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mardi 5 juin 2012

A TABLE AVEC NOS ANCÊTRES

A TABLE!
 " Le plaisir de manger à écrit Brillât Savarin dans sa Physionomie du goût, nous est commun avec les animaux... Le plaisir de la table est particulier à l'espèce humaine."


Cet art fait appel au toucher, à l'ouïe, à l'odorat et à la vue. Tous les sens sont en émoi pour nous permettre d'apprécier les "arts de la table".
A partir de la Renaissance la table devient un symbole d'apparat,  elle permet à l'hôte d'étaler ses richesses devant ces invités.

HISTOIRES PEU BANALES DE CHOSES BANALES
 Table, chaise, assiette, tous ces mots que l'on emploie quotidiennement, tous ces articles présents dans notre environnement sont devenus invisibles, et pourtant ils ont une histoire. Voici  en quelques lignes des aventures d'objets qui je l'espère vous feront prendre conscience de leur importance. En effet sans eux la vie serait beaucoup moins confortable.
Il est des  expressions   que l'on utilise sans même se demander ce qu'elles signifient.  Alors  découvrons ensemble  leur origine.

DRESSER OU METTRE LA TABLE

Que signifie l'expression "dresser la table" ?  On pourrait dire installer la table parce que au Moyen-Age ce meuble en tant que  tel, " n'existait pas.  L'usage des  pièces à usages multiples se maintient jusqu'au XVIe siècle. Avant aucune pièce de la maison n'était destinée à servir de lieu au repas

La table  que nous connaissons est un élément qui fait partie du mobilier Occidental. En Asie ou en Orient, ce meuble tradionnellement n'est pas courant, la salle à manger non plus.

METTRE LES PIEDS SOUS LA TABLE
Si aujourd'hui cette expression signifie, ne pas  aider ou ne pas participer à l'élaboration du repas et de la mise en place du service, on peut imaginer qu'à l'origine, il s'agissait de s'asseoir sur le banc autour d'une table déjà montée et mise, sans avoir participé à son élaboration. Les convives d'un banquet arrivaient pour se mettre les pieds sous la table, c'est aussi dire qu'ils étaient assis, car nombres de repas au Moyen Age se prenaient debout.

DÉMONTER OU (se ) DEBARRASSER LA TABLE
Au Moyen Age il n'y avait pas de place définie pour prendre les repas, c'est pourquoi on montait  ou plutôt on dressait une ou plusieurs planches de bois sur des tréteaux  Après le  festin, la table était démontée et rangée jusqu'au prochain repas. Ces meubles sont fonctionnels ils répondent à un mode de vie, et ils  existeront tant que la cour ne sera itinérante D'ailleurs si l'on cherche plus loin , l'étymologie du  meuble signifie mobile du latin mobilis, de movere = mouvoir, et de movibilis qui peut être déplacé. A contrario, l'immobilier est fixe, immobile
 .
Bien entendu, il s'agit d'intérieurs seigneuriaux et royaux dans lesquels les repas se prenaient, tantôt dans la chambre, tantôt dans la grande salle,  et l'hiver,   de préférence près d'une cheminée. 
Dans les chateaux, ou tout au moins dans les demeures seigneuriales, les repas réunissaient toute la famille et plus parfois. La solution de mettre bout à bout plusieurs planches sur des tréteaux était parfaite. Ensuite pour camoufler ce mobilier rudimentaire, il suffisait de recouvrir le tout avec un linge. Du latin mappa= serviette
Aujourd'hui on ne démonte plus la table  mais on la débarrasse c'est à dire que le plateau est vide, on retire tout les reliefs du repas, on fait place nette, mais la table demeure. Parfois le passé revient, et la table peu être à transformations : de table à manger, elle devient console, ou bureau. Notre société semble avoir  oublié ses repères historiques.
Nouvelle la façon que nous avons d'acheter des meubles en kit et de les monter soit même? Nouvelle l'idée de pouvoir se débarrasser d'une table encombrante en la pliant? Nouvelle l'idée de proposer des assiettes jetables aux convives lors de receptions? Nouvelle la manière de manger avec les doigts dans les fast food? Allons donc, revoyons notre histoire!

TEL EST LE BON PLAISIR DU ROI
Le Roi Louis XIV, lorsqu'il dînait seul, faisait dresser la table dans sa chambre. Jusqu'au XVII e siècle, la table fut dressée n'importe où selon le rang des invités et les saisons ainsi on passera de la cuisine à la grande salle devant la cheminée en hiver ou bien au jardin par un beau soir d'été. 
La salle à manger telle qu'on la connaît aujourd'hui, la pièce où se tient une table en permanence, n'apparaît qu'au XVIII e siècle, exception faite du réfectoire dans les monastères, lieu exclusivement réservé aux repas
Ne vous laissez pas tentez par une salle à manger Louis XIII, à cette époque il n'y en avait pas. Il y avait bien sûr des tables mais elles tenaient d'avantage du bureau.

REMINISCENCE DU PASSÉ
On a tendance aujourd'hui à revenir à l'idée d'une salle à manger mobile. Dans les villes surtout, les appartements étant souvent petits, il n'y a pas toujours de pièce réservée aux repas et les tables pliantes ou transformables (soit à rallonges, soit en console) ont fait leur apparition. On dresse de nouveau la table dans un coin du salon lorsque l'on reçoit et le reste du temps, la famille déjeune et dîne dans la cuisine.
Mais dans l'un et l'autre cas, avec des assiettes, des couteaux, des fourchettes, des cuillères et des serviettes. Notons l'exception des "livraisons à domicile" des pizzas, sushis et autres spécialités qui se dégustent avec les doigts ou des baguettes. La serviette est alors indispensable.

LES BANQUETS  
Le mot banquet remonte aussi au Moyen-Age. A cette époque les convives s'asseyaient d'un seul côté de la table sur un long banc et chacun d'eux possédait  une cuillère et une écuelle qui servait pour les mets liquides (bouillons, sauces, crèmes).


VINS ET CHANSONS
Comment se déroulaient les repas en Europe au Moyen-Age ?
La littérature de cette époque est une source inépuisable de détails quant aux habitudes hospitalières et culinaires de nos ancêtres ; la peinture, les manuscrits, les enluminures, les illustrations sont aussi précieuses pour leurs descriptions des banquets.

La table était recouverte d'une nappe, mais la différence n'est pas bien grande entre les banquets antiques et les réceptions de ce temps
 A part le service de table, les convives mangeaient toujours avec les doigts : ni assiette, ni fourchette, ni couteau (réservé souvent à l'office, les rôtis arrivant souvent déjà tranchés).

