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jeudi 3 octobre 2019

LA BOURETTE DE SOIE UNE AMIE QUI VOUS VEUT DU BIEN

Chers (es) amis (es) lecteurs (trices) de ce  blog, je reviens les bras chargés de nouveautés, de rencontres étranges et curieusement interessantes, et nous allons en cette nouvelle saison, cheminer ensemble dans les méandres des vies secrètes des étoffes.

Alors pour commencer je vais vous dévoiler la face cachée de la "bourrette" de soie.

De Borre puis puis bourre du latin burra = étoffe grossière à longs poils. Le mot bourrette apparaît dans la langue française vers 1420.
Le tissu nommé bourrette est constitué d'un fil de soie reconstitué avec des déchets recueillis tout au long des étapes de la transformation du cocon en fil. La soie n'est pas la seule matière  textiles à subir différentes opérations. lors du peignage de la laine, il "tombe" des fibres  trop courtes pour être filées, ce qui donne la bourre de laine ,  pour le lin ou le chanvre ces déchets se nomment étoupe  et   pour la soie c'est la schappe.
Il existe ensuite des sous divisions dans les déchets  ; il convient de différencier schappe et filoselle, les fils dits schappe sont soumis à une opération de schappage qui consiste à désagréger les brins dans l'eau chaude ce qui conserve le lustre, la filoselle quand a elle est un tissu mixte (déchet de soie et coton) 
La bourrette (fil et tissu), la bourre de soie(fil) et le fleuret (tissu)sont encore autant de produits textiles de soie différents :
La bourrette est une étoffe tissée avec des fils constitués des déchets obtenus lors des diff_rentes opérations  effectuée sur le brins de soie(du d_vidage au tissage)
On peut donc considérer comme impropre le terme bourrette il faudrait plutôt dire schappe.

Les déchets de soie, une fois récupérés sont traités spécialement par cardage. On parvient par une forte torsion ˆ obtenir des fils grossiers certes mais solides, qui entre dans la fabrication d'étoffes de qualité courante Commercialisés sous forme d'articles en maille (T shirt) d'articles tissés ( des chemises, jupes ou vestes) à des prix très abordables pour une soie, d'ailleurs le consommateur ne s'y trompe pas et le succès de la bourrette croît d'année en année.

Les bourrettes les plus fines ont une surface granuleuse et les bourrettes plus _paisses ont un aspect rustique ; les fils plus épais permettent un tissage destiné à la fabrication de vestes, chemises ou m_me pantalons. 

Pour reconnaître la bourrette  l'utilisation d'un grand nombre de tests est requise. Utilisez à volonté la vue, le toucher, l'odorat

La vue
Bien que la composition chimique soit la m_me pour les brins de soie naturelle (provenant du dévidage du cocon des bombyx du mûrier ) et les fils de bourrette, ces derniers n'ont ni la douceur ni le brillant de la soie naturelle parce que :
-ces brins ne peuvent pas être débarrassés de leur grès en totalité_
-la forte torsion nécessaire à leur filage absorbe en bonne partie l'éclat qui pourrait subsister : un crêpe de Chine est moins brillant qu'un taffetas
-Le fil obtenu après le cardage est irrégulier, sa surface est "poilue" et rend le tissu granuleux    qui  un relief qui rythme la surface des étoffes
Ces "boutons" moins nombreux et moins visibles que dans les soies sauvages agrémentent la surface du tissu mais emprisonnent le reste de lustre
-Du fait de la torsion du fil et de son non dégommage la surface est grenue et n'a pas la douceur que l'on attend d'une soie.
-les poils absorbent la lumière en empêchant celle ci de se refléter sur une surface lisse
Une bourrette de bonne qualité offre une  inhabituelle combinaison :
-le tissu est fin, son éclat caché est sous-jacent, il ne brille pas de tout ses feux, mais on perçoit une lueur derrière la brume, sa surface est à la fois mate, granuleuse et poilue mais jonchées d'étincelles.
La bourrette est pleine de promesses (qu'elle tient) et pourtant  d'aucuns la  considèrent comme une étoffe pauvre.
Un fil tors de bourrette résiste bien à la traction, par contre si vous prenez un fil, que vous le détorsadiez en même temps que vous lui fassiez subir une traction, il se désintègre, un peu comme de la ouate...

