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lundi 16 décembre 2013

PLAIDOYER POUR LES ARTISANS N°2


L'ARTISANAT : UN TRESOR  SOUS PERFUSION
Sur tous les continents, dans tous les pays, dans toutes les régions, dans tous les villages, il y a au moins un artisan, une personne que chacun connait, une personne et non une machine anonyme.
J'habite un quartier de Paris qui fut jadis celui des artisans. Le faubourg Saint-Antoine et ses environs regorgeaient de fabricants de meubles, d'artisans tapissiers, de tailleurs, de miroitiers. Les cours, les arrières-cours résonnaient de mille bruits familiers, le ronronnement de la machine à coudre du tailleur, les coups saccadés du marteau du tapissier, le bruit régulier du métronome du luthier… Ces ateliers étaient le cœur de ce quartier, ils battaient le jour et parfois même la nuit.  Aujourd'hui, ce sont des boutiques sans charme qui proposent des articles sans originalité dans des matières sans intérêt  mais avec des prix attractifs. Ces enseignes internationales envahissent les centres villes  et le pourtour des grandes métropoles de Pekin à Londres, de Paris à Tachkent, de New Delhi à Ulan Bathor, réussissant ainsi à banaliser la mode et la décoration d'intérieur. Une course au prix est engagée, mais c'est une course où forcément il y a un perdant : la qualité.

En Europe, il semble que petit à petit les citoyens prennent conscience de la précarité des artisans. On voit ça et là naître des  projets de sauvegarde de l'artisanat.
Dans quasiment toutes les grandes métropoles il existe des lieux qui ont cessé toute activité industrielle, comme d'anciennes gares ou des zones portuaires. Elles sont  réaménagées dans un esprit plus convivial que commercial. Ce sont d'excellents lieux d'exposition pour des produits artisanaux haut de gamme.
 A Paris, celui qui retient mon attention est la réabilitation des arcades sous la coulée verte plus connue sous le nom de viaduc des arts. Entre l'Opéra Bastille et la Gare de Lyon c'est une vitrine pour les artisans d'art. En effet, sur environ 1,5 km, s'étend une guirlande de 71 locaux atypiques, nichés sous des arcades en pierres. Ces écrins reçoivent autant d'artisans d'art d'ou presque (mise à part un magasin de jouets à succursales multiples, un fabricant de fenêtres et quelques autres intrus issus de l'industrie).

Alors, dans ce quartier qui fut le paradis des artisans, voilà que l'artisanat d'art reprend des couleurs, se hisse au niveau de l'excellence. Je pense qu'il est possible d'aller plus loin sans pousser jusqu'à cette extrémité que sont devenus "les marchés de Noël" avec leurs produits pseudo-artisanaux.
Créer non seulement une vitrine pour un artisanat de luxe, mais également un centre artisanal regroupant de simples artisans (sabotiers, tailleurs, tisserands). Non pas un lieu musée, mais un lieu de vraie vie, en centre ville au milieu d'une véritable clientèle.

VOYAGE  EN  PAYS "ARTISANAL"  
C'est peut être pour combler la raréfaction de la production artisanale dans notre pays que, depuis des années, je vais à la rencontre de personnes qui tissent, teignent, tricotent avec leurs mains, qui possèdent un  savoir- faire,  qui  n'oublient pas que la transmission est la pierre angulaire de leur métier. Jadis au coin de ma rue, il y avait  ces hommes et ces femmes fiers de leur créations. Aujourd'hui pour les rencontrer, il faut aller au bout du monde pour trouver de simples artisans, sans diplômes peut être mais avec un savoir faire, extraordinaire héritage ancestral.


Cette curiosité m'a permis de survoler la chaîne himalayenne
et de voir le lever du soleil au dessus de l'Everest

Je vois ces hommes et ces femmes  exercer leur métier avec humilité, passion, habilité, modestie, dextérité, talent et toujours cette magie,





une teinturière birmane

 Ce tour de main qui ne s'acquiert qu'avec l'expérience, rend les gestes les plus complexes si simples.

Avec application et dextérité, cette jeune bhoutanaise tisse une étoffe destinée à la fabrication de costume traditionnel.

L'ARTISANAT, UNE AUTRE IDEE DE L'ESTHETISME, 
Les artisans  sont  plus que des passeurs de savoir-faire, ils sont les détenteurs de la mémoire d'une société. Une production restreinte, souvent une personne de proximité, une traçabilité des articles, généralement des produits à la fois utiles et emprunts d'un certain esthétisme, ce sont là des éléments qui vont au-delà du consommable/jetable.  
En Equateur : un tour de main que la machine n'a pas encore pu détrôner.
Qu'il s'agisse d'une brique, d'une ceinture, d'un parapluie, d'une monture de lunette, d'une poterie, d'un métrage de tissu, d'une robe ou d'un meuble : c'est un plus d'imaginer que c'est une personne et non une machine ou un robot qui est à l'origine de ce résultat. D'ailleurs, cette habitude perdure  près de chez nous, en Irlande : les femmes qui tricotent les gros pulls "irlandais" signent leurs productions. On trouve sur une étiquette le nom, le prénom de la tricoteuse et parfois la date de la fabrication. 

