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mercredi 24 décembre 2014

LES DESSOUS DU CHANDAIL

Normalement, ce soir il devrait neiger,  au moins faire froid et, normalement, on devrait se couvrir, porter de gros pulls en laine, pour être bien au chaud devant la cheminée en attendant le Père Noel ! Mais voilà, cette année il ne fait pas froid, il ne neige pas ou peu en France! Alors, quitte à ne pas enfiler votre plus chaud tricot, pull ou sweater, je vous donne les clés du chandail.
Si par hasard vous trouvez demain matin un chandail au pied du sapin, ne vous étonnez pas, le Père Noel aura peut être lu mon post ce soir  Et joyeux Noel à tous!
Le mot chandail est un aphérèse ! Une figure de style qui ampute un mot d'une syllabe en général la première. Ainsi le marchand d'ail réduit sa voilure pour devenir le chandail.
Mais quel rapport entre un colporteur d'ail et ce vêtement ? Eh bien voilà. L'histoire commence dans le ventre de Paris au XIXeme siècle, c'est-à-dire  dans les Halles de Baltard.

Cette fois encore plusieurs hypothèses circulent à propos de l'origine du mot.
Je vous en  livre deux, ensuite libre à vous de choisir celle qui vous semblera la plus plausible.
N°1
La vente des produits de bouche débute dès l'aube et l'hiver le froid oblige les marchands à se couvrir. Les maraîchers adoptent de gros pulls en laine, confortables et amples qui n'entravent pas leurs mouvements, le plus souvent tricotés par leurs épouses. Ces vendeurs de légumes sont appelés marchands d'ail, et pour cette raison,
par métonymie, on nommera leur tricot des "marchandail" qui dans le langage populaire deviendra chandail.
N°2
Dès l'aube la foule est là, le bruit résonne sous ces vastes halles, le vacarme est assoudissant et pourtant il faut s'annoncer, se faire entendre pour vendre sa marchandise. Pas encore de micro, de sono, alors il faut hurler. C'est ce que font les vendeurs d'ail. Leur rengaine n'est pas marchand d'ail mais simplement chandail ! La première syllabe se perdant sans doute dans le brouhaha ambiant. Peut être que certains d'entres vous se souviennent des cris des marchands ambulants qui résonnaient encore dans les rues de Paris dans les années 50 :  ainsi le vitrier avec son fardeau de vitres sur le dos criait-il  viiiitrier pour annoncer sa présence. C'est ainsi que par analogie, on nomma chandail le tricot épais porté par les maraichers et spécialement les marchands d'ail.

LE GAMSOU DE GAMARD ?
Mais qu'est-il donc arrivé entre le gros pull sans bouton, à manches longues, à col montant, qu'o enfile par dessus la tête, tricoté en grosses mailles de fabrication artisanale et le chandail fabriqué industriellement ?
Le chandail à suivi à peu près le même chemin que le marcel, maillot de corps des forts des halles qui devint le marcel commercialisé par les établissements Marcel.
Le chandail va, lui aussi, devenir un article incontournable, porté à la campagne ou dans les villes. Vers 1880, monsieur Gamard, industriel amiénois, décida de produire industriellement un modèle de tricot copié sur celui que portaient les maraichers :  un tricot sans bouton, assez ample, que l'on enfile par dessus la tête.

LA RECETTE : UN PEU DE GARMARD, UN SOUPCON DE SWEATER
Si la commercialisation rencontre un vif succès, ce n'est pas le cas du nom donné au produit : Gamsou. L'industriel voulant rester dans la course, utilisa les trois premières lettres de son nom et la première syllabe du mot anglais sweater (souiter en français suer). L'idée était bonne, le sweat-shirt est un vêtement qui devint très populaire. Généralement en coton gratté sur l'envers, la transpiration est ainsi absorbée, procurant un certain confort à celui qui le porte sportif ou non. Ce fut un produit "première génération"  le vêtement pouvait gratter, il séchait lentement. Ces inconvénients sont aujourd'hui oubliés, le marché  propose quantités d'articles  de plus en plus techniques, respirants, légers, anti u.v, imperméables et chauds...etc sans compter les innovations à venir.
L'idée de Monsieur Gamard de mêler son nom à un mot venu d'Amérique, était du point de vue de l'image du produit  très en avance. En effet  l'association du tricot paysan avec le sweat utilisé par la jeunesse sportive d'outre Atlantique donne au  chandail plus de modernité et surtout,  dynamise les ventes en diversifiant  la clientèle.
Mais le gamsou ne restera pas dans l'histoire. Monsieur Gamard  reviendra à une conception moins avant gardiste et plus commerciale  en reprenant le nom de chandail.  Aujourd'hui le mot est désuet,   au point  qu'on  en oublierait  son origine paysanne. Il a fait son entrée officielle dans la langue française en 1894.

LE SPORTWEAR ADOPTE LE CHANDAIL
Au début du XXeme siècle, les activités de plein air, le vélo et les jeux de ballons, réclament un vêtement adapté à ces loisirs. Ce sont les prémices de ce que l'on nomme aujourd'hui le sportswear. La maille est un atout, la laine, le coton sont les principaux matériaux utilisés ; ils sont hygiéniques, confortables et fonctionnels.

Les articles en maille envahissent les rayons des magasins, mais le tricot est pour un grand nombre de femmes, une nécessité. L'hiver les gros pulls sont nécessaires, le chauffage des maisons n'est pas  parfait loin s'en faut. Bien sûr, parfois le tricot est une manière plus économique sinon ludique d'habiller toute une famille. Le tricot loisir viendra plus tard.

LA SOPHISTICATION D'UN PRODUIT POPULAIRE
La nouveauté dans ce domaine c'est l'introduction dans une société aisée d'un article issu du milieu populaire.
Le chandail va ainsi passer du monde paysan au monde citadin, il va être adopté par la haute société, on verra les vestes en maille sur les champs de courses, sur les courts de tennis .

APRES LA GUERRE LE TRICOT ENTRE DANS LES ATELIERS DE LA HAUTE COUTURE
 Avant la première guerre mondiale, Coco Chanel propose une collection osée tout en tricot. Le tout Deauville joue le jeu et c'est le succès. La maille s'aristocratise.

 Suzanne Lenglen porte haut et fort les couleurs de Jean Patou. La maille toujours la maille





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