tourne à grande vitesse afin de démêler les fibres. La masse de fibre de laine est alors transformée en un voile de carde qui devient ensuite un ruban de carde avant de devenir un fil barbu, ébouriffé, indomptable mais chaleureux, heureux de vivre.

 

QUESTION DE VOCABULAIRE

L’étymologie de tweed est riche en hypothèses. Sont en lice :

1 L’abréviation du terme Tweel ou tweeled qui, en écossais, désigne le traditionnel lainage cardé tissé à la main (home spun) avec l’armure sergé (twill) par les habitants de l’archipel et des Highlands pour leur consommation propre. Tweel est la prononciation locale de twill.

En français, le mot twill désigne une étoffe en soie ou toute autre fibre continue (polyamide ou polyester)  caractérisée par une succession de côtes et de sillons obliques visibles sur les deux faces de l’étoffe (foulards, cravates). Le terme sergé est employé pour les tissus présentant le même aspect mais tissé avec des fibres courtes comme le coton ou la laine (jean).

2 L’altération par l’anglais du mot écossais Tweel ou tweeled. De tweel à tweed il n’y a qu’une lettre et cette substitution aurait eu lieu, dit-on, vers 1830, justement à cause d’une lettre postale cette fois. Le commis d’un drapier londonien serait celui par qui tout arriva. Le fabricant écossais, avec qui le drapier était en affaires, envoya un courrier où il était question d’un certain tissu le tweel. Mais l’employé ayant mal déchiffré le mot, ne connaissant pas non plus le tissu en question, pensa qu’il s’agissait de tweed, synonyme de la rivière. C’est ainsi que la première commande de tweed fut passée. L’histoire ne dit pas si elle fut honorée mais l’erreur ne fut jamais corrigée et le tweed éclipsa le tweel à jamais .

 3 L’origine géographique. Tweed aurait comme origine la vallée de la Tweed où coule la rivière Tweed qui sépare l'Angleterre de l'Ecosse. A en croire les écossais, c’est dans cette région que les premiers lainages en laine cardée auraient été tissés. Le lien entre le tissu et la rivière est mince, mais cette homonymie à largement facilité les messages publicitaires vantant les mérites de l’étoffe.

Que l’on retienne l’une ou l’autre hypothèse, tweed est devenu le nom générique des étoffes en laine cardée, utilisant des fils diversement colorés, tissée avec une armure sergé ou plus rarement toile indépendante du lieu de fabrication.

 

UN TISSU ELEVE AU RANG DE PATRIMOINE CULTUREL

La réussite commerciale de ce produit est basée sur la transmission du savoir-faire et le respect des traditions, ces deux points étant garantis par un label de qualité, le Orb Mark. C’est aussi probablement le seul tissu qui soit protégé par une loi.

L’extraordinaire histoire du tweed de Harris débute en 1840 avec l’établissement sur l’île du comte de Dunmore et de sa famille. Propriétaire de l’île de Harris, il devint le laird ou seigneur d’un territoire à vrai dire peu enchanteur : isolé du continent, mal pourvu en ressources naturelles, battu par les vents, fouetté par les pluies abondantes et par conséquent d’une rentabilité financière très faible. Il pensa pouvoir tirer quelques bénéfices du cheptel de ces îles, et ainsi procurer du travail à ses habitants nécessiteux. Ceux qui n’étaient pas des crofters, c’est à dire pêcheurs ou paysans qui possédaient un lopin de terre (croft) cultivable, n’avaient aucun moyen de subvenir aux besoins de leur famille. Nombreux furent les insulaires qui s’expatrièrent vers une terre plus hospitalière comme les USA, la Nouvelle Zélande ou encore l’Australie. On notera que plus tard ce sont ceux qui, éloignés de leur patrie natale, seront les premiers à offrir des opportunités commerciales aux fabricants de tweeds notamment à celui de Harris. Ce sera une bouffée d’air pour l’économie locale et le développement du commerce à l’exportation.   

Le laird encouragea la population à utiliser la laine des toisons denses et gonflantes des moutons blackface et à tisser des étoffes traditionnelles en quantité suffisante pour dépasser l’utilisation familiale et faire commerce de leur production. Le traditionnel An clo mor était trop rustique pour pouvoir être commercialisé. La rigidité de l’étoffe était un problème même pour les tisserands, si bien que les femmes passaient des heures à froisser les étoffes tombées du métier afin de les assouplir. On peut rapprocher ce problème de celui rencontré par les  inuits. Les femmes avaient pour tâche de mâcher des heures durant les peaux de phoques pour les assouplir avant de pouvoir  les transformer en vêtements ou accessoires (bottes gants ou anoraks).

Le laird dû se rendre à l’évidence, cet essai était loin d’être concluant. La population ne produisait filait et tissait que le métrage nécessaire à sa propre consommation. La difficulté résidait dans le changement de mentalité, ce qui signifiait l’abandon de la tradition ancestrale très forte.

