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mardi 14 mai 2024

Z COMME ZENANA

 Z COMME ZENANA 

Lorsque le devenir des textiles se teinte d'un zeste d'histoire, s'étoffe d'un soupçon de réalité et se revisite avec une bonne dose d’imagination, les mots s’étalent alors sur les pages de ce post pour vous faire découvrir le zénana.


A LA RECHERCHE DE TISSUS OUBLIES

Je refuse d’être une simple touriste qui, à la vue d’une photo d’archive s’approprie un tissu. Détenir ne serait ce qu’un petit morceau d’une étoffe « historique » c’est  toujours pour moi le point de départ d’une nouvelle aventure . Voilà pourquoi, depuis des années en tant que marchande de tissus je me suis transformée en « marchande d’histoires » et que, pour étoffer mes connaissances, je sillonne le monde en allant à laa rencontre d’artisans passionnés, en débusquant des étoffes oubliées, en cherchant à percer le secret de la fabrication des couleurs…


UN DECOR POUR CHAQUE SAISON ?

Si changer d’habitat n’est pas à l’ordre du jour, changer de décor, renouveler les couleurs de la maison, déplacer les meubles, imaginer de nouveaux voilages est sans doute plus aisément réalisable. Trouver le chemin qui mêne au bout de ses envies n’est pas toujours évident, mais vous aurez l’embarras du choix avec le suggestions d’etoffe.com. Alors ce mois-ci, c’est une bien curieuse étoffe qui sera l’héroïne de ce post.

Le saviez-vous ? Jadis, les saisons se lisaient aussi bien dans le dressing que dans la décoration des maisons bourgeoises ou des résidences princières. Voilages, portières, rideaux, tentures s’adaptaient au changement climatique. Le décor de la maison suivait la mode du vestiaire. Alors pourquoi ne pas continuer cette  tradition somme toute très logique ? 


ZENANA ?

Un petit rien, une image furtive, un moment gourmand et le plaisir de s’immiscer dans l’histoire mystérieuse d’un mot…  Zénana ; trois syllabes énigmatiques qui résonnent comme le clapotis des vagues dans la pénombre d’une nuit printanière au ciel constellé de milles points lumineux.


L’EXCENTRICITE DES TISSUS RODIER 

En1852, Emile Rodier développa, dans sa Picardie natale, une unité de production textile en s’appuyant sur le savoir-faire des artisans locaux, filateurs, tisserands, teinturiers, pour qui le travail de la laine n’avait pas de secrets.

L’idée de baptiser les tissus avec des noms aux consonances inhabituelles est ancienne. Durant la première guerre mondiale, naquit le kasha, un tissu en laine de chèvres… cachemire ! Mais le succès arriva lorsque l’entreprise se spécialisa dans la production de jersey, une matière que Coco Chanel adopta et qui fut  l’origine de ses premiers succès commerciaux.

1890 ; une fantaisie délicieusement audacieuse sort des ateliers Rodier, une véritable création baptisée Zénana.

Le saviez-vous ? De Zen emprunté à l’hindi et au persan qui signifie femme.

En Inde musulmane, au Pakistan et au Bangladesh le zénana est l'équivalent du harem.  

Cette étoffe au nom extravagant connut un succès commercial auprès des fashion victimes jusque dans les années 1950.


AUTRE ÉPOQUE AUTRE REPERES

S’il est vrai qu’à la fin du XIXe siècle, les mystères de l’Orient et les légendaires harems pouvaient exciter la curiosité, je ne suis pas certaine qu’en 2024 cette image ait autant de succès auprès de la gente féminine. 


« LES TISSERANDS DE LEGENDES »

"En 1926, nous faisions du tissu pour l'ameublement, des dessus de fauteuils en velours ciselé... Nous avons tissé pour Rodier, Lesur, Derch. Pour ces fabricants, nous avons tissé toutes sortes de tissus : articles simples, articles façonnés, velours coupés, tissus à perles, à plis, gazes, zénana…" Marcel Gibot in "Les tisserands de légende" Abbaye de Royallieu Compiègne 1993.


