L'histoire des manches est pleine d'anecdotes amusantes et les expressions populaires de la langue française se rapportant aux manches sont nombreuses.
-Etre gêné aux entournures.
Decryptage au premier degré
L'entournure est la partie du vêtement où s'ajuste la manche, synonyme d'emmanchure. Lord Raglan, qui perdit un bras à la bataille de Waterloo fit élargir l'emmanchure de ses uniformes, afin d'enfiler plus aisément ses vêtements… Depuis, la manche raglan à oublié son lord mais a conservé son nom (voir le post un voyage au pays de Galles n°3).
Decryptage au second degré "être gêné aux entournures" a une signification différente : cette expression s'applique à une personne se trouvant dans une situation embarrassante, financière ou pas.
-Une autre paire de manches.
Décryptage au premier degré
La mode à ses diktats depuis des siècles. Les aficionados de la mode existent depuis des siècles.
Pour l'exemple, remontons au XVe siècle.
Les paysans devaient être libres de leurs mouvements et les manches longues n'étaient pas adaptées aux travaux des champs. Alors, les manches se firent amovibles. On les fixaient aux épaules par des aiguillettes ou des lacets mais, pour une question de rapidité, les vêtements étaient "construits" avec des manches arrivant au dessus du coude. On pouvait transformer le vêtement en lui ajoutant des petites manches. A l'aide d'épingles, on fixait sur la partie existante des manches, longues ou courtes selon l'activité exercée au cours de la journée. Belle idée, le coté fonctionnel ne vous échappera pas : elles se retiraient et se remettaient plus aisément. L'histoire ne dit pas si les épingles en fer ou en cuivre ne furent pas à l'origine de quelques blessures sérieuses…
La mode touchait autant les paysans que les courtisans, à la différence que ces derniers étaient les premiers à adhérer au changement. Puis les manches se mirent à prendre de l'ampleur et à devenir longues, longues, longues et même très longues. Les très riches heures du duc de Berry fourmillent d'illustrations détaillées des costumes populaires et princiers.
Au mois de juin, les travaux des champs. Les paysannes ont adopté la tenue à leur besoin. (illustration des très riches heures du duc de Berry) |
Une solution de facilité. La mode s'accommode de recettes, de trucs et d'astuces. La preuve est donnée par l'usage des manches amovibles. A l'évidence, elles se salissaient et s'usaient plus que le reste du vêtement. L'entretien des étoffes était une opération plus complexe, les techniques d'entretien des étoffes au Moyen-Age étaient bien moins performants et beaucoup plus complexes que ceux que nous avons à notre disposition aujourd'hui. Par mesure de simplification et d'économie, car le tissu coûtait cher même et surtout à cette époque, on divisa le vêtement en plusieurs éléments, le corps et les manches.
peinture d'H. Van der Goes 1475. Ici encore, on note que les manches de la robe sont rallongées par des manches amovibles. |
On aperçoit sur ce tableau de H Memling 1475 l'épingle qui maintient la manche accrochée au corps de la robe |
Ainsi, il était possible de conserver la fraicheur à une robe ou un manteau dont les manches étaient lustrées ou tâchées
Deux en un. Tout bouge, mais rien de change ou pas grand chose. La mode tourne, contourne, mais la mode change peu. Qui n'a pas aperçu dans les rayons des magasins des vestes ou des doudounes avec des manches amovibles. Il fait froid la veste pour protège le torse et les bras, il fait juste frais, on retire les manches attachées au vêtement par des fermetures à glissière.
Et voila la veste qui devient gilet. Les manches amovibles ont une fonction bien établie
Des manches en tissu différent du reste de la robe pour le fun simplement; modèle saison automne 2014 |
Pourrait-on dire pour ce modèle : un simple effet de manche? |
La belle et le chevalier
La mode donne le ton même au Moyen Age. Lors des tournois, les chevaliers se mesuraient à leurs adversaires souvent pour les beaux yeux d'une femme. En gage d'un amour réciproque, les belles offraient une manche à leur amoureux et ce morceau d'étoffe était fixé au bout d'une lance, en guise de fanion…Les couleurs de la belle étaient hissées !
