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lundi 31 janvier 2022

LA MELODIE BIEN ETOFFEE D'UNE SYNESTHETE

 

Ce soir, je serai peut être la plus émue sinon la plus belle pour assister au concert du 31 décembre "musikverein" de Vienne. Un rêve depuis mon enfance, largement partagé avec mon père. Un but que je m'étais promis d'atteindre et voilà que, soudain, il s'accomplit avec la complicité de mes amis, de mes enfants, un cadeau de tous les superlatifs : tu iras au concert... C'était en  mars 2020... Covid oblige, ce n'est qu'en décembre 2021 que, sous la direction du maestro Daniel Barenboim, enfin les premières notes s'égrenèrent pour une fois non pas en mondiovision, mais en persovision ! J'y étais enfin !  Tenues de soirée oblige, les robes du soir et smokings offraient un éventail d'étoffes qui se montraient sous leur meilleur jour.

Au rythme des valses viennoises et des polkas, mon imaginaire s'est joué de moi en associant à ces cascades de sonorités un défilé d'étoffes. Et oui, je suis synèsthète. C'est donc dans un joyeux carambolage acoustique que les tissus viennent valser titillant mon ouïe, ma vue et mon imaginaire !

Curieusement si la cadence d'une valse  m'entraine sur la  surface lisse, glissante et souple d'un crêpe satin, le rythme saccadé du "piqué pointe et pas de polka "me fait irrémédiablement songé au bruit inimitable  de l'aiguille de la machine qui pique et coud, pique et coud, pique et coud avec la régularité d'un métronome en rythme et en mesure.

Les archets s'agitent sur les cordes du premier violon et, les yeux fermés, les oreilles en émoi, le coeur battant la chamade mais pas trop, insensiblement j'associe ces sonorités à un défilé imaginaire dont les héroïnes sont les étoffes.  

C'est au rythme des quatre temps d'une valse viennoise que j'imaginais le tournoiement dans un léger bruissement, le taffetas des robes dans un arc en ciel de couleurs "cuisse de nymphe émue, rose thé, blond vénitien, etc.

Un grondement de grosse caisse et voilà qu'entre en jeu le lourd manteau de laine d'un prince qui vient tout juste de descendre de son destrier. Les cymbales s'entrechoquent peut être pour faire tomber les flocons de neige qui s'étaient déposés sans le moindre bruit sur les épaules dudit manteau.

D'un geste précis, le maestro entraîne tous les violons dans une course effrénée, les bras des musiciens dans un va et vient compulsif suivent la partition et j'imagine sur ces sonorités vibrantes qui délicieusement envahissent mon conduit auditif, un vol de mousseline qui, après des cabrioles infinies au grès d'une brise, finissent dans un tourbillon par se poser sur un parterre de mousse au pied d'un grands chêne.

Le Danube, certes bleu lorsqu'il est mis en notes par Strauss, dans ma version textile revêt un aspect pur, limpide, sobre et solide comme la surface légèrement granuleuse d'une toile de lin. Il incite à la rêverie,  à la caresse, à la simplicité. Alors oui, je suis parfois “fleur bleue“ comme cette fleur  qui s'épanouit au sommet d'une tige fragile oscillant au grès du vent, comme l'archet qui effleure avec grâce les cordes d'un violon pour en tirer ces notes immaculées.

Le moment attendu arriva, le tintement du triangle ! Quel maîtrise pour parvenir à faire vibrer cet instrument au bon moment, obéir au doigt et surtout à l'œil du chef d'orchestre, maitriser cet instant et devenir, quelques secondes seulement, le héros d'un orchestre, voilà de quoi ravir mon instinct textilophile et mon tempérament de synesthète puisque ce son cristallin et furtif devient synonyme du cri de la soie, celui qui se fait entendre lorsque l'on déchire brusquement un taffetas, de soie évidemment.

Le coup de l'enclume, un son improbable rarement présent dans les concerts classiques n'est pas sans rappeler une correspondance entre cette sonorité ferrugineuse et les robes métalliques de Paco Rabanne, les lamelles qui s'entrechoquent au moindre mouvement du  mannequin qui la présente.

J'espère que ces instants magiques pour les sens, sans dessus dessous, séduits sans le moindre doute, se reproduiront souvent et qu'avec ce même plaisir infini, je vous les conterai.

 

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