Concernant l'artisanat populaire, c'est-à-dire les objets du quotidien, il faut les considérer comme des produits fonctionnels, utiles, perpétuant une certaine tradition.

QU 'EST CE QU 'UN ARTISAN?
Un artisan est un personne qui a acquis des connaissances empiriques par l'intermédiaire d'un apprentissage. 
Un artisan est une personne qui  maitrise les techniques inhérentes à son métier. 
Un artisan est une personne qui possède une certaine habileté dans un domaine précis.
Un artisan est une personne qui suit d'un bout à l'autre de la fabrication un objet, et qui le commercialise. Son travail n'est pas séquentiel, il le commence et il le termine, il assiste et participe à toutes les étapes de la création. 
Un artisan fabrique, produit, façonne des objets utiles qui ne sont pas destinés à être admirés ou exposés comme le sont des œuvres d'art.

IL Y A ARTISAN ET ARTISAN
Au fil des siècles, l'artisan à perdu de son importance, il est devenu invisible. De synonyme d'artiste à la Renaissance, c'est aujourd'hui un mot à connotation commerciale. Le mot s'applique au charcutier,  plombier,  chocolatier,  boulanger, tisserand,  coiffeur, couturier,  verrier, maçon,  fleuriste, chauffeur de taxi... Un  même mot pour tous ces métiers, tous plus ou moins manuels.  Mais il y a artisan et artisan. Ainsi trouve-t-on des apprentis artisans, des artisans, des maîtres artisans, des artisans d'art. Ces distinctions sont fonction de la qualification et de l'expérience professionnelle de chacun. 
Il existe un concours annuel pour désigner le meilleur ouvrier de France. Mais les MOF   sont-ils  tous des artisans ? La question est posée, la réponse est complexe, car ce concours ne touche pas tous les métiers artisanaux.

PRENDRE LE TEMPS 
C'est sans doute le meilleur moyen de juger de la qualité du travail d'un artisan. 
A quoi bon s'adresser à un artisan si ce n'est pour avoir ce contact avec l'auteur du produit ? A quoi bon si l'on ne veut pas se déplacer ? A quoi bon si  l'on à pas le temps ? Si l'on veut se déshabituer de la commande en ligne,  de la livraison à domicile pour un oui ou pour un non, il faut prendre le temps d'aller à la rencontre de l'autre, de prévoir le temps de fabrication et parfois compter avec des essayages et les embouteillages.

ARTISTE OU ARTISAN?
 Ce qui  différencie l'artisan de l'artiste est la maitrise d'une technique, une habileté manuelle, un savoir-faire acquis par transmission, par l'expérience, par  formation. L'artisanat est un métier sanctionné par un "diplôme".
Jusqu'au XVIIIe siècle l'artisan potier n'était pas différencié du poète, ils s'agissaient d'artistes. Art et Artisanat ne faisait qu'un. C'est d'Alembert dans son Encyclopédie qui le premier fit la distinction entre artiste et artisan. La principale différence entre l'un et l'autre c'est la finalité du produit : un objet d'art n'a pas  pour but d'être utile alors qu'un objet artisanal n'est conçu qu'en vue de son utilité.
Aujourd'hui, on distingue le sculpteur du fondeur. Le fondeur est un artisan qui va  transformer une sculpture en plâtre réalisé par un artiste sculpteur en un bronze. D'un coté il y a l'artiste, de l'autre l'artisan, que l'on qualifie également dans ce cas précis d'artisan d'art.
Ensuite on distingue le fondeur de l'ébéniste et du tisserand. Ainsi, en fonction du degré de qualification, de la difficulté des techniques utilisées et de l'importance de l'apprentissage, il y a un graduation du terme artisan. 
 Bien qu'il ne soit pas question de création au sens artistique du mot, c'est-à-dire de l'objet unique, il convient  d'évoquer une continuation, une filiation, une tradition.   
Ainsi, il est aisé de distinguer une oeuvre originale comme une peinture, d'une lithographie réalisée en plusieurs exemplaires par un artisan lithographe. Il y a dans l'art une part de spontanéité et surtout un phénomène unique, alors que dans un objet artisanal il y a pluralité, l'objet est multiple mais dans des proportions moins importantes que les produits industriels et surtout il y a le travail d'un homme ou d'une femme plus ou moins aidé par une machine, où le hand-made est majoritaire.
L'artiste, lorsqu'il commence, ne sait pas exactement comment sera  son oeuvre avant de l'avoir terminée, alors que pour l'artisan l'idée précède et régit l'exécution. Il sait dès le départ ce qu'il doit réaliser, quel matériaux il va utiliser, comment il va s'y prendre, combien de temps il lui faudra.
L'œuvre d'art procède de l'inventivité, du génie. L'objet artisanal nait de l'application d'un procédé. Cependant, ne réduisons pas l'artisanat à une simple répétition de gestes dénuée de toute réflexion et sans évolution. Ne perdons pas de vue que l'artisan ne s'affranchit pas de l'utile, mais il met dans cette utilité une part d'humanité.

A SUIVRE

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