Le service était long, le nombre de mets impressionnant et les troubadours, trouvères et autres artistes de passage agrémentent de leur poésie ces longues soirées.
Aujourd'hui, les  repas de fêtes (noces, naissances) finissent souvent   par des chansons...
Mathurin Regnier, poète français célèbre pour ses écrits satiriques et imagés (1573 à 1613), nous décrit un banquet sous le règne de Henri IV : "(…) sur ce point on se lave et chacun en son rang se met sur une chaise, ou s'assied sur un banc suivant, ou son nom, ou sa charge, ou sa race."

PORTER UN TOAST
La cour de Henri IV n'égalant pas celle des Valois en ce qui concerne l'étiquette, vous ne vous étonnerez pas de ce qui suit :
Durant le repas, on se défie souvent à boire. On se porte des "santés" auxquelles il faut répondre. C'est encore ce qui se produit aujourd'hui si une personne offre une tournée générale, il est très impoli de ne pas faire la même chose.
Autrefois, la coutume voulait que l'on dépose au fond du verre une croûte ou morceau de pain grillé, rôti, touster ou tasté qui vient du verbe torrere. Toute l'assemblée boit dans le même verre ou timbale, qui passe de mains en mains et de bouche en bouche, jusqu'à arriver au convive en l'honneur de qui on boit, si l'on s'en souvient encore. C'est lui qui finie la coupe et qui mange la tosté. De là l'expression bien française que l'on imagine souvent britannique "porter un toast".

DU VAISSEAU A LA VAISSELLE, DE L'EXCEPTION AU QUOTIDIEN
.La nef était un objet occidental très présent à l'époque médiévale sur les tables royales et princières. A la Renaissance  il devient une pièce maîtresse des arts de la table. Cette pièce d'orfèvrerie aux allures de vaisseau, est un fait un coffret dont le couvercle représente au pont d'un bateau et le coffre figure  la coque. C'est l'écrin qui renferme le nécessaire du prince, c'est à dire ses couverts individuels. La cuillère, le couteau, la fourchette et le cure dent. Mais cette boite sert également à marquer la place d'honneur.
C'est  aujourd'hui l'ensemble  des plats et des couverts qui servent à l'usage de la table Et voilà comment du vaisseau amiral nous arrivons au train train quotidien. 

A partir du XIV e siècle les convives des tables royales disposaient d'un tranchoir, plaque de métal sur laquelle on posait une grosse tranche de pain rassi. Les viandes étaient servies sur le pain que l'on renouvelait pour chaque plat (l'ancêtre du "Mac Do" ?).  Après les plats de viande, le pain imprégné de sauce était changé et quelquefois dans les grandes maisons, distribué aux pauvres après le repas. Ceci est valable pour les seigneurs ou les princes.

ETRE OU NE  PAS ÊTRE  DANS SON ASSIETTE




Le tranchoir se transformera en assiette. Il suffira de relever les bords de ce cercle plat. Les premières assiettes étaient en métal (or, argent, vermeil, étain) puis en céramique, en faience
Le service de faïence ne date que du XVII e siècle. Importée d'Italie avant la création de manufactures en France. C'est Henri IV qui donne des statuts à la corporation des faïenciers. Après 1600, les premiers services de table complets vont apparaître.
Le mot "assiette " désignait la place où le convive devait s'asseoir. Encore aujourd'hui, l'assiette désigne une manière d'être assis, l'assiette d'un cavalier par exemple. Lorsque le tranchoir fut remplacé par cet élément indissociable des arts de la table, ce plat individuel prit le nom d'assiette et marqua sur la table la place du convive.



En Inde, il n'est pas rare d'avoir en guise d'assiette, à une feuille de bananier ;  on mange t avec les doigts et seulement de la main droite puisque, de l'autre, ils tenaient l'assiette".  Cette façon de faire n'est pas très éloignée des assiettes en carton qui nous sont proposées lors d'une Garden Party par exemple.
Les choses évoluent certes, mais ne tournons-nous pas en rond quelquefois ?

METTRE LES PIEDS DANS LE PLAT
Curieusement, cette expression n'a absolument rien à voir avec le plat de service. Elle date du XIXe siècle, et signifie marcher dans une étendue de sable à marée basse, ou patauger dans la boue. Lorsque l'on foule les fonds plats, les pieds troublent l'eau qui s'y trouve. Le sens premier semble avoir été: agir avec un manque de diplomatie


















 LES CODES ONT CHANGÉ HEUREUSEMENT.
Tout comme le vêtement, les rituels des arts de la table marquaient l'appartenance à une classe sociale
Chez les grands du royaume, la vaisselle est d'argent ou d'or, parfois en vermeil.
"Quelle sorte de vaisselle ont les évêques ? Ils ont de beaux et grands dressoirs d'or et d'argent, des pots et des flacons. Et les pauvres ? Ils ont des tranchoirs de pain qui demeurent sur la table."
Les Vigiles de Charles VIII par Martial de Paris
 Chez les bourgeois point de vaisselle d'or, d'argent ou de bois mais des pièces en étain
Chez les paysans, la table était en bois et la tranche de pain rassi qui servait seule de support aux mets, était posée à même le bois de la table.  Puis l'écuelle de bois remplaça le tranchoir, mais l'usage voulait qu'on la partage à deux.

DANS UN FAUTEUIL (!)
La lignée du fauteuil remonte au francique : faldistôl qui se traduit par siège pliant,  le vieux français le transforme en faldestoed , puis faudestuel au XIIe siècle. c'est une sorte de trône, réservé aux personnes de haut rang, devant lesquelles on déroule aussi le tapis rouge.
Un siècle plus tard on retrouve ce siège avec des accoudoirs et un dossier dénommé faudestueil. Fauteuil sera inscrit dans l'inventaire des meubles de Catherine de Médicis. 

Siège pliant, facile à transporter ;  le langage populaire lui a donné le sens de faux ( fault esteuil) avant de lui rendre son honneur dans le mot "fauteuil" ou commodités de la conversation pour les précieuses parfois ridicules



















ON LOUE TOUT
Lorsque l'on ne possédait pas de vaisselle, de nappes ou doubliers, de touailles ( qui donne en anglais towel) ou serviettes, il était facile d'en louer tout comme les meubles (carreaux, coussins, fauteuils, tables composées d'une planche et de tréteaux)
On louait aussi les salles, et l'on pouvait se faire livrer la nourriture ; en fait les choses n'ont pas changé tant que cela et le métier de traiteur serait il aussi un des plus vieux métiers du monde?...