Le toucher :
Les bourrettes de soie ont un toucher reconnaissable à la fois rêche, doux et savonneux, que l'on ne retrouve pas ni dans les doupions ou les shantung qui ne sont pas des déchets aussi petits
La bourrette donne l'étrange sensation qu'ayant été à lavée à l'eau et au savon, le tissu a été mal rincé_ et par conséquent il "grince" entre les doigts
 La meilleurs façon de vous en rendre compte c'est de les manipuler...Pour certaine personnes le toucher d'une bourrette de soie provoque la même répulsion que le toucher d'un velours  ou la même réaction épidermique que le  grincement de la craie sur un tableau noir. Une bourrette de soie  possède une main particulière : c'est un tissu mou et pesant, et en général son tissage lâche empêche une utilisation en biais car il se déformerait facilement ; il est tout le contraire d'un tissu nerveux, mettez le en boule, il ne se mettra pas en colère ! Il n'est pas élastique mais inerte chose particulièrement inhabituelle pour une soie.

L'odorat
Malgré tout ce qui précède il est  encore possible de se fourvoyer car la bourrette ressemble à s'y méprendre  à un coton, non pas un coton Suisse, lisse et brillant, mais un coton indien, rustique, irrégulier, boutonné, épais et mat. Si un doute subsiste, ayez recourt au test de l'allumette. L'ôdeur de la corne brûlée ne vous laissera alors plus aucun doute sur la nature du tissu. S'il s'agit de filosselle, vous aurez également un fil de coton qui brulera comme du papier en laissant des cendres grises

Les bourrettes sont selon les qualités fines ou épaisses, tricotés ou tissées mais attention, ces fibres très courtes s'useront plus rapidement qu'une étoffes tissées avec des fils longs   Compte tenu de ces caractéristiques un fil constitué de brins courts (quelque soit sa nature, soie, laine ou Fibranne) n'est pas absolument idéal pour la chaîne (la traction étant forte) bien que certains tisserands en fassent usage.  Cependant si c'est le cas, un tisserand consciencieux utilisera des fils obtenus à partir des déchets de cocons autres que ceux du bombyx du mûrier, par exemple ceux des chenilles vivant à l'état sauvage qui sont plus solides, mais ceci est rarement indiqué sur l'étiquette.
Il est fréquent de trouver des bourrettes comportent en chaîne et en trame le même genre de fil, et si souvent on rencontre l'armure panama, (deux fils en chaîne croisant deux fils en trame) c'est pour conférer à l'ensemble du tissage une plus grande solidité_.
Pourquoi les uns sont ils plus solides que les autres ?
Parce que les animaux ont une nourriture diff_rente qui entraine une couleur de bave différente mais aussi une composition chimique quelque peu différente (plus de calcium pour les cocons sauvages) : les chenilles vivant à l'état sauvage ont une nourriture
Parce que les déchets des cocons de vers sauvages résultent du cardage de la totalité du cocon, ce qui n'est pas le cas en ce qui concerne le traitement des cocons des chenilles du bombyx : les cocons non percés sont dévidés et les déchets obtenus sont alors moins nombreux, plus fins et moins solides(récupérés seulement dans les rebuts des premiers tours du cocon, irréguliers, abîmés ou tachés et dans la fin du cocon c'est à dire la partie proche de la chrysalide, fil faible parfois contenant des impuretés, traces de la chrysalide elle même ; les fibres proches de la chrysalide fabriquées par la chenille quasiment épuisée à ce stade sont trop faibles pour être dévidées (elles se cassent) En général ces segments de brins plutôt faibles et irréguliers sont utilisés pour la fabrication des shantung.

Etant donné la courte longueur des fibres, le fil peut manquer de vigueur et surtout d'élasticité dans les qualités les plus courantes aussi préférez une bourrette de bonne qualité même un peu plus cher, que vous aurez bien en main et qui vous semble exister à une bourrette pauvre c'est à dire inerte, sans présence et sans éclat. On trouve des bourrettes commercialisées sous  diverses formes
-de toile simple  armure simple 
- d'un dérivé de l'armure toile le panama les fils de trame et de chaîne s'entrecroisent deux par deux.   Son toucher semble adouci, son tomber est plus lourd, et sa solidité plus grande. Poids idéal pour tailleurs


La bourrette "crêpée" : les fils ont subit une torsion  mais l'aspect crêpé est produit par un artifice : le fil est un fil fantaisie c'est à dire qu'il sert d'^me et qu'autour de lui serpente un fil de soie ou de coton qui crée un certain relief, ce qui donne un tissu encore différents de ceux que nous venons de voir : souple et lourd Parfait pour une veste