EN APPARTE

J’aurais aimé que cette tradition se perpétue, que cette excentricité de bon ton continue à égayer les pages de nos magazines. Un peu d'audace et beaucoup de poésie dans les articles du quotidien seraient  les bienvenus.


LA VUE ET LE TOUCHER

Tel le mouvement perpétuel des vagues, le relief léger de la surface du zénana    lui confère toute son originalité. La fantaisie réside ici dans l’aspect visuel créé par les mouvements aléatoires des cloques, des côtes, des pleins et des déliés en lieux et place des imprimés bigarrés. 

Tactilement, le zénana est chaleureux et doux comme un rappel de l’intimité feutrée et réservée des harems.


UNE COUSINADE

Cotonnade cloquée, étoffe ondulée, le zénana inspira de nombreux couturiers dans la première moitié du siècle dernier. Bien qu’il ne soit plus fabriqué depuis longtemps, on peut se faire une idée de ce qu'il fut en le comparant au seersucker, tissu lui aussi historique, lui aussi venu des Indes mais toujours d’actualité et souvent présent dans les collections printemps été en prêt à porter et en Haute Couture.


UNE ETOFFE VERSATILE NON GENREE

Première mouture tissage cloqué avec une trame en soie ou en coton et une  chaîne en laine. Puis, vint une seconde version plus tardive, celle d’une étoffe     cloquée voir piquée avec un envers molletonné, rejoignant ainsi la famille des tissus d'aspect velouté, doux et laineux. Il ne fut, cependant, pas uniquement l'apanage des femmes, puisqu'il servit un temps de doublure pour les gilets brodés que portaient les mamelouks.


UNE DIVERSIFICATION COMMERICALE

Dans la version légère, le zénana était adapté à la confection de robes estivales et, dans la version plus lourde, il était adapté aux robes de chambre, tenues d’intérieur en vogue au XIXe et au début du XXe siècle. 

« ….une vieille femme, au corset busqué, au nez grossi par l’âge, dans sa robe d’intérieur en zénana framboise… Aragon in « les voyageurs de l’impérial ».


LES SOUVENIRS TEXTILES SONT DES PROPRIETES PRIVEES

Ils ne se partagent pas, ils sont la preuve de l'existence d'un moment de l'histoire d'un pays, d'une personne, d'une vie. On n'entre pas facilement dans l'album des souvenirs textiles d’autrui.

Le saviez-vous? Il m'est arrivé deux ou trois fois que des clientes d'un âge certain me demandent, comme pour me mettre à l’épreuve, si je connaissais le zénana. En leur répondant par l'affirmative, j'ai pu chaque fois déceler une sorte de regret, une frustration comme si je venais de les déposséder d'un secret dont elles s'imaginaient être les seules détentrices. Cette réaction montre à quel point les tissus sont des biens exclusifs, des articles rangés au rayon des souvenirs, propriété d'une génération.



LE ZENANA EST, EN 2024, UNE PIECE DE MUSEE

Une étoffe comme celle-ci est une prise sentimentale, un acquis subjectif et les amoureuses qui l'on travaillée et portée, ne veulent pas partager avec les novices, ceux qui viennent de découvrir le nom  en tant que curiosité historique. Le nom de suffit pas à imaginer un textile et, sans les sources vives, l’émotion est inexistante ; on ne retrouve pas cette vivacité, cette flamme qui fait vivre une étoffe. 


IMAGES FUGACES D'UN PATRIMOINE FRAGILE

Pour le zénana, nos mères et grands-mères n’eurent comme repères que de fugaces images de leur petite enfance, des tenues légères portées  à la campagne.

