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vendredi 10 février 2023

PASHMINA « AUX FILS » DE L’HISTOIRE, LES LEGENDES RACONTENT… N°3

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 Les places sur le podium sont limités et les héros sont nombreux, alors qui remportera le trophée du meilleur mécène ? Sont en lice des rois, des empereurs, des sultans qui tous firent, dans des proportions diverses, du mécénat, peut être sans le savoir : Ashok (-IIIe), Sayyid Ali Hamadani (XIVe), le sultan Zain Ul Abidin (XVe), les empereurs moghols Akbar (XVIe) et son successeur Barbur (XVIe), l’Empereur sikh Ranjeeet Singh (XIXe ). Quel est celui qui donna l’impulsion nécessaire pour hisser en quelques siècles un artisanat local au sommet d’une industrie de luxe ? 


EN REMONTANT L’HISTOIRE

Les populations du Ladakh et des régions avoisinantes utilisaient un fin et délilcat duvet pour se vêtirent déjà à l’époque de l’empereur Ashok (-IIIe ). Dès l’antiquité, ces longs rectangles en laine, légers et souples, étaient acheminés par les caravanes sur les routes de la soie de Srinagar jusqu’à Rome où le succès commercial les attendait.

 

LES CHAUSSETTES DU SULTAN

Un émissaire perse, Syed Ali Hamadani, fut envoyé au Kashmir pour faciliter la diffusion de l’Islam. A l’occasion d’une visite au Ladakh, il fut émerveillé par les propriétés thermiques de la laine pashmina. La légende raconte qu’il alla peigner des chèvres, et fabriqua, avec le duvet, une paire de chaussettes de ses propres mains, qu’il offrit à Qutubdin, sultan du Kashmir. Ce dernier, étonné par la solidité, le confort et la finesse de ces chaussettes, fut conquis par l’idée soumise par l’émissaire perse : créer des ateliers de tissage de pashmina au Kashmir. Syed Ali Hamadani fit alors venir de Perse 700 tisserands musulmans qui s’installèrent dans les villes de Leh et de Srinagar. En contre partie, ils partagèrent leur savoir-faire avec les artisans locaux.  Les sources persanes des termes techniques comme pashm s’explique puisque les artisans étaient perses. Ali Hamadani réussit une double mission : aujourd’hui les Kachmiris sont majoritairement musulmans alors que les Tchang-pa du Ladakh sont demeurés fidèles au bouddhisme ; il accéléra l’exploitation commerciale de la laine pashmina. Serait-ce le point de départ de ce qui deviendra une industrie très lucrative ?


UNE  NOUVELLE CORDE A SON ARC : L ARMURE SERGÉ

Le sultan Zain Albidin avait été capturé par Tamerlan et, durant sa captivité à Samarkand, il côtoya nombre d’artisans et artistes se familiarisant avec les beaux arts. Quand il devint roi du Kashmir, il fit venir des teinturiers et des tisserands d’Asie centrale afin qu’ils enrichissent les connaissances de ses artisans. La légende dit que ces nouveaux venus auraient introduit l’usage de l’armure sergé dans la région. Cette nouveauté améliora la solidité des shawls. Sous son règne, suite à des mesures économiques incitatives, le nombre d'ateliers de tissage se multiplia. Assistait-on aux prémices de ce qui deviendra la première industrie locale ?


UN EMPEREUR « À LA MODE »  

L’empereur moghol Jalâluddin Muhammad Akbar fut impressionné par les qualités des shawls du Kashmir, son engouement pour ces articles fut à la hauteur de sa puissance.  Il initia les fashionistas de sa cour dans l’art et la manière de le draper. Une légende raconte qu’il imagina un nouveau modèle, en doublant le shawl, de manière à ne voir qu’un « recto, sans verso ». Durant son règne, les richesses s’étalaient dans les costumes de cour. On note la présence de pierres précieuses et de broderies d’or à la surface, pourtant délicate, des shawls pashmina. Akbar plaça les ateliers de tissage du Kashmir sous « patronage royal », assurant ainsi leur perénité financière. Ce contrat perdura juqu’au XVIIIe siècle.

Le saviez vous ? A l’occasion d’un mariage, la tradition voulait que la mère de la mariée achète de la pashmina en vrac, la file et la tisse afin d’offrir un shawl à sa fille.  