 

En 1846, Lady Catherine Herbert, veuve de Lord Dunmore, décida de former des jeunes filles de Harris aux nouvelles techniques de tissage. Puisque la mode des motifs clan (écossais) étaient en vogue au delà des frontières de l’Ecosse, une opportunité s’offrait qu’il fallait saisir pour promouvoir les tissus de Harris hors de la région, créer la demande auprès de populations aux pouvoirs économiques plus important. Elle bouscula les habitudes des artisans teinturiers les incitant à utiliser toutes les ressources naturelles des îles, en demandant aux tisserands de diversifier les motifs obtenus par tissage.  Ainsi, les lainages de l’île Harris se différencièrent des autres productions en apportant une note colorée avec l’introduction dans le tissage des fils de couleurs provenant des colorants fournis d’origine végétale par la nature sauvage environnante : les gris et les verts des lichens, les bruns et les ocres offerts par les plantes, les bleus des iris, les violets des baies de sureau et le jus des myrtilles, les orangers tirés du pistil des crocus… Une gamme qui est en adéquation avec la nature environnante des bruns, couleur de la terre, des verts couleur de la lande et des sous bois, une idée peut être trop en avance sur son époque. Aujourd’hui les plus bobos d’entre nous se précipiteraient pour posséder un métrage de ce produit « bio » !

Le personnel des demeures de la famille Dunmore fut vêtu de tenues en tweed de Harris, avec le motif du clan de Lady Herbert, le tartan Murray. Mais l’action de cette femme ne s’arrêta pas aux frontières de ses possessions, elle demanda à son entourage, à ses amis de Londres et de Glasgow, d’adopter des tenues de chasse ou de campagne taillées dans les étoffes produites sur l’île. Si le but de lady Dunmore était de doper l’économie locale, il fut atteint.

 

En 1850 la réputation des vestes en laine cardé tissée et teinte sur l’île de Harris dépassa largement les frontières de l’île. Les bourgeois écossais d’origine installés dans les grandes villes du continent firent entrer dans leur garde-robe des articles et des accessoires en tweed de Harris mais aussi d’ailleurs.

La panoplie tout tweed du parfait gentlemen- farmer ou « riche exploitant agricole » tout à la fois confortable et élégante, solide et innovante, va séduire la noblesse et ouvrir ainsi de vastes débouchés pour les artisans de Harris mais il faudra encore des années d’efforts avant que la consécration arrive pour ce produit d’exception et pour sauver économiquement Lewis et Harris ; mais le chemin était entrouvert.

 

Au début de l’aventure, le Tweed de Harris n'avait que peu de concurrents, mais petit à petit d'autres tissus aussi solides, aussi rustiques ont fait leur apparition, empiétant sur le marché des artisans de Harris. Ils étaient tous différents, chacun avait une qualité, une particularité. C’est par régions interposées que cette concurrence s'est créée, chacune vantant les mérites de sa laine et du savoir-faire de ses artisans.

Les tisserands écossais lancèrent le Cheviot, étoffe tissée avec des laines provenant des moutons Cheviot, un tweed tissage chevron, avec des fils  gris, beiges, blancs, les couleurs naturelles de la toison des moutons locaux. Les Irlandais proposaient le Donegal, un Tweed coloré aux fils boutonnés. On pourrait encore ajouter à cette liste des dizaines de tweeds dont la production continue encore aujourd’hui.

C’est pour se protéger d’éventuelles malfaçons, des imitations, des mauvaises contrefaçons ou peut être pour se démarquer des produits concurrents, que les fabricants de Harris Tweed décidèrent de créer une marque, une idée suivie par de nombreuses entreprises quelques décennies plus tard.

Les problèmes liés à la qualité étaient parfois internes à l’ile. Lorsque certains tisserands de Harris s’écartaient du droit chemin pour faire baisser le prix de revient de leur production,  ils rendaient des tissus de qualité moindre, ou avec un tissage trop lâche pour économiser du fil, ou tissés avec des laines une mauvaise qualité mais meilleure marché. Ces « moutons noirs » étaient alors écartés et n’étaient plus en mesure de travailler pour l’association.

Les copies de Harris Tweed qui arrivaient sur le marché international étaient souvent des étoffes de bonne qualité mais avaient le tort de ne provenir ni d'Angleterre ni d'Ecosse, de ne pas respecter les règles essentielles, à savoir une composition 100% pure laine vierge et tissage manuel à domicile. Dans ce cas, il s'agissait de "tissus tweedés", c’est-à-dire « à la façon de » mais ne pouvant se prévaloir en aucun cas du nom de Harris tweed désormais devenu une maque.

Le dépôt de la marque Orb mark eut lieu en 1908 mais ce n’est qu’en 1914 que le tweed de Harris devint le Harris Tweed®.