Images, souvenirs, rêves, voilà de quoi enrichir un patrimoine pas si futile, et certainement pas inutile. La diversité bien restreinte de notre industrie textile pourrait peut-être s’enrichir de son prestigieux passé et relancer la machine en créant, en devançant, en imaginant, en puisant dans le grand livre du patrimoine.


vendredi 3 mai 2024

LE BEMBERG®, UN CLASSIQUIE SANS FAUSSE NOTE

 


AU FIL DES NOTES                                                                                    Une certaine complicité entre musique et textile ? Cette idée, a priori incongrue, m’est apparue au cours de ma carrière professionnelle, ce qui m’a conduit à m’intéresser autrement à l’univers des étoffes. 


LA TEXTURE EMOTIONNELLE EN PARTAGE

Du latin texere, tisser. Si ce mot est généralement associé au toucher, l’ouïe n’est pas en reste. Les émotions tactiles réagissent à la douceur ou à la rugosité d’une surface et les émotions acoustiques se laissent pénétrer par les sonorités

Le tisserand entremêle les fils en un certain ordre et le compositeur tisse ses partitions en arrangeant selon son inspiration les sonorités et les vibrations. Si le spectre des textures est large : doux, lisse, rugueux, mélodieux, agressif, romantique, joyeux ou triste, celui des émotions l’est également : effroi, joie, tristesse, peur, sérénité…

Ainsi, qu’il s’agisse d’un tissu ou d’une composition musicale, la texture est perçue par le consommateur ou l’auditeur selon son degré de sensibilité. La caresse d’un velours de soie peut engendrer effroi ou plénitude, une composition dodécaphonique, musique répétitive, peut provoquer ennui ou curiosité.   


LARGUER LES AMARRES  

Dans les années 1920, une technique de composition musicale initiée par Arnold Schönberg, rompit avec les sonorités du discours musical classique. A peu près à la même époque, en Europe, des brevets furent déposés, bouleversant l’ordre bien établi des fibres naturelles et, avec leurs  formules “magiques“, annoncèrent la naissance d’une nouvelle famille de fibres textiles issue de la chimie


IL Y A MODERNE ET MODERNE

La musique « moderne « composée au début du siècle dernier, est  souvent perçue  comme  savante, voir abstraite, une similitude avec les fibres chimiques  elles aussi très techniques sorties des laboratoires elles aussi au début du XXI siècle 


LA RICHESSE DES REPERTOIRES

L'univers musical ne s'est pas désagrégé à l'arrivée de la musique  dodécaphonique, bien au contraire, son répertoire s’en est s’enrichit. La perception, bien qu’abstraite, des fibres textiles chimiques par le grand public, n’entrava nullement leur développement qui n’eut de cesse que de croître. L’évolution de l'expression musicale, tout comme celui du  langage textile est illimitée.

 

DU CONCRET A L’ABSTRACTION  

Sonorités discordantes et fibres chimiques dédaignent les harmonies tant auditives que  tactiles. Pour ces écarts, elles furent considérées comme des intrus dans un univers classique. Si, dans les années 1920, les sonorités classiques et les matières naturelles furent bafouées sciemment, il n’en demeure pas moins que leur mélodie demeure en « toile de fond ».


UNE EXTRAVAGANTE RÉALITÉ

« La soie n’étant qu’une gomme liquide qui se dessèche, ne pourrions-nous pas nous-mêmes faire de la soie avec nos gommes et nos résines » Réaumur 1734.

La musique expérimentale et les fibres artificielles ne sont pas nées spontanément, elles résultent d’un ensemble de conjectures, de projets, d’expérimentations heureuses ou malheureuse qui, à un moment donné, ont abouties. Saluons ces personnalités dotées d’une grande persévérance, à la fois curieuses et pragmatiques, parfois considérées comme farfelues, à l’origine des ces innovations. En ce qui concerne les fibres textiles artificielles, Réaumur, Audemars, Louis Marie Hilaire Bernigaud comte de Chardonnet ou encore Cross et Bevan furent ces premiers de cordée qui montrèrent le chemin des innovations.  

Le saviez vous ? Le ver à soie est le nom donné à la chenille d'un papillon de nuit que l'on appelle le Bombyx du mûrier, puisqu’il se nourrit exclusivement de cette feuille.  