Messieurs les ronds de cuir
Au XIXe siècle, les "ronds de cuir" étaient ceux qui a longueur de journée étaient aux écritures, les coudes ou les avant bras sur le bureau, portaient pour protéger les manches de chemise ou de veste des demi manches en lustrine. Pas question d'élégance, mais le fonctionnel prime parfois.
Les manchettes en lustrine sont bien visibles sur les manches d'une chemise blanche. |
Il était très facile de les changer, elles étaient maintenues sur le bras à l'aide d'élastiques
Un bureaucrate avec ses manchettes vu par Dubout |
En deux manches et la belle
Décryptage au premier degré
C'est un peu la suite de la précédente expression. Restons au Moyen Age et continuons les tournois… Si la dulcinée offre une manche au chevalier de son cœur au début du tournoi, s'il en sort gagnant elle lui offre sa seconde manche et lui gagne les faveurs de sa belle. Aujourd'hui, les histoires de manches se jouent dans le sport ou les jeux de cartes comme le rami, la belote ou la pétanque.
Une partie de pétanque qui nécessite de se retrousser les manches…. |
Imaginons un match entre deux équipes, si chaque équipe gagne une partie ou manche, il faut pour les départager, jouer une troisième partie et c'est la belle…
Faire la manche
Décryptage au premier degré
Plusieurs hypothèses sont développées au sujet de cette expression. J'en ai choisie une qui me semble aussi convaincante et surtout rarement proposée.
Nous avons constaté dans ce post que jadis, le tissu était un produit rare et cher, qu'il fallait un bon métrage pour couper les manches généreuses à certaines époques, manches qui étaient amovibles, ce qui entraine une constatation évidente : pour un vêtement on compte plusieurs paires de manches.
Dans les ateliers des tailleurs, les ouvriers et les apprentis percevaient de maigres gratifications, c'est pourquoi une pratique s'est développé au cours des ans. Afin d'augmenter leur revenu, les employés recevaient quelquefois une compensation salariale sous une forme de métrages de tissus correspondant à une paire de manches. La confection de manches constituait un appoint pour les ouvriers qui en faisaient un commerce parallèle.
Décryptage au second degré "faire la manche" n'a plus qu'un lointain rapport avec l'original.
Au début du XXe siècle, de nombreux artistes de rue (chanteurs, musiciens) faisaient la quête après leur prestation,
puis la notion de récompense pour une prestation, elle devenu un synonyme d'aumône, voir le plus fréquement de mendicité.
Retrousser ses manches : Attention "Men at work"
Décryptage au premier degré
Imagée certes, l' expression s'adresse surtout aux hommes qui, pour accomplir des travaux de force, n'ont plus la possibilité de changer les manches de leur vêtement. Ils sont donc dans l'obligation de "remonter " leurs manches de chemises ou de pull ou de leur veste (c'est pour cela que les manches des vestes se terminent par une ouverture et quelques boutons) afin que leurs mouvements ne soient pas entravés .
Décryptage au second degré
Aujourd'hui retrousser ses manches c'est se mettre au travail surtout lorsqu'il y a du pain sur la planche (mais cela est une autre histoire)
Décryptage au premier degré
A l'origine, cette expression concernait essentiellement les avocats et les procureurs.
Leur tenue étant spécifique, la robe d'avocats est dotée de manches élargies dans le bas et, dans leurs plaidoiries, certains agitant leurs bras pour ponctuer leurs démonstration, le tissu virevoltait dans tous les sens d'où "un effet de manches".
Un supplément pour le plaisir.
Pour finir, juste pour le plaisir de parler d'un peintre que j'adore, un homme comme J. Pollock à su donner ses lettres de noblesse à l'expression par le geste qui remplace avec talent les mots.