Le logo de la marque, l’orbe (globus crucigère), sphère surmontée d'une croix de Malte, n’est autre que l’armoirie des Dunmore. Belle revanche ! C’est aussi la plus ancienne marque déposée au monde. Le ® qui suit le mot tweed indique que le produit cité est une marque déposée : registraded trade mark. Le logo apposé sur l’envers de l’étoffe tous les 2m74 équivalent de 3 yards à valeur de label de qualité.

Dans l’histoire des textiles, on peut noter que certains sont des marques bien que peu connues du grand public comme le Rilsan®, alors que le nylon n’a jamais été déposé comme une marque.

 

En 1917, Lord Leverhulme, propriétaire d’une fabrique de savon et futur fondateur d’Unilever, continua l’aventure textile initiée par les Dunmore en faisant du tissu de Harris l’article phare qui fit raisonner le nom de l’île de Harris dans le monde entier. Il modernisa les unités de production, créa une véritable industrie textile avec des métiers à tisser plus performants, permettant un travail plus rapide.

Les premières navettes utilisées sur les métiers à bras fabriquées à partir d’un os de mouton (une véritable antiquité) était lancée entre les fils de chaîne avec un fil de trame d’une main à partir d’une lisière et récupérée de l’autre main à l’autre lisière puis relancée de l’autre côté et ainsi de suite. Le tissage ne pouvait excéder la largeur de 0 m75 la longueur des bras n’étant pas extensible. Cette technique de tissage fut progressivement abandonnée au profit de métiers à tisser plus large et de la navette volante, pourtant inventée par un anglais John Kay en 1733. Le chemin depuis Bury jusqu’à l’archipel fut long ! Le tisserand actionne un mécanisme qui lance à intervalles réguliers la navette entrainant le fil de trame d’une lisière à l’autre et revenant seule à son point de départ. Cette innovation transforma la production, permettant un tissage en grande largeur de 1m50 au lieu du traditionnel 0,75m.

Cette nouveauté permet de fabriquer des vêtements avec moins de coutures, elle simplifie également l’utilisation du tweed dans l’ameublement. C’est un élément qui va booster les ventes, annulant le handicap de la petite largeur et réduisant le prix de vente. On note à cette époque l’introduction de nouvelles couleurs mais l’essentiel des réformes de cet entrepreneur réside dans la création d’une unité de production, pas tout à fait encore une usine : le travail était répartit entre l’artisan et les ateliers de l’entreprise installée sur l’île. L’ère industrielle fait la révolution et si le monde est séduit par les tweeds industriels, le Harris Tweed n’a pas dit son dernier mot.

Lord Leverhulme lança la machine, le Harris Tweed ® était en mesure de survivre. Entre les disettes succédant aux années de guerre, les difficultés économiques accompagnées de récessions, il y eut des années où les ventes s’affolèrent, mais jamais la production ne stoppa. Des actions gouvernementales, notamment en 1993 avec le célèbre  «Harris Tweed Act »  et plus récemment l’Union Européenne vinrent en aide aux artisans détenteurs de ce magnifique savoir faire. Ainsi, tant bien que mal, les ventes de Harris Tweed® continuent leur chemin. Parfois, un événement peut remettre le tissu sous les projecteurs et améliorer les ventes.

En 1991 ; les ventes s’envolèrent lorsque l’Eglise écossaise projeta d’utiliser ce tissu pour fabriquer les aubes pour le haut clergé.

En 1995, John Galliano, chez Dior, fit du Harris Tweed le héros de sa collection. Des personnalités du monde du spectacle comme Sean Connery firent, sciemment ou non, la promotion du Harris Tweed.

Mais la véritable clientèle, le socle solide qui permet aux trois entreprises de l’île de survivre, se tient loin des projecteurs, elle est inconditionnelle, « accro » à ce lainage si attachant, une force de la nature copie conforme de la ténacité des habitants des Hébrides habitués aux tempêtes. La question qui se posait toujours était le prix élevé, le prix à payer pour un produit de luxe, une fabrication ¾ artisanale ¼ industrielle. La question n’est toujours pas résolue, mais le Harris Tweed est toujours ce tissu qui entraine dans son sillon les hommes et les femmes qui cherchent à la fois le confort et l’élégance. Les natifs des Hébrides, établis loin de leur terre natale, auront toujours une pensée pour cette étoffe, trésor national, qui par sa présence dans leur dressing, leur rappelle l’odeur de la terre, du feu de tourbe, du vent qui claque et des couleurs de la lande.

 

DE LA TOISON DES MOUTONS AU PRODUIT FINI D’HIER A AUJOURD’HUI

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le travail était réparti dans la population. La matière première importée pour la majorité d’Ecosse était distribuée en vrac aux « crofters ». Traditionnellement, la laine des moutons locaux Blackface était mélangée avec celle des laines provenant des moutons cheviot et des Cross Bred. Lorsque la demande dépassa un certain stade, la production locale de laine se révéla insuffisante pour satisfaire les commandes et il fallut se résoudre à importer la matière première.

