LA CIGALINE®
LA RAISON DE LA DERAISON
L’incroyable diversité de verts qui colorent la nature à l’entrée du printemps cède sa place à la fin de l’été à un bouquet tout en nuances chaudes avec des jaunes indécis, des orangés délicats , des rouges profonds, des bruns veloutés, une gamme qui réchauffe l’atmosphère. C’est ainsi, la ronde immuable des saisons bouleverse les paysages, mais dans l’univers des étoffes il en est certaines qui bousculent la raison, qui défient les saisons, qui révolutionnent la mode en dévoilant plus qu’en voilant, la cigaline fait partie de cette catégorie.
SE RENOUVELLER POUR EXISTER A NOUVEAU
Dans l’immédiat après guerre, les couturiers et leur clientèle se satisfaisaient encore de l’offre des tisserand, liniers , lainiers , soyeux. La tradition du luxe après une période de restrictions, se perpétua certes, mais certains créateurs ressentir un besoin d’innover qui passerait par un bouleversement des codes au niveau des matières, des coupes. Obtenir des matières textiles plus en adéquation avec leur génie créatif devenait un tour de force. Certains fabricants perçurent cette demande et proposèrent de nouveatés dans les matières, les tissages , les couleurs, les imprimés. La mode une fois n’est pas coutume, allait entre 1960 et 1970 exprimer ouvertement la hardiesse d’une liberté retrouvée.
L A CIGALINE® DE BUCOL
1957 la cigaline entre dans les collections du prestigieux soyeux lyonnais Bucol. Ce fabricant depuis sa création dans les années 20 donne une place importante à la recherche au niveau des matières, des tissages, des impressions. La soie oui mais pas seulement, expérimenter les opportunités offertes par les progrès de la technologie des étoffes, apprivoiser les nouvelles matières c’est un principe inscrit dans les gênes de l’entreprise. Le nylon de ses débuts comme succédané de la soie a su conquérir la terre entière devenant un produit aux multiples facettes à la fois sophistiqué lorsqu’il s’agit de la cigaline et basique lorsqu’il s’agit de bas. Cet intrus dans le monde de la soie séduisit par son audace les nouveaux créateurs qui trouverent dans cette insolente transparence un outil à la mesure de leur talent
SOUVENIRS D’UNE MARCHANDE DE TISSUS
Si ce post existe c’est parce que j’ai eu l’occasion de faire la connaissance cette étoffe à l’époque de la boutique De Gilles Tissus. Je n’en parlerais pas ainsi, si je ne l’avais jamais vue, jamais observée, jamais manipulée. Parmi les tissus vintages que qu’il y avait dans les rayons il y avait un qui venait de la maison Bucol. La présence de ce petit rouleau à priori sans lien avec les stars lyonnaises m’a toujours intriguée. La seule matière synthétique au milieu des gazar conquérants, des mousselines aérophanes, des riches et lourdes bengalines , des taffetas changeants. Sa couleur si particulière lui donnait un avantage certain sur les autres rouleaux, attirant le regard par sa « cruditié », un jaune tirant sur le vert, mais pas vert anis ni jaune citron, non, une couleur sortie d'une palette de peintre, un fantôme de pantone improbable qui jurait avec les classiques off white, les bleus ciel de Paris, les rouge gorge de pigeon. Probablement issu d’ une première mouture sortie des ateliers Bucol et perdue parmi les soies ! Je me suis dit que je devais partager « les fruits de ma passion » en l’occurrence le résultat de mes recherches sur ce petit bijou, réponse concrète d’un fabricant aux créateurs en quête de nouveautés, désireux de briser les codes de la bienscéance, jusqu’au point de non retour des « nus habillés » de YSL
IMAGINE !
L’imaginaire est ma manière de comprendre les étoffes, de parler chiffon, de m’amuser avec la géométrie de ces innombrables combinaisons d’entrecroisements de fils .Une façon ludique de découvrir des messages subliminaux, de fantasmer sur le fil. Devenu un collector, ce tissu n'est plus fabriqué. Malgré son délicieux nom, il ne nous reste que son souvenir et encore.
UNE ETOFFE FACETIEUSE
Si d’ordinaire, les tissus synthétiques incitent peu à la rêverie, ne réjouissent guère nos sens et encore moins nos papilles, la cigaline fait exception, elle est hypnotique, elle possède une dimension hors cadre.
Une fragance estivale
Travailler un métrage de cigaline® c’est comme tenter de toucher un mirage. La « cymbalisation » des cigales mâles, un bruit plus qu’un chant qui parait avec les premières chaleurs de l’été pour disparaître avec la fraîcheur du vent d’automne. Alors avant que s’évanouisse l’image, en l’espace d’un instant les milles et une subtilités de la cigaline® vont s’offrir aux curieux. Comme par enchantement, en manipulant un métrage de cigaline, les flots odorant des champs de lavande viendront titiller les narines,
Une mélodie éphémère
Trravaille la cigaline c’est s’octroyer une pause musicale, le froissement de la fibre distille à qui prête une oreille attentive, un son furtif, une mélodie éphémère pareille à un froissement d’ailes, qui s’éteint dans un long soupir dès que la main rend sa liberté à l’étoffe
Une illusion assumée
Travailler la cigaline c’est tomber dans un piège visuel. Les rides crées par un réglage minutieux destiné à créer un différentiel de tension entre les fils de chaîne et de trame, confèrent à la texture un mouvement ondulant , presque rien de palpable, qui ne se révèle sa présence qu’au dernier moment Les « nus habillés » de YSL, blouses transparentes débarrassées du carcan du soutien gorge, défilèrent sur les podium en 68 avec une bravade assumée en osmose avec la période insurrectionnelle. Un demi siècle plus tard ne subsiste que l’image de la création artistique.
UN TISSU PRODIGIEUX AUX MAINS DES PRODIGES DE LA MODE
Comment se faire une idée concrète d’un article qui ne se fabrique plus, que l’on ne peut voir que sous la forme d’un vêtement vintage vendu aux enchères ou exposé dans les musées ? On imagine à l’énoncé de sa définition courante un banal nylon cloqué. La nuance, tout est dans la nuance, dans le dosage parfait entre un crêpe et une mousseline. Le premier confère un relief et le second offre sa souplesse. Le tour de main, voilà le secret de la réussite de cette recette
UNE TECHNICITE REDOUTABLE
A premiere vue ce pourrait etre un voile de nylon cloqué, peut être une mousseline gonflée de certitude, assurément un tissage aérien doté d'une structure gaufrée qui autorise des formes construites. La technique se rapproche de celle du seersucker l’effet bosselé est obtenu avec des fils de polyamide de retrait différents en chaine et en trame
Ce tissu synthétique est si fin qu’il peut être qualifié d’invisible, si léger qu’il peut être confondu avec un mirage, et sous une apparente fragilité se cache solidité inattendue conférée par les qualités extraordinaires du nylon
Le relief imperceptible permet au tissu semble flotter sur la peau en la frôlant à peine. C’est ce petit rien qui change tout, il suggère par une transparence ambigüe la présence du corps, le grain de la peau peau sans pour autant tout dévoilée Ce tissu diaphane couvre la peau sans la dissimuler totalement, le résultat est conforme à son idée
A SUIVRE
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