La bourrette de soie a une excellente affinité avec les colorants. Elle se déteint et se reteint avec beaucoup de facilité (avis aux costumiers) La surface de ces tissus étant "sablée" l'impression est difficile. La couleur (épaissie pour l'impression) s'accroche aux aspérités de l'étoffe, et les dessins manquent de lisibilité
A l'usage, une bourrette imprimée semble avoir usée prématurément, le tissu bouloche comme une laine, et les dessins ont tendance à s'estomper aussi faut il se méfier des bourrettes imprimées si l'on aime les vêtements irréprochables
Sur une bourrette naturelle non blanchie, des taches noires peuvent apparaître, il s'agit de résidus de la chrysalide (terme désignant la nymphe des lépidoptères, état intermédiaire entre la chenille et le papillon. La chrysalide se développe dans une enveloppe de protection nommée cocon dont on tire la matière textile) La chrysalide du ver à soie est huileuse et comme rien n'est perdu dans l'industrie des déchets, on  exploite aussi ces résidus (comme les graines de lin) On en extrait l'huile qui sera utilisée en complément protéïnique pour la nourriture (animale) j'ose l'espérer. On nomme bourre  le fil obtenu par la filature de la partie externe du cocon, et les premières couches entourant et protégeant le cocon du ver à soie, souvent irrégulières, abîmés courtes et faibles. On l'utilise en général sous forme de brin non tors pour la broderie ou certains tissages.
C'est le cas de la bourre de Marseille " étoffe de soie dont la chaîne était en  gros fil de soie non torse, et la trame en bourrette (filé de fibre tors.)  Avec le fil de bourre on tisse une étoffe nommée fleuret : les fils étant poilus, l'aspect du tissu sera pelucheux. Le fleuret est à la soie naturelle ce que la Fibranne est à la viscose, ou le pilou au coton. L'utilisation industrielle des "déchets textiles "est considérable.

UTILISATIONS
L'aspect mat et doux à la fois de ces tissus de soie permet un usage moins restrictif que les soies naturelles ; des lignes de vêtements quotidiens ont été  ainsi commercialisées
- Vêtements : vestes, tailleurs, robes, pantalons, chemises, T-shirt...

- Décoration : rideaux ou coussins, plutôt pour un style rustique, car le tissage est grossier mais les tissus sont très solides.
Les couleurs sont variées mais  peu éclatantes

Détachage :
Certains fabricants recommandent de faire nettoyer à sec ce tissu, l'eau risquant quelquefois de le tacher. Une tache d'eau sur la surface d'une bourrette ressemble à une tache de graisse
Mais ceci est sans conséquence sur la vie future du vêtement: la tache  disparaîtra si vous plongez la totalité du vêtement dans l'eau ; en séchant tout rentre dans l'ordre. Cette particularité tient au fait que les fils  ne sont pas entièrement débarrassés de leur grès 

vendredi 16 août 2019

L'HISTOIRE DES DAMASSES HISTORIES


Le damassé c’est une technique de tissage qui somme toute est assez connue, mais peut être trop car si l’on veut vraiment aller à sa rencontre quelques notions de base s’avèrent nécessaires.
La fabrication de ce tissu fut longtemps réservée à un genre d'article dit "linge de table" ; il semble que l'origine flamande, et plus précisément  Courtrai ne soit plus mise en doute, remonterait au delà du XVe siècle, époque à laquelle on produisait déjà des tissus de lin agrémentés de dessins simples obtenus lors du tissage.
Pourquoi les Flandres? Parce que le damassé résulte de deux éléments principaux : la matière première qui est le lin spécialité de la région et la technique du damas de soie que les Italiens maitrisaient  fort  bien au XVe siècle. Or Bruges le plus important port de l'Europe du nord était  flamand et  entretenait des rapports commerciaux privilégiés avec l'Italie. C'est ainsi que les artisans flamands commencèrent par copier les motifs des damas de soie venus d'Italie, en utilisant non pas la soie, mais le lin.
Les lins damassés historiés étaient réalisés sur des métiers à la tire, le but étant une imitation du décor floral inspiré des damas de soie italiens
Ce n'est qu'au XVI e siècle, que  les artisans flamands s’étant familiarisés avec la technique, imaginèrent leur propre vocabulaire ornemental. On note une évidente similitude entre les sources d'inspiration de la tapisserie flamande et celles des damassés (chasses, scènes figuratives, paysages..)
On note cependant une nette inspiration orientale dans le vocabulaire ornemental des premiers damassés (animaux affrontés, arbre de vie..) puis l'influence de la renaissance se fera sentir, les sources se transformant au fil des ans : à la fin du XV et au début du XVI e siècle apparait tout un arsenal de motifs végétaux

