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dimanche 7 décembre 2014

N°3 LE MOHAIR QU'EST CE QUE C'EST? UN MONOPOLE TRÈS CONVOITE

UNE "CHASSE AU TRESOR" S'ORGANISE OFFICIEUSEMENT
Longtemps, le poil des chèvres angora fut considéré comme un luxe équivalent au cachemire ou à la soie.
Entre le 15 eme et le 19 eme siècle, période durant laquelle l'exportation des chèvres angora et de la laine mohair était interdite, nombreux furent les étrangers, chroniqueurs, aventuriers, marchands, émissaires en tous genres, à se rendre dans l'empire Ottoman. Tous racontent qu'au cours de leur voyage  ils avaient été éblouis par le faste de la Cour et la richesse des étoffes.

 Les plus audacieux quittaient Constantinople pour visiter l'intérieur du pays. En Anatolie, ils découvrent dans les pâturages, des chèvres au long manteau blanc et soyeux ainsi que les tissus en mohair, jusque là matière inconnue en Occident. 



LES INTERDITS SE CONTOURNENT  
La boite de Pandore était ouverte. En prenant conscience du potentiel commercial de   cette fibre, les tentatives d'importer cette laine avec ou sans l'autorisation du pouvoir en place, ne cesseront qu'avec l'assouplissement des règles en vigueur. Corruption de fonctionnaires, bakchich, détournement de laine mohair, passe-droit, contrebande des bêtes, tout était bon pour obtenir le produit interdit.

DES RECITS DE VOYAGES UNANIMES
Au XVIIeme siècle, le mohair était encore un objet de convoitise. Au XVII eme siècle, voici ce qu'écrivait de Pitton de Tournefort dans "Relation d'un voyage au Levant" à la toute fin du XVIIe siècle :
"...on nourrit les plus belles chèvres du monde dans la campagne d'Angora. Elles éblouissent par leur blancher et leur poil qui est aussi fin que la soie, frisé naturellement par tresses de huit ou neuf pouces de long et la matière de plusieurs belles étoffes. Mais on ne permet guère de transporter cette toison sans la filer, parce que les gens du pays y gagnent leur vie."
Au XIX eme, J.M.Tancoigne, fait le même constat au sujet des chèvres angora et des tissus mohair, merveilles enviables que l'on ne trouve nulle part ailleurs. 


PItton de Tournefort (1656-1708) un des fondateurs des sciences botaniques et grand voyageur.

J.M. Tancoigne, en 1808, dans ses lettres "persannes" fait  grand cas des tissus en mohair fabriqués et vendus dans la ville de Beybazar. 
"ces schâlis d'un mœlleux comparable à celui de la plus belle soie, sont de toutes sortes de couleurs, les turcs en font des vêtements pour l'été et ils parroissent affectionner de préférence ceux de couleur blanche. La même matière sert encore à fabriquer des demi bas extrêment fins. Je voudrois madame, que vous puissiez voir les nombreux troupeaux de chèvres répandus dans la plaine d'Angora, quelque-unes sont d'une stature extraordinaire pour leur espèce, l'œil est enchanté de leur propreté et de la blancheur éblouissante de leur toison qui pend jusqu'à terre..."
in "Lettres sur la Perse et la Turquie d'Asie"

BEYBAZAR  : L'AUTRE VILLE DU MOHAIR
Non loin d'Angora, près de la ville Beybazar ou Begbasar (le marché du sultan), paissaient de nombreux troupeaux de chèvres angora dont la laine était réputée pour sa finesse et sa blancheur. 
Si le mohair de Beybazar semblait plus blanc que celui de d'Angora, c'est parce que les chèvres bénéficiaient d'attentions particulières. Elles étaient souvent peignées et lavées dans les rivières avoisinantes et avant d'être filée, la laine était lavée au savon ce qui accentuait sa blancheur. Les connaisseurs pouvaient distinguer la provenance de la laine au toucher : celle des chèvres élevées à  Beybazar était plus onctueuse que celle des chèvres d'Angora. Sans sont-ce les traces de savon qui donnait ce toucher particulier. 

UNE INACCESSIBLE ETOILE
Face à une demande importante, une offre quasi inexistante. Il n'en fallait pas plus pour que les esprits chagrins, échaudent des stratagèmes pour obtenir ce produit réputé inaccessible. Voilà comment naissent les légendes.   

LE MOHAIR : LE PRIX DE LA RARETÉ
Au XVI eme siècle, devant l'afflux de demandes, les lois régissant le commerce extérieur de l'empire Ottoman vont s'assouplir. En ce qui concerne le mohair, le gouvernement accepte de partager ce trésor avec les étrangers mais avec des restrictions : seuls les produits finis (fils, vêtements, tissus) pourront être exportés. Le monopole de la laine en vrac et des chèvres angora n'est pas encore aboli. 
Les occidentaux vont payer le prix fort pour obtenir cette fibre à cause des difficultés d'approvisionnement, les dangers liés au transport, en un mot,  la rareté du produit.

DES TENTATIVES DECEVANTES
Les enjeux économiques poussèrent certains à braver les interdits. Au XV eme siècle, il y eut des tentatives d'élevages de chèvres angora en France et en Grande-Bretagne. Mais ces expériences se révélèrent infructueuses. Le manque de savoir faire, le climat et  une nourriture inadaptée ou insuffisante furent probablement les causes de ces échecs.

"A CŒUR VAILLANT RIEN D'IMPOSSIBLE" (Jacques Cœur) ET POURTANT!
Dans la première moitié du XV eme, Jacques Cœur parvint à introduire en France  "quelques caprins à laine douce et soyeuse, propre à prendre la teinture" sans doute grâce à ses contacts influents en Turquie !


Jacques Coeur grand argentier du  roi Charles VII (vers 1440)
C'est à Saint Pourçain sur Sioule dans l'Allier, ville natale de son père, maitre fourreur, que Jacques Cœur, fit installer ses protégées. Le temps de quelques tontes, le temps d'apprendre à filer la laine des chèvres angora, le temps de se rendre compte de la magnificence des étoffes, le temps de tisser quelques fins linges liturgiques pour les moines d'un prieuré voisin, et il le temps de se rendre compte que ces animaux ne résistaient ni au climat de l'Allier ni aux aléas provoqués par les famines à répétions. L'expérience fut donc de courte durée.

PEACE AND LOVE AND MOHAIR
Il faudra attendre le milieu du XXeme siècle pour que des élevages de chèvres angora soient couronnés de succès dans l'hexagone. D'abord dans de minuscules structures qui privilégiaient les méthodes artisanales, souvent avec les moyens du bord, c'est-à-dire quasiment rien et surtout beaucoup de convictions.
C'est l'époque de Baba cool, du retour à la nature, de peace and love et des élevages de moutons dans le Larzac
En France, l'élevage de chèvres angora est désormais une profession à part entière. La filière française du mohair haut de gamme est dynamique et trouve sa place sur le marché international

A SUIVRE

1 commentaire:

  1. Une activité à programmer avec les petits-enfants: visite d'un élevage de chèvres angora.

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