Les opérations nombreuses et spécifiques suivaient un ordre immuable :

- La laine était triée-lavée dans les ruisseaux dont l’eau avait une qualité particulière qui donnait à la laine un caractère unique, peut-être à cause de résidus de tourbe qui y circulaient. - cardée - filée à la main.

- La teinture était réalisée à l’extérieur des habitations, dans un bain bouillant dans lequel était dissouts les produits tinctoriaux fabriqués artisanalement à base de décoctions de bruyère, de feuilles, de baies, de racines. Le temps de séchage était imprévisible, très dépendant des caprices météorologiques. La laine teinte ou brute est exposée au soleil quand il y en. On peut aussi compter sur le vent très actif pour terminer le travail.  

– La préparation du tissage : les fils de chaîne sont installés sur le métier, des fils doubles contrairement aux tissages classiques.

-Le tissage était jadis effectué sur un métier manuel étroit, le beart bheag en gaélique, installé dans une pièce ou la pièce unique de la maison.

Le Harris Tweed a une spécificité qui réside avant tout dans la manière dont ces différentes opérations sont réalisées. Il est chargé d’une émotion que l’on ressent en le touchant : toute la rugosité d’une région ; en le portant on est enveloppé dans un cocon protecteur. La manière dont les fils s’entrecroisent parfois maladroitement, les irrégularités des teintures naturelles si charmantes, dénotent la présence humaine dans la fabrication.

C’est un petit bijou qui résiste fièrement face à la concurrence des tissus fabriqués industriellement. Un remake du face à face David contre Goliath ?

 

LE RENOUVEAU DANS LA CONTINUITE

Aujourd'hui la production de ce tissu s'est adaptée à la demande et aux techniques modernes, tout en conservant cette connotation « artisanale » inséparable de son succès  

Il reste un nombre infime d’artisans capables de traiter la laine brute de la filer, de tisser, et de teindre. C’est pourquoi, il a fallu repenser l’organisation du travail sans trahir la loi de 1993. Les étapes de la fabrication sont désormais revues, mises aux normes conformément aux lois européennes et parfaitement ordonnées.

Terminée l’image d’Epinal du pauvre artisan qui va dès l’aube récolter dans la lande les feuilles et les baies pour fabriquer la teinture et qui, en rentrant, récupère le fil que, pendant son absence, sa femme à filé puis, qui s’installe devant son métier à tisser placé dans l’unique pièce de la maison devant une cheminée où brûle une bûche de tourbe et, durant des heures, d’un geste régulier, lance l’os de mouton qui lui sert de navette pour tisser quelques mètres de ce lourd lainage pour quelques shillings seulement. Une vision de l’univers bien sombre des tisserands du XIXe siècle, peut être même du début du XXe mise en avant par les publicitaires, une histoire racontée aux touristes en mal d’émotion.

Trois usines installées sur l’île reçoivent la laine sous forme de balles. Le triage, le cardage, le filage se font sur place. Le fil est livré au domicile des différents tisserands dont certains sont indépendants. Une fois le tissage terminé, le tissu est renvoyé dans l’une des usines pour les dernières finitions avant la mise sur le marché. L’ultime étape du processus de fabrication est l’inspection. Si le produit répond à tous les critères, le label est octroyé et l’orbe est apposé tous les 2 m74, mesure qui correspond à 3 yards sur toute la longueur de la pièce. Lorsqu’un vêtement est taillé dans un métrage de ce tissu, le logo n’étant plus visible, une étiquette cousue dans une poche intérieure avec le logo tissé en rouge et blanc, preuve d’authenticité.

 

LOIS ET ASSOCIATIONS SE SONT ERIGEES EN GARDIENNES DU TRESOR

Afin d’assurer aux clients une régularité dans la qualité du tissu et de perpétuer l’authenticité du travail des artisans, les grands moyens furent déployés : des lois, des associations, une marque, un logo.    

En 1890 « La scotish home industry association » est mise en place, agence gouvernementale chargée du développement de l’artisanat local. Elle fournit une aide aux artisans qui peuvent acheter la matière première et le matériel à des tarifs très préférentiels.

En1906, les tisserands de Harris déposent une marque de fabrique, la Orb mark, dans le but de garantir la provenance du tweed filé, tissé et teint manuellement sur l’île. Il s’agit d’un label de qualité.

En 1909-1993 vote de la Harris Tweed Association chargée de promouvoir et de certifier la qualité du tweed de Harris

En 1914, après de multiples recours auprès des autorités, le tweed fabriqué sur l’île de Harris devint le Harris Tweed® marque déposée.

En 1934, afin de préserver la qualité du Harris Tweed®, le logo ne pourra être apposé sur les étoffes que si la laine est certifiée venir de l’Archipel des Hébrides ou d’Ecosse.