PAR HASARD ET PAR NÉCESSITÉ

« Tout ce qui existe dans l’Univers est le fruit du hasard et de la nécessité » Démocrite.

Le saviez vous ? de l’ancien français hasart, hasard est une déformation par espagnol azar, de l’arabe andalou al- zahr = jeu de dé, chance.                                                                   

Pour qu’un projet puisse aboutir, il doit répondre à un réel besoin.

La nécessité : dans la seconde partie du XIXe siècle, les élevages de vers à soie furent en partie décimés, en France puis en Europe, par la pébrine et la flacherie. Les remèdes se succédèrent sans pour autant éradiquer ces maladies  qui menaçaient l’approvisionnement et le développement de l’industrie, alors florissante, de la soie. En 1865, les sériciculteurs firent appel au célèbre chimiste Pasteur qui, au terme de plusieurs années de recherches, de réflexion et d’observations, trouva un moyen d’enrayer la progression de la périme due en partie à la « contagion », mais il faudra encore des années pour  trouver le moyen de l’éradiquer.

Le saviez vous ? La pébrine se caractérise par l’apparition de taches noirs sur le corps de la chenille, similaires à des grains de poivre. Or, en patois occitan, poivre se dit pébré, à l’origine du mot. 

Le hasard : Hilaire de Chardonnet se trouvant dans la région lyonnaise afin d’étudier en détail la technique de la sériciculture, fut embarqué dans la tourmente de la péribrine. Il étudia différentes solutions permettant à cette industrie de se rétablir et, finalement imagina un stratagème ingénieux mais réalisable à long terme.

Tout est bien qui finit bien  

L’industrie de la soie fut sauvegardée, bien que Pasteur et Chardonnet soient arrivés à des conclusions différentes.

Pour Pasteur, un traitement préventif s’avérait nécessaire pour prévenir la transmission  de la maladie : respect des règles d’hygiène et séparation des métiers de sériciculteurs et graîneurs. 

Le saviez vous ?  Des recherches de Louis Pasteur sur les maladies du ver à soie naquit un concept novateur qui fut appliqué dans le domaine médical au niveau de la prévention des maladies contagieuses entraînant des progrès décisifs.      

Chardonnet, proposa une solution radicale préconisant la fabrication d’une matière artificielle, substitut mi-végétal mi-chimique imitant la soie naturelle à partir de nitrocellulose. C’est ainsi que naquit, quelques décennies plus tard, la première fibre artificielle baptisée soie Chardonnet.


LE LOUP DANS LA BERGERIE 

En voulant sauver l’industrie de la soie, Chardonnet présida à la naissance d’une nouvelle industrie, celle des fibres textiles chimiques. Le succès aidant, ces alternatives artificielles à la soie naturelle allaient devenir des concurrentes.  


PREMIER MAILLON D’UNE LONGUE CHAÎNE                             

La recette originelle de la soie Chardonnet : écorce de murier (procédé nitrocellulose dans un mélange esther/alcool) duquel résulte un produit trop inflammable qui sera modifié,  ouvrant la voie à l’acétate, cupro, viscose et, plus tard, aux polyamides, polyester et Cie.  


LES CODES ONT CHANGE, PAS LE PUBLIC

La musique atonale ou dodécaphonique, jadis révolutionnaire, est devenue, au XXIe siècle, un grand classique avec des maîtres respectés comme Alban Berg ou Scriabine. Aujourd’hui, les outils numériques ont permis l’éclosion d’une musique électronique. Les fibres artificielles novatrices, voire excentriques avant-hier, sont de nos jour, des articles classiques.

L’accueil du public n’est pas surprenant, une admiration sans borne pour les uns, un insolent mépris pour les autres. Cependant, la permanence de la diversité des offres s’accorde avec celle du public.


DES NOTES ET DES FIBRES ALEXITHYMIES ? 

Les sentiments, les émotions sont  exclus  volontairement dans la musique dodécaphonique comme dans les tissus en fibres chimiques. Les sonorités n’incitent pas à la rêverie, la matière n’incite pas à la caresse.   