LE KHIL-AT DE BARBUR

L’empereur Barbur, successeur de Akbar, fut à l’origine de la mode du khil-at (robe d’honneur), un précieux cadeau offert à titre de récompense aux courtisans, aux diplomates, aux hauts dignitaires. Barbur, dit la légende, fit pression sur les tisserands pour que les shawls soient élargis de manière à pouvoir tailler dans l’étoffe des vêtements entiers ; encore un coup de pouce impérial pour le développement des manufactures !


UNE VISION EXTRA -TERRITORIALE

On raconte que les avis éclairés de l’empereur sikh Ranjeeet Singh propulsèrent le shawl sur le devant de la scène de la mode ; il devint un article d’exportation très prisé par la clientèle occidentale. 


UN PARFUM D’EXOTISME SOUFFLE SUR LA MODE OCCIDENTALE

L’importation par les britanniques de shawls brodés du Kashmir à la du XVIIIe, fut très favorablement perçue par les classes dirigeantes des sociétés occidentales. Au XIXe siècle, on note l’emballement pour ces articles rares dans toutes les cours royales et impériales européennes. Bonaparte rentra de sa campagne d’Egypte  avec un « cachemire » pour Joséphine, l’élue de son cœur. Ce cadeau ne la séduisit pas immédiatement, elle le trouvait laid, mais sa légèreté et sa chaleur suffirent à son plaisir. Cet accueil mitigé fut vite oublié car on sait que la future impératrice voua une véritable passion pour ces articles. Des témoins racontent qu’elle en possédait des centaines. 

Le saviez vous ?  On raconte qu’un jour d’hiver, le Tsar de toutes les Russies lui rendit visite à la Malmaison. Ils sortirent dans le parc après le diner. Oubliant son « cachemire »,  elle prit froid et mourut quelques jours plus tard. Une autre source légendaire prétend qu’elle aurait été empoisonnée.


QUI REMPORTE LE TROPHÉE ?

Sans doute tous car, chacun à sa manière, avança un pion. Misent bout à bout, les idées finirent par aboutir à la création d’une véritable institution au succès international dont nous sommes témoins au XXIe siècle. 


QUI NE MONTERA PAS SUR LE PODIUM ?

Les industriels britanniques, conscients de l’importance de ce marché, prirent à contre pieds les importateurs, en fabriquant eux-mêmes à grande échelle et par conséquent à moindre prix, des imitations des châles en laine du cachemire.

 

LE BLOCUS CONTINENTAL UNE AUBAINE POUR LE TEXTILE FRANCAIS 

Eb 1806, puisque les anglais ne pouvaient plus approvisionner le marché européen, le sieur Ternaux, filateur français, saisit l’occasion pour lancer une fabrication industrielle de châles cachemire. L’entreprise releva magistralement ce défi et devint un maillon important de l’industrie textile française. 

Le saviez vous ? Le motif emblématique des shawls est le «Boteh (bouquet de fleur sen persan) » ou «palmette» qui fut introduit au kashmir par les perses. De nos jours, en France, le Boteh est assimilé au « motif cachemire » alors qu’en Grande-Bretagne il est devenu le motif  paisley du nom de la ville écossaise où, au XIXe siècle, furent tissés industriellement les imitations de shawls du Kashmir.

QU’IMPORTE LE FLACON POURVU QU’ON AI L’IVRESSE

La matière première de ces châles, très éloignée du pashmina originel, ne fut pas un obstacle au succès. La clientèle nouvelle n’ayant jamais côtoyé les châles originaux, n’avait aucun moyen de comparaison. 


PERIL EN LA DEMEURE

Le succès commercial des imitations européennes annonce le déclin d’un artisanat qui n’a perdu, non pas son prestige, mais une clientèle de connaisseurs. Bergers tchang- pa et artisans kashmiris peinent à écouler leur production. Quelques-uns purent se  reconvertissent, d’autres émigrèrent aux Indes, dans des ateliers similaires, apportant en « dote » leur merveilleux savoir faire. Cet exode de la main d’œuvre qualifiée brisa la transmission entre générations. En attendant que les beaux jours reviennent, une poignée d’artisans têtus, continue à produire ces luxueux articles pour une clientèle indienne, celle des castes supérieures, fidèle à ses traditions vestimentaires. Renouer avec la tradition et former une main d’œuvre qualifiée prit du temps.  


Malgré quelques imprévus dans son parcours, cet artisanat de luxe trouva toujours la force de relever les défis économiques, politiques ou sociètaux.


FIN

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