La même année, il est stipulé que le Harris Tweed® doit compter un certain nombre de fil au centimètre carré, nombre fixé en fonction du motif.

1993 le parlement vote la  Harris Tweed Act remplaçant la Harris Tweed Association de 1909. Cette loi assure que tous les tissus certifiés par le symbole de la marque remplissent tous les critères énoncés.  La sauvegarde du nom, de la qualité et de la réputation du Harris Tweed sont ainsi sauvegardées.

 

UNE ETOFFE RUDE QUI SE FAIT «  DOUDOU »

D'aucuns trouvent ce tissu râpeux, voir raide… parce qu’ils ne savent pas, ils ne comprennent pas que ce tissu est vivant, parce qu’ils ne le connaissent pas. Il vit et vieillit avec son propriétaire. Après quelques saisons passées l’un avec l’autre, ils ne font plus qu'un. C’est en pleine conscience que l’on porte cette pièce vestimentaire et lorsque l'usure est trop importante, pas question de se séparer de sa veste, les rides sont colmatées, les coudes  protégés avec des pièces de cuir ou de tissu et pour finir, un tour au pressing choisi avec précaution. Un vêtement ou un accessoire en tweed, tout comme des chaussures de cuir ou un sac à main cousu mains, ça ne se jette pas, ça se répare, ça se fait ressemeler, ça doit prendre la patine afin d'avoir "le chic" qui convient. Un beau tweed n’est pas un tweed neuf. Il semble que nous sommes ici dans la slow fashion, un style de consommation très en vogue. Je m’en réjouis, c’est un bon point pour les produits de qualité. Le tweed est né dans un climat rude, et si vous ne vivez pas dans la lande écossaise, peu importe, l'air de la campagne vous suivra en pleine ville si vous adoptez ce tissu authentique, sans artifice, nature.

Le Harris Tweed est un must dans le dressing masculin. La tradition de la mode venue de Grande-Bretagne proclame cette étoffe comme une des meilleures pour les vestes sports pour hommes. Casquettes, chapeaux, gilets, font partie de la garde robe masculine outre Manche. Ailleurs dans le monde, une pièce majeure veste ou pardessus ¾ et souvent un accessoire chapeau, casquette ou gilet, ont leur place dans la garde robe masculine.

Le vestiaire féminin n’est pas en reste, les femmes ont adopté ce tweed sans pour autant le crier sur les toits : tailleurs décontractés ou vêtements de ville, pantalons à condition d’être doublés : chauds, confortables, fonctionnels sont des adjectifs qui qualifient parfaitement le Harris Tweed®.

En ameublement, le Harris Tweed®, compte tenu de ses qualités, convient pour recouvrir  sièges, fauteuils, canapés si l’on recherche une ambiance clean, à tendance masculine. La petite largeur pouvait poser un problème technique pour son utilisation dans le domaine de l'ameublement et obligeait à réaliser un grand nombre de coutures mais aujourd’hui, cet inconvénient est oublié puisque cette étoffe est aussi proposée en grande largeur.

 

MA CONTRIBUTION, MON RESPECT

Aujourd’hui force est de constater que le « Harris Tweed Act », bien qu’il ne soit plus respecté au mot près, contribue à garantir la qualité du produit. Je dois reconnaître, en tant que fervente adepte du Harris Tweed®, que a très longtemps vendu cet article, que les associations font un excellent travail et que les tisserands sont de formidables artisans car jamais je n’ai perçu le moindre défaut dans les pièces qui m’étaient livrées. Si je peux vous donner un conseil : allez-y, tentez l’expérience, car s’en est une, en plus d’une formidable immersion dans le monde réel du textile.

 

PASSION TEXTILE

 Les lettres en un certain ordre assemblées forment des mots,  les fils en certain ordre entrelacés deviennent des tissus… Textile et texte, toute ressemblance ne serait pas fortuite. Il est des civilisations qui transmettent leur culture par l’écriture, d’autres par la parole, d’autres enfin, par une parole écrite avec un fil. Le tissu devient alors une écriture et couper le fil peut être un acte barbare qui équivaut à couper le cours de la vie. C’est toute la différence entre les vêtements drapés comme les ponchos ou les saris et les vêtement

Bien sûr, tout le monde est capable de mettre une image sur le terme tissu, sans doute parce que du lange au linceul, il nous accompagne chaque jour et chaque nuit ou presque de notre vie. Et pourtant l’univers textile est bien plus complexe qu’on ne l’imagine. Parler chiffon peut pour certains paraître futile, mais au delà des mots, tissu, textile, étoffe, dentelle, feutre, tapisserie ou encore broderie, il y a tout un monde qui mérite d’être mis à jour, et c’est ainsi qu’au fil des ans les étoffes sont devenues mes amies.