LE BEMBERG®, UN INTRU DANS DE CE CAPHARNAMUM TEXTILE 

Le saviez vous ?  Une fibre est une substance filamenteuse caractérisée par sa longueur discontinue. Un filament est une fibre de longueur continue, dont l’origine est évidemment chimique (artificielle ou synthétique). Un fil est constitué de fibres rassemblées pour former une structure robuste, utilisable dans la fabrication de textiles. Si le cupro est une fibre, le Bemberg® est un tissu. Le nom Bemberg  est une marque déposée. 


NUL N’EST PROPHETE EN SON PAYS                                                         L.H. Despeissis, un ingénieur français fut à l’origine du développement de la fibre cupro ammonium. Le filament est obtenu par la dissolution de la cellulose régénérée dans une solution ammoniacale à base d’oxyde de cuivre. Le collodion est filé dans l’eau, puis le filament passe dans un bain d’acide sulfurique afin de le durcir et d’éliminer l'oxyde de cuivre ammoniacal.   


DE PERIPETIES EN PÉRIPECIE, LE  BREVET DU CUPRO PASSE DE LA FRANCE À L’ALLEMAGNE 

Le brevet de la soie au cuivre intitulé « nouveau procédé de préparation de soie artificielle » fut déposé en France en 1890, mais Despeissis mourut sans avoir eut le temps de l’exploiter.

Le brevet français tombé dans le domaine public, M.Frenery, chimiste allemand et J.Urban, ingénieur autrichien, déposèrent en 1897, un brevet de filage d’une solution de cellulose dans la liqueur Schweitzer, constituant une fibre destinée à la fabrication de filaments pour lampes électriques.       En 1892-1896, les anglais Cross and Bevan, déposèrent le brevet de la viscose. En utilisant la cellulose issue de la pâte à bois et des solvants peu couteux, le succès commercial de la viscose entraîna la fin de l’aventure française de la soie au cuivre  dont le coût de revient ne pouvait rivaliser avec celui de la viscose.                                           

En 1897, un nouveau brevet fut déposé par Frenery et Urban avec une formule améliorée redonnant un avenir à cette soie au cuivre appliquée au domaine textile. 

 

LA SOIE CUPRO-AMMONIACALE BEMBERG®

L'histoire de la firme qui donna nom à un tissu commence en Allemagne en 1792  avec Johann Peter Bemberg qui tient à Edelfeld un magasin de tissus. En 1898, la société accueille des actionnaires. En 1900, l’arrière petit-fils du fondateur de l’entreprise, sans doute un visionnaire, installa au sein de son entreprise, un laboratoire de recherches consacré au développement de la fibre cupro-ammoniacale dirigé par Thiele, technicien et Elsaesser, chimiste. Leur but était de produire industriellement un fil fin, extensible et solide en toutes parts, similaire à la soie naturelle. 


LES COUPS DE GENIE  DE THIELE

Il préconisa l’utilisation exclusive de la  cellulose du linter de coton et un filage suivit d’un  étirage lent de la fibre en milieu humide afin de lui conférer des qualités intrinsèques de souplesse et de lustre modéré.

En 1904, un brevet fut déposé, perfectionné en 1908, par l’utilisation exclusive du linter de coton, une cellulose pure, une matière économique qui se dissout à la perfection dans une base cupro-ammoniacale.   

Le saviez vous ? le linter est le duvet constitué de fibres très courtes demeurant attachées sur les graines de cotonnier après égrenage. Cette cellulose pure n’était pas exploitable industriellement, les fibres étant trop courtes pour être filées. Considérés comme rebut, ces  déchets étaient inutilisées avant le cupro Bemberg. Ainsi, l’emploi de ce reliquat de coton  fut désormais rentabilisé par l’industrie textile.  

Comme toutes les fibres artificielles, le Bemberg® dernière génération est, par nature, une fibre cellulosique mais chimiquement modifiée. 