METTRE LA TABLE  OUI MAIS AVEC QUOI ?
 Parfois dans ces grandes tables rustiques, on trouve des trous dans lesquels s'encastreront plus tard des écuelles. L'assiette et la fourchette ne trouveront place sur nos tables qu'à partir du XVI e siècle, époque à laquelle la tenue de table commence à se réglementer " il est grossier dit Erasme, de plonger ses doigts dans les sauces". On trouve pléthores d'anectodes plus vraies et plus fausses les unes que les autres au sujet de la fourchette.

LA FRAISE ET LA FOURCHETTE

La pique ou la fourchette à deux ou trois dents était déjà utilisée à l'époque gallo romaine, pour prendre des morceaux de viande dans le plat collectif, ensuite on utilisait ses doigts pour le porter à la bouche
Longtemps elle fit peur, elle était assimilée à un outil dangereux risquant de blesser la bouche.
C'est la fraise qui déclencha dit on dans les milieux plus ou moins bien informés,  l'utilisation de la fourchette sous le règne de Henri III. Le roi rapporta de Venise une fourchette à deux dents qu'il jugea très pratique car elle lui évitait de plonger sa main dans les plats. Mais le jour où la fraise passa de mode, il semble que la fourchette disparut plus ou moins. Au XVII e siècle, elle n'était toujours pas d'un usage courant.  L'Eglise considérant que la fourchette était une incitation à la gourmandise, retardera son utilisation. Au XVII e siècle l'immoralité de cet objet sera revue et l'interdiction levée, on note alors le développement de cet instrument.
Cependant lorsque les règles étaient observées le couvert était mis avec le verre à droite, le couteau et le pain à gauche.

LA TOUR D'ARGENT : UN TOUR D'AVANCE
On raconte que le premier restaurant de Paris qui proposa des fourchettes à ses clients fut la "tour d'argent". Mais  il est vrai que l'on ne prete qu'aux riches. Ce célèbre restaurant qui fait face à Notre Dame  depuis 1582. L'auberge tenue par Rourteau devint rapidement un lieu à la mode. Rois (Henri III, Henri IV..) et les seigneurs s'y rendaient fréquemment. Le nom de Tour d'Argent vient simplement du fait que l'auberge était construite à proximité d'une des tours de l'enceinte de Philippe Auguste, construite en pierre pailletée de mica et dans laquelle le soleil se reflétait. Cette tour comme argenté les jours de soleil, fut donc à l'origine de l'enseigne de l'auberge sise "quai de la Tournelle" (petite tour)
En fait ce qui fit la différence entre l'auberge et le restaurant fut certainement l'usage des couverts individuels.

L'INDIVIDU PRIME SUR LE GROUPE
Nous sommes alors au XVIII e siècle et l'individualité se fait jour au sein de la société : on fait l'apologie de l'homme et plus seulement d'un groupe, le mien, le tien, le sien et de moins en moins le notre. Les peintres signent leurs oeuvres, les auto-portraits sont de plus en plus nombreux, le nom des architectes royaux ou non, sont connus, les acteurs bien que membres d'une troupe connaissent la célébrité sous leur nom propre, et puis  on commence à dormir dans des lits plus étroits où l'on ne recoit plus qu'exceptionnellement les hôtes de marque de passage, enfin on mange dans son assiette avec ses couverts, on boit dans son gobelet, on se socialise en meme temps que l'on s'individualise,  à tous les dégrés de la société...  La fondue dans notre civilisation occidentale semble être une résurgence des anciennes manières de table : tous pour un et un pour tous!


A CHACUN SON SET
L'origine du mot set, "set de table" est des plus interessante. De quoi s'agit il ? D'un naperon individuel, d'un simple changement de matière car du tranchoir métal on passe au set en textile... Le tranchoir devint assiette dans certains cas et set dans d'autres. Il y a corrélation entre set et assiette : set, mot anglais qui est entré dans la langue française il y a bien longtemps vient de l'allemand setzen qui signifie assoir. Or assiette vient de seant, assoir.. Ces deux objets tendent à  désigner avant tout la place des convives. Le mieux dans ce cas n'est pas l'ennemi du bien, et il est recommandé de cumuler set et assiette...le tout avec un bon siège

A SUIVRE MON HISTOIRE DU LINGE DE MAISON

lundi 4 juin 2012



N°2

 ÉCARLATE/KERMES

Ses origines sont incertaines, ou plutôt multiples
Le mot pourrait venir 
du persan "saqirlat" ou saqallat = au sens d'étoffe  teinte en rouge  
de l'arabe qirmiz = étoffe de soie décorée de sceaux brodés d'or
L'écarlate est une teinture rouge obtenue à partir du broyage et du séchage d'un parasite vivant sur les chênes méditerranéens le kermes.
La racine de Kermes est d'origine indo européenne :
du sanscrit kermi, 
à l'arabe qirmiz= cochenille, puis de l'espagnol Alkermes= carmin
en français cramoisi,  
kermes  signifie globalement "ver ou larve" qui donne en français vermillon  

ROUGE ET FACONNÉE ÉTAIT LE TISSU ECARLATE

 Le mot siquillat ou siqlat viendrait du grec sigillatos qui désigne une étoffe ornée de figurines, emprunte d'un cachet ou d'un sceau, d'une corde..; (seing ou signe)
du grec sigillatos= tissu orné de figures ou du latin sigillatus orné de dessins. On applique le terme sigillé à de poteries décorées de motifs  stylisés de l'époque gallo romaine.
de l'arabe siqlat = étoffe de soie brodée d'or.  
du néerlandais scarlaken = drap à tondre
du latin médiéval "scarlata"  = "drap écarlate de différentes couleurs éclatantes" 
la profondeur de la couleur écarlate est probablement à l'origine du  nom  donné à cette maladie infantile qui vous rend tout rouge : la scarlatine.
Dérivent d'écarlate le mot siglaton, étoffe de soie, ou d'autres matières précieuses.
Le tissu nommé Ecarlate est orné de motifs, obtenus par tissage

ESTIMÉE ETOFFE ÉCARLATE

 Le principe tinctorial du kermes est l'acide kermésique, pigment rouge, que seule possède la femelle.  
Une fois broyé on obtient une poudre qui mélangée à de l'alun et à de la crème de tartre devient l'écarlate dite de Venise ou des Gobelins.Venise ou Paris? Il semble que le procédé ait été imaginé dans la cité lacustre et mis au point à Paris par un membre de la famille Gobelin. La réputation de cette lignée de teinturiers ne fut plus à faire

L'écarlate la plus renommée fut celle de Bruxelles au XIV e siècle.
L'écarlate peut être obtenu aussi par le traitement de la cochenille mélangée au chlorure d'étain et à la crème de tartre ; ce sera alors l'écarlate de Hollande, la plus estimée, c'est elle qui s'imposera en France à Lyon dès 1677. Nommée écarlate de Hollande parce que le procédé fut découvert en Hollande par un physicien hollandais Cornelius van Drebell en 1630. Ce serait une histoire de famille, car son gendre, un certain Kuffelar, teinturier à Leyde apporta quelques perfectionnements à l'invention de van Drebell. Le produit fut alors commercialisé en France dès 1655 par Jean Gluk ou Klock

 On obtient à présent une couleur similaire avec des produits chimiques comme l'écarlate d'aniline (mélange de fuchsine et de chrysaniline). L'écarlatine est une laine rouge.