Entre le XVI e siècle et le XVIIIe siècle la production de lin damassé historié fut très importante et les étoffes qui nous sont parvenues
 sont aujourd’hui des sources de documentation importantes . En effet les dessins de ces étoffes sont censés commémorer des évènements importants comme des victoires ou   des mariages royaux.
Les tapisseries tout comme ces tissus étaient des commandes passées aux tisserands par les grands du royaume (roi, princes ou encore évêques...) Dates, ou inscriptions sont de précieux points de repères pour les historiens.  C’est ainsi que grâce à des toiles damassées historiées nous avons des « images » du mariage de Philippe V et de Louise de Savoie.
Ces tissus de prix, souvent des cadeaux de mariage ou reçus en héritage sont conservés précieusement au sein des familles et transmis de générations en générations. Comme pour tous les produits de luxe, seules les familles aisées possédaient de tels trésors.
 Le linge de table était souvent offert en cadeau, comme en témoigne celui offert par la municipalité de Reims à Charles Quint lors de son passage dans la ville. Cadeau dont la valeur atteignait environ 1 000 florins.
L'inventaire de Catherine de Médicis mentionne trois tabliers damassés et trois douzaine de serviettes de même

Le succès commercial du lin damassé historié entraina un accroissement de la production. De nombreux champs furent dévolues à l'étendage des étoffes. Les tissus de lin étaient exposés à la lumière à l’air et à la rosée pour assurer leur blanchiment de la fibre.
C'est à Reims et à Caen au XVIe siècle que débuta la fabrication des toiles damassée en France. Dès cette époque, le linge de maison damassé sera alors nommé "grand Caen ».
 Leur qualité était si belle que la production locale rivalisa avec les productions étrangères de Venise et des Flandres.  C'est André Graindorge, originaire de Caen qui semble t il le premier imagina de décorer ces toiles avec des fleurs et autres dessins géométriques obtenus par tissage. Son fils Richard Graindorge poussa cet art jusqu'à orner ses toiles de scènes de personnages, animaux et figures.
« ... et si je ne peux me taire, qu'il n'y a pas de ville en Europe où il se fabrique plus beau et singulier linge de table que l'on appelle haute lice sur lequel les artisans telliers représentent toute sorte de fleurs, oiseaux arbres, médailles et armoiries de roi, prince seigneurs, aussi proprement que le plus estimé peintre pouvait le rapporter avec son pinceau.
Charles de Bourgeville  in "Antiquités de Neustrie"

Michel, fils de Richard repris l'affaire familiale et installa plusieurs manufactures de linge damassé produit devenu au XVIIe d'un usage "courant".
La dynastie des Graindorge donna à la production familiale le nom de haute lice, mais le mot damassé déjà en usage au XVIe siècle, prévalait car cette sorte de toile imitait à la perfection les étoffes dites damas blanc
Les hollandais, les irlandais et les anglais s'emparèrent de cette industrie dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Les Huguenots français chassés de leur pays allèrent s'établir dans des terres plus accueillantes et en particulier en Hollande en Angleterre, en Irlande, en Allemagne et en Suisse
Ils apportaient avec eux leur expérience dans la fabrication des lins damassés et du travail de la soie .
L'industrie hollandaise de lin damassé  historié très en pointe au XVIIe siècle périclita au cours XVIIIe. Les causes de ce déclin furent multiples : la concurrence étrangère (France, Irlande, Saxe), l'importance de plus en plus marquée du coton
Ils furent nombreux à s’installer à Spitafield ville située non loin de Londres qui devint un grand centre du travail de la soie.
 L'industrie  du lin damassé s'implata également en Irlande où elle fut  encouragée par Louis Crommelin, un tisserand huguenot, que la révocation de l'Edit de Nantes avait chassé de sa Picardie natale en 1685.
Pour les mêmes raisons un autre centre de linge damassé se hissa au premier rang : Shonnau en Saxe au début du XVIIIe siècle
  Courtrai était très proche de Bruges centre du commerce international, et c'est là que s'établi le premier atelier/ magasin. Le lin y était tissé sur place.