Après 30 années délicieuses et passionnantes passées à développer De Gilles Tissus, je souhaite faire découvrir autrement le textile, en décryptant  les secrets des fibres, en recherchant les petites histoires des grands tissus. Transmission, partage, découverte, voilà ce que je veux partager avec vous.

mardi 28 juillet 2020

LE RAPHIA



LES ORIGINES

Du malgache raffia ou raofia ce mot désigne un palmier dont la variété malgache fournit une fibre textile, extraite des feuilles. Son extraction est complexe, la fibre est impossible à filer et difficile à tisser Pour ces raisons, ses utilisations sont  réduites à quelques produits : cordages, liens, rabanes.

LE VELOURS  KASAI
La fibre de raphia est l'une des plus ancienne fibre végétale tissée en Afrique. Le raphia est la fibre de base pour une curieuse création baptisée "velours Kasaï ou Kuba du nom d'une tribu établie au sud de la rivière Kasaï territoire jadis occupé par le Zaïre. Techniquement il ne s'agit pas d'un velours mais d'un tissage à  "poils coupés" Pour certains historiens c'est   un roi  qui au XVIe siècle aurait introduit la technique du velours  dans son royaume près l'avoir découverte en Europe, d'après d'autres sources se seraient des voyageurs européens qui au XVIe siècle furent  surpris de trouver dans cette région un tissage si particulier et en raison de son aspect le nommèrent velours bien que le   principe soit  plus proche de la  vannerie  du tissage d'un velours

LE PARTAGE DES TACHES
Les hommes tissent avec les fibres de raphia, pour obtenir une sorte de canevas. Ce sont ensuite les femmes qui interviennent avec un fil de raphia et une aiguille ; elles "brodent" le support en formant une sorte de boucle sur l'endroit du tissu qui sera coupée  laissant dépasser quelques millimètre de fibre à  la surface. Nous avons l'équivalent avec le velours ras ..L'effet velours est saisissant , mais il sans la souplesse d'un velours de soie lyonnais

 LA TRADITION   
Dans cette société où les traditions sont encore fortes, la symbolique omniprésente : les objets ont un langage, et une valeur à laquelle les européens ne sont pas habitués..

UNE MONNAIE D'ECHANGE
Les billets de banque que nous connaissons n'ont fait leur apparition que récemment au Sahara, au paravent des objets de métal, du sel ou des étoffes de raphia étaient des produits qui jouaient le rôle de monnaie. Les artisans tissaient de grands rectangles bordés de franges et ces pièces reliées entre elles autour d'un bâton par 10 ou 12 avaient une valeur précise. 

DE LA FEUILLE A LA FIBRE 
Le raphia est un genre de palmier dont la tige des feuilles fourni une fibre textile. Les fibres  séjourne quelques jours dans l'eau afin de les ramollir , de les assouplir en vue de faciliter le tissage.

COPIE CONFORME OU PRESQUE
Aujourd'hui il existe un raphia artificiel dont voici la recette " prendre un polyèthylene par exemple  le tyvek ®de Du Pont de Nemours, le refondre pour obtenir un matériau léger et résistant, d'aspect raphia utilisé pour les vêtements industriels ou pour le fil à tricoter  pour un usage type vannerie. C'est la gageure remplie par la socièté  Lana Katia de Barcelone.  
 
LE RETOUR DE LA FIBRE "VERTE"
 L'écologie,  le retour  à la nature, un idéal fait de simplicité et d'authenticité influence les stylistes, les décorateurs et les consommateurs : vivre d'amour et d'eau fraîche ce fut aussi ce qui guida le mouvement hippie dans les années 60/70.  En 2020 c'est encore une utopie. Mais utiliser des fibres naturelles d'origine végétale serait un début
Le raphia est utilisé avec parcimonie dans le secteur de la mode  en occident, les tissus obtenus n'étant pas adaptés aux formes de nos vêtements  (rigidité sur une grande surface, fragilité dans des tissages lâches ). Le raphia est par conséquent langé  à d'autres fibres afin d'être "viable" raphia/ laine ou raphia/coton.   


LE RAPHIA S'IMISCE DANS LA DECORATION
Largement utilisé pour fabriquer des rabanes, le raphia trouve de nouvelles destinations lorsqu'il est mélangé avec un fil de coton par exemple : tapis de sol, revêtement mural... C'est l'envie des citadins de se rapprocher de la nature, de se sentir en même temps dans la foret vierge et plein coeur de la ville, qui provoque à n'en pas douter le succès de genre de matière. 
 

dimanche 26 juillet 2020

LA FAILLE


FAILLE

ETYMOLOGIE
du néerlandais « falie » qui serait emprunté au vieux français qui donne fichu. 

Le Littré définie la faille comme étant une étoffe de soie noire à gros grains, fabriquée en Flandres. Cette hypothèse est sans doute la meilleure car les flamandes portaient des fichus appelés faille.
Le mot faille traduit un manque, un endroit où la pierre manque , le relief est alors accidenté, comme la surface de l'étoffe du même nom qui est constituée d’une succession de sillons et de côtes.