ENCORE UN  ROUGE ET  TOUJOURS LA MÊME HISTOIRE

Le rouge fut longtemps une teinte difficile à obtenir et surtout difficile à conserver, la couleur virant souvent vers le rose, à cause de l'eau et de la lumière. Un rouge solide était rare et par conséquent cher c'est pourquoi  dans les civilisations occidentales cette couleur est resté un signe honorifique : tapis rouge, ruban rouge, la robe rouge des princes de l'église, le rideau rouge au théâtre


LE ROUGE EST MIS

 Au XIXe siècle les idéologies révolutionnaires  utilisèrent le rouge comme un symbole. On  le constate dans un écrit de Victor Hugo en 1862 : les opinions "écarlates".
L'habit rouge lorsqu'il ne s'agit pas d'un parfum est "remarquable" voir mémorable. C'est ainsi que le monde littéraire se souvient encore du gilet rouge arboré par Théophile Gautier qui défendait l'esprit romantique aux côtés de Victor Hugo lors de la bataille d'Hernani. Fronde menée contre Victor Hugo  par les inconditionnels du classicisme.
Le rouge est la couleur adoptée par les communistes et le petit livre rouge de Mao  en est une preuve.


DU KERMES A LA COCHENILLE OU DU CARMIN AU VERMILLON

 Exploité en Occident jusqu’au XVIe siècle, le kermes, précieux, cher était un produit de luxe. 
La réputation du rouge obtenu à partir du kermes fut durant une grande période aussi recherchée que la  pourpre.
En teinturerie, l'écarlate se composait d'une série de sept teintes de rouge.
Pour différencier les nuances, le vocabulaire met à notre disposition plusieurs termes  = carmin = cramoisi = écarlate=vermillon


ROUGE PASSE ET MANQUE

A partir du XVe siècle, le kermes fut délaissé au profit de la cochenille du nopal vivant sur des cactus  de la famille des figuiers de barbarie,  originaire du Pérou et du Mexique. 
La cochenille des teinturiers, cochenille globuleuse qui fut longtemps prise pour une sorte de baie, parce que la femelle pour protéger ses oeufs se couvre d'une pellicule dure prenant ainsi la forme d'une graine rouge.  La nature animal de la cochenille ne fut révélée qu'au XVIIe siècle par l'italien Cestoni.

Son exploitation   était plus rentable et le pouvoir colorant plus de dix fois supérieur à celui du kermes. La cochenille se verra à son tour mis au rebus avec l'apparition des teintures chimiques au XIXe  

Les conquistadors  espagnols  avaient découvert la puissance du pouvoir tinctorial de cette cochenille. Ils avaient dans les mains un potentiel inestimable, et la première idée fut  de développer cette production dans plusieurs régions du Mexique et d'importer le produit fini en Espagne. La seconde idée fait suite à un constat : la rentabilité serait bien meilleure si le lieu de production était situé en Europe.  Donc acclimater le nopal en Europe et élever la cochenille. Il se trouve que le climat du sud de l'Espagne  permis l'épanouissement  du nopal, plante nourricière  de la cochenille   
 Le succès économique fut à la hauteur des espérances des différents gouvernements espagnols. Les îles canaries et Alméria devinrent des  centres de productions qui permirent de répondre à la demande occidentale
       
UN TISSU  ROUGE DE TOUTES LES COULEURS ?

La logique n'étant pas la caractéristique principale de l'histoire des textiles, l'étoffe persane désignée sous le nom d'écarlate était bleue, en Occident il faudra attendre le XIIe siècle pour attribuer définitivement la couleur rouge au tissu nommé Ecarlate

Le sens du mot latin sigillatus a évolué vers le sens "d'un tissu au fond de couleur bleue" Ainsi en Occident l'évolution a donné un sens très général  au terme écarlate ou escarlate qui désignait un riche drap de laine que les opérations successives de foulage, chardonnage et de tonte rendaient à la fois feutré et velouté sans distinction de couleur.
 Ce sens fut attesté par Chrétien de Troyes en 1168
Puis le développement en Occident de la  luxueuse teinture rouge à base de cochenille  à sans doute contribué à  transformer le sens du mot écarlate : on lui attribua dès lors la couleur rouge

Déjà dans les temps anciens, le mot  écarlate était employé : la bible en témoigne plusieurs fois sans spécifier s'il s'agit d'une étoffe ou d'une couleur

Exode 26 : "Puis tu feras le tabernacle, à savoir dix tapis qui seront faits de lin retors, de fils d'azur, de pourpre et d'écarlate, et artistement damassés de chérubins (...)"

La littérature est une source précieuse pour les historiens. Dans le roman de la rose, vers  1240  le héros n'est il pas vêtu d'une robe "d'escarlate noire comme mûre"?

Entre le XIII e siècle et le XIVe siècle en Occident l'escarlate était une étoffe de luxe, n'utilisant que de la laine importée d'Angleterre, mais peu importe la couleur pourvu qu'il s'agisse d'une étoffe de grand prix.
Le prestige de l'étoffe est porté très haut, car les villes " drapantes" offraient des pièces d'écarlates à leurs hôtes de marque,  aujourd'hui on déroule le tapis rouge. A Cannes pour le Festival, à L'Elysée pour la prise de fonction des nouveaux présidents de la République...
  