Ces productions étrangères inondèrent le marché français, les artisans locaux n’étant plus en mesure de fabriquer de telles merveilles.  Lorsque madame de Maintenon voulu créer une manufacture de linge ouvré en 1682, elle fut dans l'obligation de faire venir des Flandres 25 ouvriers.
La qualité des productions françaises repris alors des forces, rivalisant avec les production flamandes et hollandaise ce qui permis à des villes comme Saint Quentin, Bapaume, Douai ou Valenciennes de se développer économiquement. Les mulquiniers se firent de plus en plus nombreux et se regroupèrent en corporation dont les armoiries représentaient une figure d'évêque mitré portant une étole et tenant un suaire dans ses mains, au dessus une éponge et des oiseaux.
La symbolique est perceptible dans ces armoiries  puisque la sainte patronne des mulquiniers était sainte Véronique qui avait essuyer le visage du Christ avec un linge fin, analogue à la baptiste que fabriquait ces ouvriers
On nomme aussi "damassé" la toile à matelas fabriquée avec des fils de lin et dont les dessins sont faits avec des fils de coton.
Dans un premier temps le commerce de ces tissus ne s'exerça que dans des boutiques situes dans les zones urbaines. Il y eut coexistence entre plusieurs sortes de lins : les lins damassés et les lins simples (toile) et les toiles de chanvre ces derniers étaient surtout une industrie provinciale, dont la production était essentiellement destinée aux vêtements et au sous vêtements populaires`


DESCRIPTION 
Damassé est le terme générique qui désigne les tissus utilisés pour le linge de table et dont les dessins sont le résultat d'une juxtaposition des effets de chaîne et des effets de trame.
Les tissus damassés se caractérisent par plusieurs détails
-les effets monochromes mats du fond et brillants des dessins. Les motifs peuvent être rendus plus brillants par calandrage.
Les dessins qui apparaissent sont obtenus par des armures de sergé ou de satin effets de chaîne qui travaillent en opposition avec des armures de sergé ou de satin effets de trame, de même rapport, en formant le fond qui est ainsi plus mat. Les effets d'armure sont donc incorporés au décor. C'est une imitation en lin ou coton des damas de soie.
-  ils peuvent être utilisés sur les deux faces, les dessins étant simplement inversés.
- l’invention du métier Jacquard à permis de réaliser de grands motifs.
- autrefois la plupart des damassés étaient blancs, car utilisés en linge de table ils devaient pouvoir bouillir sans déteindre
Le linge de table "damassé" comprend trois catégories d'articles :
-le linge ouvré ou à dessins simples c’est à dire avec tous les dessins classiques , géométriques  ou à  croisure droite comme les damiers..
-le linge damassé qui comporte des dessins représentant des fleurs, des fruits, des personnages, des motifs décoratifs aux lignes courbes, des monogrammes, Ce second type exige une fabrication plus complexe, qui débute avec l'exécution du dessin que l'on désire reproduire, puis un second dessin spécial sur papier quadrillé ou la mise en carte. Cette carte sera plus ou moins compliquée puisqu'il faut imiter la nature sans avoir recours aux couleurs, avec de simples gradations dans les tons puisque tous les fils de chaîne et de trame du tissu damassé sont de la même couleur. La fabrication de ces damassés nécessite l'usage de la mécanique jacquard
Autrefois le linge damassé se fabriquait en fil de lin pur, mais pour diminuer son prix, de nombreux fabricants ont présenté sur le marché des articles mi fils (coton/lin) ou entièrement en fil de coton. Les plus beaux lins damassés subissaient un traitement spécial : afin que les dessins puissent être lisibles les motifs devaient être rendus brillants et lisses par un apprêt final
-le linge de table dit de fantaisie   : ce linge est fabriqué dans des toiles de lin, de coton ou de fibres synthétiques. Les motifs sont alors non plus tissés mais brodés à la machines (plumetis, jours, broderie anglaise)

UTILISATIONS 
Pour l'habillement féminin et la décoration. L’utilisation dépend évidemment de la composition :   en coton pour des chemises ou des robes légères, superbes châles s'il est en étamine de laine, en coton et lin pour le linge de table. Les nappes damassées en pur fil sont des produits merveilleux, mais devenus rares.



mardi 2 juillet 2019

LE BYSSUS : LEGENDE OU REALITE ?