DESCRIPTION
Etoffe constituée d’une chaîne en soie et d’une trame en soie ou en coton. C’est un tissu à gros grains fins et à côtes transversales au  relief est très discret.  
La faille est une variété de taffetas : la trame passe alternativement sous les fils de rang pair puis impair. La particularité de la faille demeure sa raideur et sa brillance. Les fils de chaîne sont fins et plus nombreux que les fils de trame.
C’est le fil de trame beaucoup plus gros que le fil de chaîne qui crée ces côtes horizontales c’est à dire perpendiculaire aux lisières Les côtes sont fines et leur relief peu important cependant leur présence rigidifie le tissu. Visuellement la surface d’une faille est quasiment plate, mais en passant l’ongle sur la surface on peut sentir un léger relief. 


UN TISSU A DECOUVRIR
La faille ne demande qu’à jouer avec les volumes, elle casse, les plis sont marqués, mais la faille joue sur les deux tableaux, elle est vigoureuse, presque brutale et en même temps elle diffuse avec modestie l’éclat de la soie. C’est une étoffe méconnue qui recèle des trésors.

UTILISATIONS
Ce tissu ne se laisse travailler que par des mains expertes : bustiers, jupes droites, nœuds géants, robes fourreau, vestes. Je vous présente ici les failles de soie, car il existe, comme pour d'autres étoffes des failles en fibres chimiques, mais c'est un autre univers qui mérite à lui seul un post.
Aujourd’hui la faille de soie un tissu tombé dans l’oubli, sa commercialisation est restreinte pour deux raisons la première parce qu’il est difficile à travailler, il "habite" sur les étagères des  ateliers des grandes maisons de  Couture, et la seconde c’est  son prix élevé  seuls quelques soyeux lyonnais poursuivent ce type de production,  les   pour des robes, des tailleurs, des jupes des cravates d’homme des rubans



jeudi 23 juillet 2020

GROS GRAIN


ETYMOLOGIE
Le terme gros désigne une étoffe caractérisée par une surface cannelée. Le nom change en fonction de la contexture, le relief est variable, il peut être à peine perceptible ou très visible


HISTORIQUE
Le Gros de Naples : étoffe de soie dont la chaîne et la trame sont plus fortes qu’au taffetas. La

différence du gros-de –Tours et du gros-de-Naples consiste en ce que la trame et la chaîne de celui-)ci sont encore plus fortes qu’au gros-de-Tours ce qui lui donne un grain plus saillant. »
In Diderot L’encyclopédie première édition 1757
Au XIXe siècle « le gros grain c’et une espèce de Poult de soie dont la trame est remplacée par un seul fil de coton retors. Cette étoffe est d’un prix beaucoup plus modique que celui du Poult de soie, mais d’un prix plus élevé que celui du Gros de Naples qui comme lui est recherché pour les rones. « in traité encyclopédique et méthodique des tissus . P Falcot 1844


DESCRIPTION
C’est un article de mercerie, un ruban solide, tissé en coton ou en soie autrefois, aujourd’hui les gros grains sont plus fréquemment fabriqués en fibres artificielles ou synthétiques.


UTILISATIONS
En chapellerie, il permet d’ajuster certains modeles ou encore de maintenir certains chapeaux pour éviter une déformation, il peut aussi être une garniture. Il est commercialisé dans une gamme très variée de coloris.
Lorsqu’il contient de l’élasthanne, le gros grain devient, un monte jupe, ceinture de jupe. On le trouve alors en gris, en noir ou en blanc

mercredi 22 juillet 2020

UN DIMANCHE AU MARCHE DE CHICHICASTELNANGO

Une visite au marché dominical de Chichicastelnango au Guatémala  c'est un souvenir inoubliable pour tous ceux qui ont eu cette chance,  et pour les "chasseurs" d'étoffes comme moi c'est un lieu riche d'expériences sensorielles, le bruit de la foule, les couleurs des huilpils du dimanche, les effluves d'encens mêlées  aux odeurs suaves des fruits,  et aux parfums des étales de fleurs!