Au XVIe siècle le mot cramoisi, ne s'applique ni à un tissu ni à un rouge particulier, bien qu'il s'agisse d'une teinture rouge obtenue à partir de la cochenille. Il  est utilisé pour marquer l'éclat intense d'une couleur, non une couleur 
Ces détails sont accrédités par les livres de comptes de nombreux marchands d'étoffes. Les listes mentionnent en effet des draps jaunes cramoisis, des coupes d'amaranthe cramoisie.  . Ce supplément d'éclat des tissus cramoisis se traduisait par des tarifs majorés.  
Mais malgré tous les progrès de la technique, toutes les avancées en matière de teinture, le rouge demeure un problème au quotidien. Observez les étiquettes de vos vêtements de couleur rouge : les recommandations sont toujours les mêmes. Il faut laver ces articles séparément, car la couleur risque de  dégorger. Et pas seulement la première fois. Au fur et à mesure des lavages, la profondeur du  rouge s'estompe... Mais où va donc cette couleur qui s'étiole dans les machines à laver? Elle va tout naturellement sur le chemisier blanc que l'on a glissé par mégarde avec le reste du linge. Et voilà qu'apparaît un nouveau chemisier rose, imprévu? Magie? Non car"rien de se perd, rien ne se crée, tout ce transforme. " Lavoisier.


A suivre N°3 le rouge d'Andrinople


lundi 28 mai 2012

DE POURPRE, D'ECARLATE OU D'ANDRINOPLE : DE QUOI VOIR ROUGES!


Cette « Porte » était de lin blanc, entremêlé de bleu, de pourpre et d'écarlate. 

UNE INDUSTRIE BASÉE SUR DES RECETTES SECRETES
Description biblique du tabernacle. C'est dire que les" racines" des ces couleurs plongent dans l'histoire.
En ce qui concerne la teinture pourpre on sait aujourd'hui qu'elle existait  déjà au Moyen Orient vers 1500 ans avant JC.

Dans l'Occident médiéval, toutes les nuances du rouge, vif, sombre, clair, lumineux, doux, violent, virant au rose ou au violet sont  recherchées, car rares sont les teintures rouges solides. Celles qui existent sont onéreuses et par conséquent deviennent un symbole de force, de pouvoir,  et un  signe de richesse évident.

L'ESPIONNAGE INDUSTRIEL
A partir du XIIe siècle, les occidentaux  traversant les océans avec leurs navires ou les terres avec des caravanes, importeront des nouvelles matières premières colorantes des Indes, de l'Amérique du sud   avec le bois Brésil, de l'Amérique centrale avec la cochenille du  Mexique de l'Indonésie... C'est alors que la diversité des nuances ouges permettra de satisfaire la demande de plus en plus importante.
Des industries très lucratives en découleront . Ces recettes seront gardées secrêtes, autant que possible. Considérées comme un trésor, le savoir   faire des teinturiers sera soumis à bien des convoitises.
Après le secret de la couleur pourpre et plus tard celui du rouge d'Andrinople  force est de constater que l espionnage industriel n'est pas l'apanage des temps modernes.
permettant

N° 1

UNE LEGENDE POUR UNE COULEUR LEGENDAIRE

Il est une jolie légende qui nous mène en Phénicie, aujourd'hui le Liban, à la découverte de la couleur pourpre, couleur réservée un temps aux empereurs byzantins:
Le dieu Melqart, Heracles pour les grecs, et la nymphe Tyros se promenaient sur la plage près de Tyr en Phenicie. Leur chien, qui gambadait devant eux, trouva un murex et le croqua. Aussitôt sa gueule devint rouge violacée. La nymphe apprécia tant cette couleur qu'elle décida de ne céder aux avances de Melqart que lorsque celui-ci lui apportera une robe de cette couleur très pécisément. Celui-ci fit  pêcher un grand nombre de murex et il pu ainsi teindre le tissu dont il fit faire une robe qu'il offrit à sa belle.
Ainsi naquit une industrie prospère. Le colorant issu de ce coquillage marin, le murex grandaris, rouge violet très profond, fut bien découvert par les phéniciens. Ils exploitèrent ce filon gardant secret le mode de fabrication de ce colorant "magique" comme les chinois gardèrent le secret de la fabrication de la soie. Mais avec une pêche excessive des murex, la source se tarira quelques siècles plus tard et la couleur pourpre disparaîtra.

UNE RACINE GREQUE POUR LA PHENICIE
Le mot grec désignant le murex était phonix, c'est-à-dire rouge. De là à imaginer que la Phénicie vient de phonix ou phœnix… Pourquoi pas, cette hypothèse ne semble pas dénuée de bon sens puisque  l'activité majeure de Tyr était l'extraction du principe colorant à partir de murex qui étaient très nombreux dans la région.

Phonix et Phénicie, ce n'est pas le seul exemple d'une matière colorante qui donna son nom au territoire où elle était exploitée : le bois rouge braise que l'on trouve au brésil, est à l'origine du nom du pays. Un autre exemple en rapport avec le tissu ou le vêtement et un nom de pays ? Le Gabon. Lorsque les navigateurs portugais au XVe siècle arrivèrent près de côtes de cette région, ils se trouvèrent face à l'estuaire d'un fleuve dont la forme était semblable à leur veste, le caban, qui en portugais donne gabâo soit gabon.
Si le mot "rouge" est la traduction de phœnix en grec, le mot pourpre vient de porphura en grec et purpura en latin.


UN SAVOIR FAIRE EXCEPTIONNEL
Près de 1500 ans avant JC, les phéniciens maîtrisaient la fabrication d'une substance colorante aux qualités exceptionnelles. Ils avaient à portée de main la matière première : le murex phyllonotus brandaris était très abondant le long de côtes phéniciennes, et la pêche aisée. C'est  au début du printemps, durant la période de reproduction mais avant la ponte, que l'on allait chercher les mollusques en mer. Ensuite, ils étaient entreposés dans de grandes cuves pour être  écrasés afin de libérer ce pigment coloré. En fait, on cassait la coquille au niveau de la glande hypobranchiale et l'exposition du liquide à la lumière déclanchait le développement du pigment pourpre, composé de dibromoindigotine. On mélangeait le liquide obtenu avec du sel et on laissait reposer cette mouture durant trois ou quatre jours. Ensuite, le liquide était transvasé dans d'autres cuves durant une semaine. C'est alors que la teinture était prête. En diluant cette solution dans de l'eau ou en la laissant au soleil, on obtenait une gamme de rouge, en passant du rose, au violet. 

Lors de fouilles près de la côte, on a retrouvé des "collines" constituées de débris de coquilles de murex dont l'exploitation à durée plusieurs siècles.


Cette teinture fut considérée comme un produit de luxe dans le monde antique. Toutes les personnes influentes rêvaient de posséder un vêtement pourpre  mais seuls quelques privilégiés eurent cet honneur : les empereurs, les rois et, plus tard, les princes de l'église. Porter un vêtement pourpre  c'était un privilège réservé aux hauts dignitaires. Ce prestige social résulte non seulement du prix élevé du produit mais également de lois réservant cette couleur à certaines personnes, dont le rang social s'accordait avec ce luxe..