UN TEXTILE "MARIN"
Pour les curieux qui veulent en savoir un peu plus sur ce cadeau de la mer voici quelques précisions qui je l'espère les combleront
Quel drôle de nom pour une étoffe!
Elle mérite que l'on s'attarde. Jadis hissée au firmament, admirée et convoitée par les personnages les plus illustres de l'histoire, elle sera délaissée au profit de la soie terrestre puis oubliée un temps avant de renaître dans le cœur des amateurs de raretés.
Son étymologie est une histoire à elle toute seule
D'abord bissum puis busse et enfin byssus
Mot emprunté au grec =lin fin , lui même emprunté à l'hébreu (buwts= byssus ; ce mot buwts signifie décoloré, c'est à dire sans couleur, donc blanc (curieux pour le blanc qui est la somme de toutes les couleurs ) et à l'araméen bus, enfin du latin byssus = lin fin. Pline écrit que "le byssus etoit une espèce de lin très fin." Pausanias remarque que" dans toute la Grèce, il ne croissoit de Byssus qu'en Elide."
Mais il y a une autre hypothèse plus concrète peut être qui serait la corruption d'un mot grec signifiant barbe et qui désigne l'ensemble des filaments soyeux sécrétés par testacés des bivalves (animaux à coquilles)
Unique en son genre, cette fibre ne trouva pas vraiment sa place et pour la décrire les anciens ne purent qu'user de comparaisons. La fibre antique qui offrait le plus de similitudes avec le byssus était le lin, d'où parfois la confusion.
Tissu de soie marine ou tissu de lin, l'un ou l'autre ou l'un et l'autre? "sorte de lin jaunâtre dont ils fabriquaient les plus riches étoffes" Littré. Il est fait référence à un fil de lin fin autrefois filé à la main, dans les pièces humides et sombres afin justement obtenir plus de finesse. Ce produit était la fierté de la région de Valenciennes, et sa richesse aussi puisqu'il était utilisé par les dentellières de la région, mais les conditions de travail des ouvrières étaient extrêmement pénibles. Aujourd'hui si la fabrication des dentelles du nord est entrée dans les musées c'est que la tradition ne se perpétue plus faute de fil. Aucune machine à ce jour ne permet d'obtenir un fil de lin équivalent en finesse à celui obtenu par le processus manuel. Les conditions climatiques optimum n'étaient bonnes que pour la fibre et néfastes pour les ouvrières qui filaient : l'obscurité et surtout l'humidité étaient les conditions nécessaires pour l'obtention d'un fil de qualité.
S'il est une étoffe historique c'est bien le byssus,  très souvent mentionnée dans la bible :
"David était revêtu d'un manteau de byssus, il en était de même de tous les Lévites qui portaient l'arche, des chantres et de Kenania chef de musique parmi les chantres Et David avait sur lui un éphot de lin" (chroniques 15. 27)
" La Syrie trafiquait avec toi , à cause du grand nombre de tes produits d'éscarboucles, de pourpre, de broderies, de byssus , de corail et de rubis..." (Ezechiel 27.16)
-"Salomon demande au roi de Tyr de lui fournir un maître artisan habile au tissage du byssus et aux teintures violettes ou cramoisies faites avec la pourpre du murex.
. (chroniques II°chant)
- "ton costume était de byssus, de soie et de broderies…" (Ezechiel chapitre 16- verset 13).
Le byssus décrit dans la Bible n'est en fait que du lin fin, utilisé pour la fabrication des tunique
En Egypte ce tissu obtenu à partir de fil de lin très fin était utilisé pour envelopper la tête des momies. Le lin de la vallée du Nil, donna le byssus alexandrin. La spécificité de ce tissu était sa finesse, sa quasi transparence, qui en faisait un tissu d'exception même 3 000 ans avant Jésus Christ. On a retrouvé des bandelettes entourant les momies tissées avec une fibre d'ortie, la ramie, plus blanche et plus fine encore que le lin. Cela prouve que les anciens utilisaient à la fois le lin et la ramie.
Plus proche de nous, Jules Verne dans 20 000 lieues sous les mers évoque le byssus" Bientot j'eus revêtu mes vêtements de byssus, fabriqués avec les filaments lustrés et soyeux qui rattachent aux roches les "jambonneaux" sortes de coquilles très abondantes sur les rivages de la Méditerrannée. Autrefois on en faisait des bas, des gants, car ils étaient à la fois moelleux et très chauds."