Le saviez vous ? La cellulose est régénérée, c’est-à-dire transformée par une succession d’opérations chimiques et physiques.                   


POINT FINAL ? PAS POUR TOUS !
En 1910, la production de la soie au cuivre cessa, à l’exception du cupro Bemberg.

 

L AVENTURE CONTINUE POUR LE CUPRO BEMBERG

La société mère J P Bemberg a finalement disparu après une série de fusions et de cessions. En 1950, une unité de production s’installa aux USA et, depuis 2015, la fibre cupro Bemberg™ est produite au Japon  par la société Asahi Kasei Corporation.


LE BEMBERG®, UNE ETOFFE SANS FAUSSE NOTE

Ce tissu échappe avec insolence à ce discours atonal et tactilement insipide. Son toucher doux et lisse et sa  souplesse sont des atouts incomparables lorsqu’il est employé en doublure, Avec un lustre moins prétentieux que celui de l’acétate, il se laisse cajoler contrairement à un nylon. C’est un tissu plaisir tactilement et visuellement.


EN APARTE

J'entends parfois une mélodie techniquement parfaite  s’échapper  de la poche de mon manteau, crées par le frottement de ma main  sur la doublure. Dans mon imaginaire fort étoffé j’en convient,  ces sons métalliques pourraient venir de la  vibration  des cordes d’une harpe effleurées par des doigts agiles Une partition qui  traduit toute l'ambiguïté d Bemberg qui sait gommer son origine artificielle en offrant une apparence étonnamment naturelle. Mes sonorités Bemberg  sont hautes, claires, distinctes, aiguës par instant, et surtout joyeuses telle une sarabande de couleurs qui traverse les airs.


L’ENVERS VAUT BIEN L’ENDROIT

Sur le marché des doublures, le Bemberg® est classé dans la catégorie luxe, en concurrence avec le pongé de soie. Bien que très élégant, il n'est jamais au premier rang sur les photos, il tient à la perfection ce second rôle ce qui n’est généralement pas le cas pour les doublures. Parfois l’envers d’un vêtement doublé avec du Bemberg mériterait la lumière.


AMICALEMENT VOTRE

En doublure de manche pour les manteaux c’est un plus ; il n’entrave pas les glissades. En doublure de jupe, il n’engendre pas d’électricité statique, donc ne colle pas sur les collants, ne prend de faux plis si désagréables. Un petit conseil d’entretien : le tissu peut être lavé en machine à 30°C et séché à l’air libre puis, si nécessaire, repassé légèrement pour une complète remise en forme. 

Son prix abordable et sa solidité permettent des utilisations occasionnelles comme des déguisements ou des décors festifs ponctuels. Le Bemberg est proposé dans les rayons doublure dans une large gamme de couleurs vives.  

Pour tout cela, j’avais à  à coeur vous faire découvrir cette pépite textile.   


LE MOT DE LA FIN ? 

Naît du coton, brille comme la soie. Slogan signature de l’entreprise Asahi Kasel. 


jeudi 28 mars 2024

DES GOUTS ET DES COULEURS PANTONE suite

 UNE COULEUR METAPHORIQUE

Avant de devenir the color of the year, Peach Fuzz était un anglicisme désignant  le duvet, ces poils fins et doux qui poussent souvent sur la peau du visage,  semblables au duvet qui couvre la peau des pêches. La couleur 13-1023 de Pantone Color Institute est, par conséquent, une métaphore comparant la fine et douce pilosité faciale à la délicate couleur rose pâle ou beige rosé de la peau veloutée d’une pêche arrivée à maturité.

Si, au premier abord,  duvet de pêche semble être une caractéristique tactile plutôt qu’une couleur, dans certains contextes, l’expression peut allègrement contourner cet obstacle pour se fondre dans les nuances de la peau de pêche.   


UNE QUIRIELLE DE SYMBOLES

La rose aux innombrables nuances et au parfum délicat évoque l’amour, la passion, la beauté, l’élégance, le romantisme, la féminité, la délicatesse, alors que  ses épines peuvent marquer la complexité de la vie et des relations humaines.