10 000 POUR 1

Pour obtenir  un gramme de cette substance colorante pourpre  plus de 10 000 mollusques étaient nécessaires. la production était saisonnière, les artisans devaient avoir une parfaite connaissance du mode de fabrication et l'exportation vers l'Orient et l'Occident réclamait une grande vigilance et de la patience, les chemins étant parfois dangereux. La renommée de la pourpre fit accroître la demande mais aussi monter les prix. C'est pourquoi, au même titre que la soie ou les épices, la pourpre fut longtemps un produit de luxe.
Mais quel secret se cachait dans la profondeur de ce violet ? Sa solidité. Enfin une couleur qui ne passait pas à l'eau et que les rayons du soleil ne fanaient pas.


DE LA COULEUR A L'ETOFFE

Mais la réputation de Tyr ne s'arrêta pas au colorant. On importa de la laine d'Espagne que les teinturiers teignaient en pourpre. Ainsi naquit une industrie annexe presque aussi florissante : le commerce d'étoffes précieuses. Sachant que les phéniciens étaient de grands navigateurs et d'excellents commerçants, ils surent mettre à profit leur savoir faire.

SYMBOLIQUE

Longtemps, le rouge demeura une couleur précieuse bien après que le secret de la fabrication de la pourpre ne soit découvert, bien après que la recette   de fabrication de la teinture pourpre  ait été oubliée. L'idée du luxe restera accolée à cette couleur, très difficile à obtenir, à conserver et, par conséquent, plus onéreuse que les autres. Tapis rouge et robe de Cardinal, rideau de théâtre cramoisi, mais le rouge est  symbole de la force, la puissance, l'amour passion..



















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mercredi 23 mai 2012

Duffelcoat, ou ou Duffle -coat deux propositions pour un vêtement

LES BALLADES DU DUFFLE

Du nom de la ville flamande Duffel dont l'orthographe fut modifié et qui devint Duffle.
On y fabriquait une étoffe  grossière, en laine cardée, grattée  sur les deux faces  dès le XVIIe siècle

Mais si le duffel trouve son origine dans les flandres, il fut fabriqué en Angleterre dès le XVIIIe siècle. Il devint le duffel- coat, vêtement chaud et fonctionnel  coupé dans cette laine épaisse et déperlante.

Vous le constaterez, le tissu est moins célèbre que le vêtement adopté par toutes les générations de l'après guerre. Aujourd'hui il ne demeure plus grand chose du tissu originel, par contre le mot  duffel -coat, formé de l'association du mot duffel tissu et du mot coat terme emprunté à l'ancien français cotte qui désigne un manteau en anglais. On retrouve le mot dans ridingcoat , redingote en français


LES MULTIPLES DESTINATIONS DU DUFFLE

D'abord destiné aux marins flamands : taillé dans  le duffle,  une serge grossière en laine cardée,  beige, chaud et imperméable(à peine dégraissé) foulé sur les deux faces, ce qui lui conférait un aspect laineux prononcé et un poids conséquent 
Il fut ensuite adopté après quelques transformations  par la marine britannique. 
Enfin il est devenu un vêtement civil unisexe international depuis les années 50


LES SPECIFICITES DU DUFFLE
 Les spécificités de ce vêtement étaient particulièrement adaptées à son utilisation
-Trois-quarts, car il fallait protéger le corps au maximum. Plus long le vêtement aurait pu gêner les mouvement
-avec un empiècement carré afin de protéger les marins au cas où ils devaient porter une charge lourde sur les épaules
-ample pour donner plus de liberté pour les mouvements
-muni d' une large capuche afin de permettre aux marins  par gros grain, de conserver leur couvre chef (casquettes, képi, béret...) sans être gêné
- navy blue : lorsque la marine anglaise fit couper ce manteau d'uniforme dans le grossier lainage,   il fut teint pour l'occasion en "Navy Blue"  
-un système de fermeture astucieux : des brandebourgs en corde et des boutons de bois,(d'olivier pour les plus beaux) de forme oblongue. Ainsi on évite les boutonnières et les marins n'ont pas besoin d'oter leurs gants pour ouvrir et fermer leur veste.
(dans les années 1960, quelquefois, lorsque les mamans le permettaient, les boutons pouvaient se transformer en sifflet.
-pendant la seconde guerre mondiale, la laine venant à manquer  certains de ces manteaux furent coupés dans un feutre de laine recyclée...(on y trouvait parfois encore des échardes de bois) ; le maréchal Montgomery, fut à l'origine du succès qui s'avérera mondial de ce vêtement militaire sobrement coupé,  en l'adoptant comme tenue favorite durant la guerre 39/45. 



LA QUILLE 
La Royal Navy avait vu grand, et après la guerre il restait un stock important de ces manteaux. Qu'a cela ne tienne, le rationnement tant alimentaire que vestimentaire qui sévit en Europe, eut tôt fait de liquider ce stock encombrant pour certains et bienvenu pour d'autres. Les distributions d'habits chauds furent un réconfort pour les populations civiles. On raconte que lors du mariage de la princesse Elisabeth avec le prince Philippe en 1947, les membres du gouvernement lui firent don de leurs bons textiles comme cadeau de mariage...Cadeau des plus "pratique" car la pénurie textile se faisait encore cruellement sentir quelques années après la fin des hostilités... Et la futur reine pu ainsi  arborer le jour dit une magnifique robe dont le modèle fit oublié aux sujets britanniques les difficultés de l'instant.