Les machines si promptes habituellement à remplacer l'homme, ne sont pas encore capable de produire un fil aussi fin. Le pourront elles un jour ? La question ne se pose pas en ces termes , mais plutôt est il nécessaire de fabriquer une machine capable de produire un fil de lin d'une extrême finesse ? Si le marché potentiel existe pourquoi pas, sinon laissons notre imagination naviguer dans le monde merveilleux des fibres oubliées. Ici encore une fois je ne peux m'empêcher de faire un rapprochement avec notre alimentation et cet engouement pour les légumes oubliés.
Aujourd'hui le véritable byssus est un produit rare car très peu de personnes sont capables de récupérer cette soie marine de la filer et encore moins de la tisser. L'Italie et plus spécifiquement la région de Tarente fut un grand centre de production de byssus Quelques familles continuent à fabriquer un fil de soie marine généralement utilisé pour broder sur des supports de soie ou de lin fin. Le tissage est plus rare, car il demande plus de matière et de ce fait le prix d'une pièce entièrement en byssus atteindrait des sommes vertigineuses. Ce savoir- faire se transmet de génération en génération sous le sceau du secret. Chiara Vigo en Italie est probablement la dernière "ouvrière" capable de "récolter",de filer , de tisser et de broder avec la soie marine. Sa fille qui vit en Irlande ne sait pas si elle continuera la tradition familiale ou si elle coupera à jamais le fil historique qui lie sa famille au byssus.
Pour voir et admirer des articles confectionnés avec cette fibre il faut aller dans les musées qui possèdent des collections textiles rares. La plupart se trouvent en Italie, mais les collections américaines sont assez fournies.
Qu'est ce que le byssus ? Une soie marine, mais encore?
Au XIX e siècle, le terme byssus est employé en botanique par l'intermédiaire du latin scientifique byssus, utilisé par Linné en raison de l'analogie entre les fils de lin fin et les filament de certains cryptogrammes formant des moisissures. Ce même terme fut repris en zoologie vers 1810 pour désigner les filaments soyeux sécrétés par une glande située dans le pied de certains lamellibranches (mollusques bivalves) telle "pinna" marine et qui leur sert à se fixer sur un rocher c'est 'origine de la soie marine
Le byssus a donc une double identité : végétale /animale.
Au XIX e siècle, une industrie locale sicilienne prospéra autour du byssus. La pinna sorte de coquillage que l'on trouvait encore en grand nombre en Méditerranée au siècle dernier possède la faculté de filer une soie solide . Cet animal ne file pas vraiment comme la chenille du bombyx du mûrier, mais elle retire une sorte de pâte d'une fente située dans sa langue. Le byssus est en fait une touffe composée d'une très grand nombre de fils extrêmement fins. Cette substance sert d'amarres à l'animal qui se fixe sur un corps étranger. Malgré et à cause de sa finesse, le byssus de la pinna devint une matière première très recherchée pour la filature. Une industrie naquit en Sicile et devint un important commerce.
Cet artisanat réclamait savoir faire et patience. Les opérations telles qu'elles sont décrites dans un manuel de filature de 1914 résument à elles seules la difficulté de récolte et surtout la difficulté du filage.
La pinna se retirait de la Méditerranée à une profondeur variant entre 6 et 9 mètres Les fils constituant la touffe étaient parfois si résistants que de grands efforts étaient nécessaires pour détacher l'animal de son lieu d'attache. On se servait d'une sorte de grande fourche à dents ou crampon. Cette masse fibreuse ou "lana pinnae" était séparée du coquillage et lavée à l'eau savonneuse. Ensuite elle était séchée à l'ombre et l'on coupait les radicelles endommagées ou inutiles. Le triage et peignage étaient les opérations suivantes. D'abord un premier démêlage s'effectuait avec un peigne à larges dents, suivit d'un peignage avec un peigne plus fin. Pour 500g de fils bruts on obtient environ 150 g de fils fins filables. La filature réalisée au fuseau était une opération délicate étant donné la finesse de la fibre .
Le fil obtenu était lavé dans une eau citronnée, frotté à la main avant d'être lustré au fer chaud. La couleur se situe entre le jaune, le brun et le doré. A Madagascar j'ai eu la chance de voir quelques articles tissés avec la soie d'araignée, et les similitudes sont flagrantes : la couleur dorée, la brillance, la finesse du fil sont présentes dans les deux cas. En ce qui concerne le toucher, malheureusement je ne peux pas me prononcer, ces articles étant placés dans des vitrines....
Le byssus permettait de fabriquer des accessoires de luxe : des gants, des châles, des chaussettes dont l'aspect très brillant et le toucher soyeux surent séduire une certaine clientèle
Plusieurs raisons sont à l'origine du déclin de cette fibre, mais la plus importante demeure l'arrivée d'une concurrente . Lorsque la soie "terrestre" fut introduite en Occident, la soie marine ne fut pas à même de rivaliser. La soie terrestre était plus facile à produire, même en grande quantité, elle est plus facile à travailler, moins couteuse tout en restant un produit de luxe.
Lorsque la production de soie du bombyx du mûrier se développa, elle entraina le déclin du byssus.
La nature offre une quantité de matières qui selon les capacités humaines peuvent être filées et tissées
Ainsi retira t on un fil soyeux de la coquille des oeufs de la raie blanche (raja batis) et de la raie bouclée, la soie de l'araignée Nephila, de Madagascar produit un fil soyeux et solide plus difficile à travailler que celui du vers à soie car bien plus fin.
Comparer à tout ceci les innovations des hommes semblent parfois bien ternes, et de ce que nos ancêtres avaient entrevus et parfois exploités avec leurs faibles moyens nous ne savons pas tout, heureusement il nous reste les légendes .