"Dans chaque âme, il y a une myriade de nuances, des teintes les plus sombres aux éclats les plus lumineux, formant un tableau complexe et unique." - Carl Jung


LE  REVERS DE LA MEDAILLE  

Ce duvet naissant aussi doux et léger qu’il soit, peut être perçu comme indésirable esthétiquement. Un point de vue qui va à l’encontre des valeurs prônées par 13-1023. Au regard de cette comparaison, il semble que le choix, non pas de la couleur mais du nom, soit peu flatteur. 

Rare exception à la règle, Frida Kahlo fit de sa pilosité un élément distinctif de son apparence.

  

LES AFFRES DE LA TRADUCTION

En français “peach fuzz“ est traduit littéralement par “duvet de pêche“ mais peau de pêche serait plus adéquat quoique l’expression fasse davantage référence à la texture qu’à la couleur.      


UN ESPERANTO COLORÉ ?

Des études ont démontré que les couleurs ont la capacité de communiquer des émotions, des sensations et des significations sans l’intervention de mots.

 

CQFD                                                                                                        La couleur est un instrument de communication universelle entre les peuples indépendamment des langues maternelles.

"La couleur influence directement l’âme." Wassily Kandinsky


EN APPARTÉ

La couleur de l’année est considérée comme un système de communication   universel mais sa résonance émotionnelle est-elle universelle ? J’aimerais le croire comme Louise Bourgeois, mais parfois j’en doute.

« La couleur est plus forte que le langage » Louise Bourgeois   

Bien que la pêche soit largement cultivée et consommée dans le monde, ce fruit n’est pas universel dans sa distribution et sa consommation. Par conséquent, qui n’a jamais vu ou mangé une pêche ne peut imaginer la couleur peach fuzz.

                                                                  

LA COULEUR, UNE EXPÉRIENCE SUBJECTIVE 

Chacun est en mesure de percevoir les couleurs légèrement différemment en fonction de facteurs tels que la physiologie de l'œil, les expériences passées et les influences culturellesCeci explique les variations dans la façon dont les gens perçoivent et décrivent les couleurs.

Le saviez vous ? La couleur est une perception visuelle subjective qui résulte de la façon dont notre cerveau interprète les différentes longueurs d'onde de la lumière.


LES SUBTILITES LINGUISTIQUES

Teinte : c’est ce qui distingue une couleur d'une autre, c’est la couleur de base.  

"Le rouge est la première note de la musique." Wassily Kandinsky                Le ton ou valeur d'une couleur, correspond à son intensité qui varie en fonction de la quantité de lumière qu'elle réfléchit ou émet. Une couleur peut être divisée en plusieurs tons "vif", "terne", « pâle". Pour définir la tonalité d'une couleur, il faut parfois avoir recours à une description subjective qui capture les subtilités visuelles.

"Dans chaque couleur, il y a un ton de vie, un ton d'espérance, un ton de bonheur et un ton de mélancolie." - Raoul Dufy                                           La nuance est la variation d’une couleur qui dépend de son degré de saturation.  Si l'orange est une nuance de rouge, le turquoise une nuance de bleu, le gris, à lui seul, possèderait au moins 50 nuances !

“La beauté de la nature réside dans ses innombrables nuances de couleur." - John Ruskin


L’INFINI VARIÉTÉ DES MOTS DE LA COULEUR

Les multiples facettes de la couleur se distinguent par une  variété de  qualificatifs.                                                                               

Luminosité : Clair, sombre, brillant, terne, lumineux, opaque.                 Saturation : Vive, éclatante, intense, pâle, pastel, saturée, fade.     

Ton : Chaud, froid, neutre, vif, doux, profond, subtil. 

Texture : Doux, rugueux, mat, brillant, métallique, chatoyant.

Qualités visuelles : Transparent, translucide, iridescent, nacré.