L'usage du "duffle coat" se " civilisa" après la guerre. Cocteau, prince des poètes se rendit à une représentation à l'Opéra, en smoking sous un duffel coat de laine blanche Il n'avait emprunté que la forme pas le fond. Le véritable tissu pour authentiques duffle coat est toujours uni sur l'endroit,  le fond est généralement caché par le "lainage" de la surface. On utilise quelque fois des double face pour les duffle coat  uni à l'endroit et à carreaux sur l'envers. La couleur traditionnelle est le bleu "marine", mais on le trouve aujourd'hui dans une gamme variée de couleur.
 De nombreux fabricants ont tenté de remettre le duffle coat à la mode ces dernières décennies, et tout en conservant la forme traditionnelle (des boutons de bois, poches plaquées, capuche) ils utilisent des tissus fantaisies certes, de toutes les couleurs mais aussi de toutes les qualités, et pas toujours imperméables

Manteaux de marins flamand, de marins britanniques, de militaires américains, puis de célébrités intellectuels, avant de devenir un élément incontournable de la mode "jeune" dans les années 1960. 
 Manteaux d'hommes (duffle-coats)   il fut adopté par les femmes et les enfants.  Il est plutôt masculin  bon chic bon genre dans son modèle de base, classique bleu marine,  mais il se féminisa  dans les versions fantaisies, verte rose ou jaune. Son parcours est similaire à celui du Barbour ou du Caban

LA MATIÈRE PREMIERE DU DUFFLE COAT

Cependant il ne faut pas oublier que le duffel (sans coat), est avant tout un tissu,qui peut-être utilisé pour tout type de vêtement chaud, confortable, solide et pratique alors en route pour un blouson en duffel, si vous trouvez du duffel.
Dans certaines boutiques spécialisées dans les vêtements vintages, vous trouverez si vous avez de la chance des duffle-coat des années 50/60, et ce qui est remarquable c'est leur bon état de conservation. La preuve qu'une bonne étoffe  c'est encore  et toujours essentiel dans ce domaine.

mardi 22 mai 2012

Une histoire de tissu


LE DROGUET


Du néerlandais "droog" = sec, qui donna le mot drogue pour ingrédients séchés. Mais où se trouve la filiation entre drogue et droguet me direz vous? Longtemps le mot drogue fut le nom générique de certaines substance employée en pharmacologie et dans l'industrie de la teinture, or le droguet était une étoffe historiée par tissage, c'est à dire façonnée, ses fils étaient par conséquent teints avant le tissage avec des matières tinctoriales ou drogues, alors commercialisées sous forme de poudre ou de bloc, déshydratée donc séchées pour une meilleur conservation. Et voilà le sens retrouvé  de sec, et bien entendu ces produits étaient vendus chez les droguistes...
Autre hypothèse : on peut imaginer que le mot drogue soit  une forme méridionale du mot latin derogarer = ôter c'est à dire diminuer la valeur de..."dictionnaire historique de la langue française. Robert. Cette solution est envisageable lorsqu'à certaines époques, le droguet ne fut qu'une modeste étoffe, sans grande valeur marchande "En1554 apparaît le mot droguet qui désigne un tissu de laine, sec et de bas prix." Bloch et Von Wartburg. Dictionnaire étymologique de la langue française. PUF
Une troisième proposition développée par F. Michel : droguet serait l'altération du nom de Drogheda, ville d'Irlande, mais je dois avouer ne pas m'enthousiasmer pour cette dernière hypothèse.


Il serait  vain de tenter de donner une définition de cette étoffe  tant il existe de variantes  suivant les époques et les modes: tout soie,  tout laine,  mi laine mi soie,  tissu d'exception porté par les reines, ou tissu commun utilisé par les paysannes normandes,  mais rarement uni, les motifs, de petite taille étaient obtenus par un fil de chaîne supplémentaire...

"Tissu de soie à petit rapport de dessin, comportant un décor par divers trames, se détachant sur un fond produit par une dominante de chaîne poil" M.M Tuchscherer, G. Vial In les musée historique des tissus de Lyon 1977.
 "C'est un genre spécial de façonné  dans lequel le dessin est  produit par un effet poil s'enlevant sur un fond  taffetas ou sergé"


Le droguet est un tissu ancien dont on parle depuis le XVe Il poursuivra sa carrière avec force jusqu'au  XVIII e siècle  puis il se contentera de survivre  dans quelques provinces dont la Normandie au XIXe siècle, plus par tradition que par conviction. .D'après monsieur Paulet, dessinateur et fabricant de soie à Nîmes, on doit l'invention du droguet à un certain monsieur Galentier, spécialiste avignonnais de la soie, qui perfectionna le métier à la petite tire.
-au XVe siècle il est considéré comme un  modeste tissu de laine 
-au XVIIe siècle, le droguet est une étoffe brochée ornée d'un dessin   produit par un effet de " chaîne -poil "(fil supplémentaire de chaîne) de la même couleur que la chaîne normale, s'enlevant sur un fond en taffetas, satin ou sergé. Généralement la chaîne est en lin ou en coton et la trame en laine.  Sa solidité et sa fantaisie lui ouvrent les portent de la décoration  : le droguet fut utilisé entre autre pour les garnitures de lit
Savary mentionne le droguet "façonné" de Lyon dans sa sixième édition du Dictionnaire du Commerce  1650. Le droguet de soie était une spécialité lyonnaise tissu de soie à petit rapport de dessin
-au XVIIIIe siècle, sous le règne de Louis XVI, on retrouve des tissus à décor "droguet" (petits dessins ton sur ton obtenus par tissage).
 "Les exigences du marché firent qu'on fabriqua à Lyon, sous Louis XVI, un nouveau genre de tissus à bas prix : le droguet, dans lequel la chaîne concourt, au même titre que la trame, à l'ensemble du dessin. Le motif décoratif y est toujours de petite dimension". (Migeon in "Les arts du tissu"). Le marché du luxe  se réduisant sans cesse, les  soyeux  continuèrent au XIXe siècle à  fabriquer des tissus plus populaires : le droguet faisait partie intégrante de cette politique
La dauphine, n'était qu'un type de droguet liseré avec un fond pékiné. la dauphine devenue reine, le droguet se voit  attribué un nouveau titre et devient droguet à la reine avec un poil flottant sur les deux faces, toujours de la couleur que le fond.
 -au XIX e siècle  en Normandie et dans la région du Pays de Caux, le droguet est un tissu ordinaire sec et brillant (apprêt obtenu par le travail des foulons), trame de laine et chaîne de lin.. Les femmes du peuple portent des jupes ou des robes de droguet notamment teint en violet comme on peut le voir au Musée de Normandie à Caen. Ce tissage utilisant le lin(production locale)  et le coton (arrivant par le port de Rouen) eut un grand succès dans la campagne normande. Le  droguet était encore confectionné sur des métiers à main par les tisserands de village.
Le droguet normand était uni ou rayé verticalement, avec des couleurs vives  Lorsque les lavages et l'usure parvenaient à ôter tout lustre aux jupes, les normandes apportaient leurs vêtements aux foulons afin de raviver l'étoffe. Le tissu est alors pilonné dans de l'eau mêlée à une terre glaise ou terre à foulon.
A Rouen on fabriquait un droguet nommé berluche ou espagnolette

 Les armures les plus courantes étaient le taffetas et le sergé.
Les modifications d'armure  et le choix des fibres  pourront transformer  un droguet  élitiste en un tissu populaire. La principale distinction résidait dans le choix des matières  opposant ainsi le droguet de soie et le droguet de laine
Le droguet est donc selon les époques et les régions une étoffe de soie, de laine,de fil ou de coton, unie ou façonnée, dont les motifs sont généralement inscrits dans des compartiments en forme de losange. La chaîne est le plus souvent de fil et la trame de laine ou de soie. Le rapport d'armure est très petit. Le dessin est réalisé avec une chaîne supplémentaire.