dimanche 30 juin 2019

MON METIER : DECOUVREUSE DE TISSUS

J'ai cette chance d'avoir une passion et d'avoir réussi à en faire ma profession : découvreuse  de tissus!  C'est une chance aussi de rencontrer les personnes qui les fabriquent et celles qui les achètent. 
C'est avant tout parce que j'aime mon métier, que j'aime ces produits qu'ils sont devenus au cours des ans des amis.
Bien que je ne sois pas à l'origine de la création de ces étoffes, un lien se crée entre elles et moi et il m'arrive de regretter de me séparer de certaines d'entres elles. Mais c'est le jeu, j'achète et je vends, je ne suis pas propriétaire de ces articles j'assure simplement une transition, pour ne pas dire une transmission.
Je sais qu'après être passés entre mes mains ces tissus ont une vie, et quelle vie! Ils habillent des cantatrices, ils griment des comédiens, ils protègent des acrobates, ils se transforment en vêtements extravagants ou classiques.



Ils décorent des fenêtres ou redonnent une nouvelle jeunesse à de vieux fauteuils...

Des coussins réalisés avec des tissus trouvés à Madras, aujourd'hui Chenai

Par choix, je m'inscris dans un univers éminemment sensoriel 

Avec mon nez je hume les matières
Les odeurs réservent parfois quelques surprises, pas toujours agréables!


Avec mes yeux, je me délecte des couleurs

Avec mes mains, je jauge la qualité d'un tissu, j'apprécie la finesse des fibres, leur texture douces, rêches, lisses, peignées ou hirsutes. 




Il m'arrive de me mettre à la place des autres ici en Ouzbekistan

 

Quelquefois, devant un article je m'oblige à modérer mon enthousiasme ou bien  je fonce sans retenue, au risque de me tromper. Je ne suis certaine d'avoir fait le bon choix qu'une fois que la marchandise a trouvé preneur! C'est le client qui qui, au final, me décerne un bon point ou un avertissement.



Un avion en retard, une boutique  ouverte dans l'aérodrome d'une petite ville en Bolivie, et c'est le temps qu'il me faut pour  un petit shopping chapeau!
   Les tissus, les étoffes, les textiles, peu importe le nom qu'on leurs donne,  
m'invitent aux voyages, me font rêver, son des sources d'inspiration,  un espace dédié à l'imagination et à la créativité.


Si ma curiosité me pousse vers l'avant, vers l'inconnu, vers l'aventure si je vais plus loin, recherchant sans cesse les exceptions, les étoffes  importables, introuvables, insolites, rares, uniques, c'est pour l'amour du métier. J'aime les défis, je les relève.

Depuis de nombreuses années je chine dans le monde, je me rends dans les lieux dont je ne soupçonnait pas l'existence. Mon plus grand plaisir, ce qui couronne un bon voyage c'est de revenir avec un tissu exceptionnel. Parmi mes plus belles découvertes : la black mud silk en Chine et  le tissu en fibres de lotus royal en Birmanie. Ma plus belle rencontre : une tisserande Toraja au Sulawesi. 

En Irlande avec l'un des derniers tisserands de Tweed

En Irlande à la rencontre d'un producteur de laine


A Madagascar même en vacances je ne m'éloigne jamais de mes passions

  




Dans une plantation d'hévéa au milieu de la foret Amazonienne coté Brésil,
des plaques de caoutchouc en train de sécher

sur le lac Inlé en Birmanie on file et on tisse les fibres de lotus

Tressage par des mains très habiles d'un panama à Quito

Heureusement, il me reste encore beaucoup d'endroits à découvrir et d'artisans à rencontrer. Ma curiosité ne s'est pas encore émoussée malgré plus de 30 années passées à traquer les trésors textiles à travers le monde.

Je souhaite ainsi pouvoir m'étonner et vous étonner encore longtemps avec des articles comme celui-ci. Je vous souhaite à tous et toutes de belles vacances. On se retrouve à la rentrée!