UN MONDE FUSIONEL
c'est un peu comme pénétrer dans un univers  inconnu,  d'assister à la confrontation  entre les civilisations. Les motos qui pétaradent en croisant un âne chargé de ballot de maïs qui avance avec difficulté à travers une foule en verve, les espadrilles en pneus réchappés des paysans qui croisent les sneakers  des jeunes gens, mobile collé à l'oreille,  les filles en T-shirt et les femmes arborant leur huilpil du dimanche,  les hommes  certains en ponchos  bleu marine et pantalon blanc, d'autres ont revêtu  la veste courte frangée,  sur la chemise en coton blanc et le pantalon noir brodés d’insignes solaires, ouverts sur le coté et les touristes en bras de chemise et bermuda... un costume qui date de l'occupation espagnole! C'est une immersion dans un bain de folie, la vision d’un monde en fusion  La foule des grands jours, l'église est pleine à craquer, et l'assistance reprend en choeur les chants,  qui retransmis à l’extérieur par des hauts parleurs se mêlent aux brouhaha des marchands qui hurlent, aux enfants qui se chamaillent, aux poules qui dans leur cages caquettent en attendant de trouver un nouveau propriétaire, aux chiens qui aboient « pendant que la caravane passe ». Mais plus  fascinant  c’est cet étrange relation à la religion A la sortie de la messe les fidèles se dirige vers une petite bâtisse  et  par manque de place, assis parterre ou adossés aux murs de l’étroite sombre pièce,   ils écoutent  en silence cette fois le chaman qui brûle le copal pom  un encens sacré chez les mayas, Il dégage une fumée blanche, axe de l'énergie montante, un  lien qui relie la terre au ciel, l'homme au céleste..On dit et on croit que ce  feu sacré entretenu dans ce lieu étrange, a la capacité  de repousser les esprits maléfiques. Dans cette ambiance à la fois divine et survoltée, force est de constater  combien le syncrétisme religieux est officiellement acté.

LE HUILPIL : UN TEMOIN DE LA CULTURE MAYA
Le huilpil vêtement traditionnel que les femmes guatémaltèques portaient bien avant l’arrivée des espagnols. Le mot peut se traduire par blouse, mais par la simplicité de sa forme il se rapproche d'une chasuble.

LA SYMBOLIQUE DU FIL CONTINU
Dans de nombreuses civilisations, on retrouve ce type vêtement  ingénieusement enroulé ou drapé autour du corps. Peut être par souci
d’ économie de matière, les chutes sont inexistantes mais plus symboliquement pour éviter de couper le fil, qui pour certaines ethnies  reviendrait à sectionner le cours de la vie.

LE B.A.BA DU HUILPIK
La forme de base du vêtement en coton est simple, trois lés tissés sont assemblés pour former un rectangle qui sera plié en deux laissant une ouverture au centre pour passer la tête.  Mi-long, sans coutures et sans manches, il est si ample qu’il couvre généralement une partie des bras. Les broderies se cantonnent pour les huilpils les plus simples  autour de l’encolure et sur la poitrine pour les articles plus sophistiqués, la totalité du support de coton est masquée par des broderies. Il se porte sur une jupe froncée maintenue à la taille par un simple cordon.
En traversant le pays et j’ai pu observer dans les villages, les femmes de tous âges, assises sur les perrons de leur maison, à l’ombre des arbres sur les places, seules ou en groupe dans les jardins penchées  aiguilles à la main sur leurs ouvrages. Les villageoises sont réunies au sein  d’une coopératives qui s’occupe de distribuer le travail, de le réceptionner, et de le vendre.

LE HUILPIL COMME OFFRANDE
Dans les villages la tradition est encore respectée et veut que le premier huilpil brodé par une jeune fille soit offert à un saint catholique, jadis s’était à la déesse maya lxchel, déesse protectrice des tisserandes afin de s’assurer de leur protection pour leur vie future. 

UN ABECEDAIRE PARTICULIER
Deux niveaux de lecture sont possibles.
La version « touriste » offre des motifs brodés, graphisme stylisé de la faune et de la flore de la région. Agréable, coloré, décoratif ce vocabulaire sans prétention peut paraître presque naïf  
La perception du décor vue par les initiés, est toute différente. Les dessins ne sont plus une banale transposition de la nature, ils sont les symboles de la cosmogonie maya, ce récit mythologique qui explique la formation du monde. La tradition orale se dévoilent ici aussi sur un support textile. Le serpent à plumes est probablement un des plus  connus  des ces symboles

LE HUILPIL COMME UNE CARTE D’IDENTITE  
La gamme de couleurs choisie pour les broderies, le type de motifs sélectionné et la forme de l’encolure sont autant d’indices qui permettent de connaître la région d’origine du huilpil et le rang social de celle qui le porte ; tout est dans le détail : plus les motifs sont nombreux , plus les points sont petits, plus le fil à brodé est fin, plus le travail est sophistiqué plus la valeur du huilpil est importante plus  le rang social est élevé.  Autres particularités, selon les régions les broderies des jeunes filles sont blanches et en couleurs pour les femmes mariées, en coton pour les femmes célibataires, en soie pour les femmes mariées. Cette lecture à tout le moins curieuse est plutôt poétique l'poque o le jean semble un produit universel.

LES HEUREUSES RENCONTRES DES CHASSEURS D' ETOFFES
Ce marché est à l'origine de ma rencontre avec l'histoire du  huilpil. Depuis je me suis liée d'amitié avec ce vêtement et j'espère que je vous aurai donné l'envie de les découvrir à votre tour.