 Compte tenu de la diversité des droguets, selon que le Droguet sera une étoffe de soie ou un modeste lainage, qui pourrait s'étonner ses multiples utilisations  ?
Vêtements masculins : le droguet de soie  est utilisé essentiellement  pour la fabrication de gilets aux XVIII e et XIX e siècles, vestes ou même costumes folkloriques.
Vêtements féminins : le droguet de soie  ou de laine est employé pour les robes, les jupes, les vestes ou caraco...
Décoration : Le droguet fut employé pour garnir des intérieurs de coffres ou tapisser de petits meubles assez communs En ameublement, il fut couvre lits ou double-rideaux, tentures murales ou tapis de table.
 L'inventaire du château de Turenne en 1615 signale "quatre lits faits à housse de droguet noir et blanc".
Ce que nous nommons aujourd'hui droguet, c'est à dire une  étoffe modeste agrémentée de motifs tons sur tons et de petite taille permet de recouvrir de grandes surfaces sans risque de surcharge. La  discrétion du motif ne nuit alors en aucune façon à pas à l'installation de tableaux sur les murs.
Un petit façonné sans prétention aucune? Peut être, mais avec une histoire bien ancrée dans notre tradition.


mercredi 9 mai 2012

La ramie vous dévoile son jeu


La ramie ce curieux mot  à ne confondre avec un jeu de cartes le rami, est d'origine malaise. En effet Rameh qualifie différentes fibres textiles dont l'espèce malaise de Boehmeria ramie verte et  Boehmeria nivea ou la ramie blanche originaire de Chine. Si aujourd'hui on semble la redécouvrir, sachez que depuis plus de 5000 ans elle est utilisée par de nombreuses civilisations. En Chine elle était utilisée pour la confection des vêtements impériaux au temps où  la Chine possédait trois trésors : la soie, la laine et la rami. Cette tradition millénaire se perpétue et la ramie est encore employée pour la confection des plus beaux kimonos. Certains historiens pensent que la ramie était utilisée en Egypte à l'époque pharaonique pour envelopper les momies, d'autres pensent que c'est uniquement le lin qui était employé. Un doute subsiste cependant.                                                                                                                                              
Si cette fibre de la famille des urticacées  originaire d'Asie est aujourd'hui largement cultivée en Amérique du sud notamment au Brésil c'est certainement grâce aux japonais qui avant la seconde guerre mondiale se sont établis dans ce pays. La ramie y a trouvé un climat   chaud et humide  très favorable  à son épanouissement. Les industriels italiens ont été les pionniers en Europe à s'engouffrer dans ce domaine. Ils importèrent  la fibre  du Brésil et transformaient dans leurs usines en Italie.

Comment différencier la ramie du lin? Ceci est la Question! A l'œil, non les tissus généralement des toiles sont très  similaires, sauf pour un regard expert.  On remarque la finesse du grain et une légère brillance que le lin n'offre pas sauf s'il est calandré. Alors? Vous voulez un truc pour les curieux non expérimentés? Je vous le donne bien volontiers. Ce sont vos mains, vos doigts qui vont vous guider. Il suffit de passer la main sur la surface du tissu, il est presque urticant, des petits poils picotent vos doigts, un peu comme un tissu en laine cardée. Cette rugosité disparait je vous rassure dès le premier lavage
 Encore un aspect secret de la ramie :  si le lin est frais au toucher, la ramie est froide. Vraiment et les chemises en ramie sont fabuleuses en été, dans les pays chauds. Il faut avoir essayé avant de dire" nons", non je n'aime pas ce toucher, non je n'aime pas l'aspect froissé du tissu, non je ne veux être obligée de repasser. Dites oui à la ramie, si vous en trouvez. N'hésitez pas vous serez séduite par cette fibre qui à prouvée  sa capacité à vêtir homme et femmes depuis des siècles.

Il est malaisé de trouver de la ramie pure, très souvent les articles confectionnés sont des mélanges coton/ramie ou plus étrange viscose /ramie, ou polyester /ramie , j'ai même trouvé des pulls en laine et ramie. Parfois il me semble que les industriels n'ont pas idée du problème que pose l'entretien de tels articles. Les mélanges sont souvent prétextes à des économies, mais au final c'est le consommateur non averti qui se trouve dans une position instable. Mieux vaut un pull en pure laine et une chemise en pure ramie, ceci est ma conception des choses. Imaginez que la ramie mélangée à de la viscose sera moins froissable est une hérésie. Au lavage vous serez confrontez à deux  un problèmes : si vous faites une taches sur votre chemise pas possible de faire bouillir ni de laver à 90° alors que cela serait tout à fait possible avec la ramie pure, et encore plus  désagréable car la viscose mouillée se rétracte, il faut l'étirer pour qu'elle retrouve sa forme initiale, et  repasser avec un fer tiède,   alors que repasser un article en ramie, encore humide  avec un fer chaud c'est presque un plaisir. Pour moi c'est ou du sucre ou rien mais les ersatz, les édulcorants c'est un semblant, un leurre, une bêtise si ce n'est pas justifié médicalement. Il faut assumer, ou vous faites un régime et l'éclair au chocolat c'est niet ou bien vous dégustez cette pâtisserie sans penser aux calories, juste au plaisir que cela vous procure, et peut être ne prendrez vous pas un gramme...Alors soyez en accord avec vous même, optez pour le lin ou la ramie et assumez le coté parfois froissé de votre vêtement, stop  aux mélanges intempestifs qui n'ont aucun sens.
La ramie sera certainement la fibre qui vous procurera le plus de fraîcheur en période de grande chaleur

J'aime cette fibre à la fois sophistiquée et rustique, elle offre une palette de couleur intéressante et surtout permet de construire des vêtements fonctionnels, confortables, solides et élégants. Chemises, mais aussi pantalon, veste, et pourquoi pas employer la ramie en ameublement : rideaux, housse de couette, nappes.... Invitez le naturel dans votre maison et votre dressing, et  profitez de ce délicieux tissu. C'est sans doute une récompense car il vous faudra bien des efforts pour en trouver. Sachez que chez De Gilles tissus, nous en avons en ce moment.