Associations symboliques : Énergique, apaisant, romantique, mystérieux, luxueux, naturel                                                        

Origine naturelle : Terreux, aquatique, végétal, minéral, céleste.

Composition : Monochrome, multicolore, dégradé, contrasté.           

État d'esprit : Dynamique, calme, équilibré, audacieux, réconfortant.

Sensations physiques : Chaud, froid, frais, chaleureux,

En gras, les mots qui, selon moi, définissent the color of the year 2024


UNE COULEUR AUX TONALITES NUANCEES

La complexité de ce 13-1023 qui tient une place de choix dans la palette des « nude » largement présente dans les produits de maquillage, n’apparait pas d’emblée. En poussant un peu plus loin le curseur de ma curiosité, les nuances  apparaissent petit à petit : 

Peach est le terme général utilisé pour décrire la couleur principale qui est celle de la chair d'une pêche mûre. La couleur “peach“ varie d'une teinte très claire à une teinte plus vibrante. 

Peach Fuzz : une couleur douce et délicate de rosé mêlée d’un soupçon d’orangé. Peach Skin : c’est la tonalité de la peau d'une pêche, couleur riche et profonde qui varie en intensité, généralement associée à des teintes plus chaudes et plus saturées. 


A LA RECHERCHE DU JUSTE TON

Du point de vue de l’arboriculteur la tonalité du 13- 1023 a, pour référence, la peau de la pêche qui varie en fonction de l’origine et du degré de maturité du fruit, entre le rose jaune et l’orangé. 

Du point de vue du décorateur, la tonalité peach fuzz varie en fonction de son exposition à la lumière entre le rose teinté de beige, le rose orangé, le rose pâle… 

 

PAS DE VAGUE POUR LE GRAND SHOW CHROMATIQUE ANNUEL

Dans un contexte culturel mondial pour le moins déstabilisé voir désenchanté, les raisons du choix de la couleur 2024 sont d’une logique implacable. 


UN VENT D’OPTIMISME  

La couleur « duvet de pêche » peut se transformer en une expérience sensorielle que j’estime favorablement positive : 

Gustative : une référence à la délicatesse de ce fruit - 

Tactile : une invitation à manipuler la texture duveteuse de son enveloppe. Visuelle : un clin d’œil aux lignes courbes et à la rondeur de ses formes. 

Olfactive : une fragrance gourmande et estivale de pêche arrivée à maturité. Auditive : le bruit léger et subtil du croquant. 


UN CHOIX, A PRIORI, CONSENSUEL                                                          Le message coloré véhiculé par cette teinte est la bienveillance. La douceur poudrée se propose d’offrir à nos environnements un moment d’apaisement, de calme sinon de sérénité, que ce soit dans la décoration, la mode ou d'autres domaines. Si les valeurs symboliques et culturelles des couleurs différent selon les sociétés et les individus, la douceur et la subtilité de peach fuzz font apparemment consensus. Cette teinte polyvalente s’adapte à une grande variété de goûts et de styles, indépendamment du statut social.

ACCORD PARFAIT                                                                                      Partant du postulat que la couleur peut influencer notre humeur, nos émotions et nos décisions elle devient créatrice d’atmosphères et, le cas échéant, suscite des réactions émotionnelles : Tendresse - Charme - Subtilité - Apaisement - Chaleur - Sophistication - Intimité. Ces mots captent les différents ressentis provoqués par la couleur « duvet de pêche », que ce soit dans la décoration, la mode ou d'autres domaines.                                                                                                           

UN LIBRE ARBITRE SOUS INFLUENCE                                                        Le choix de la couleur de l’année tient en haleine les industriels du monde entier. Son impact est perceptible dans d’innombrables aspects de la conception visuelle, du marketing et de la création de produits dans divers secteurs.

EN APPARTÉ

Bien que la couleur de l’année fanfaronne sur tous les continents et dans des domaines très variés, n’oubliez pas que le consommateur reste libre de s’affranchir de ces diktats pour créer une palette colorée à son image et de préférer le carmin, même si le gagnant est le jaune citron !