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mercredi 31 mars 2021

 

LES MOLAS UNE AFFAIRE DE FEMMES SUITE

LA PUISSANCE DU LANGAGE VESTIMENTAIRE
Au début du XXe siècle, le gouvernement panaméen tenta d’interdire aux femmes kunas le port des chemises ornées des molas, considérant qu’elles arboraient le symbole de leur identité culturelle, action jugée comme un acte d’indiscipline. Cette sanction n’était pas une nouveauté pour les tulés car, au  XVIe siècle, sous la pression des  européens, les peintures corporelles avaient été interdites.  Orner  les chemisiers de molas étaient devenu  un moyen de résistance passive vis-à-vis du pouvoir en place.
Les motifs volontairement naïfs pour les étrangers véhiculaient des symboles, représentaient des personnages héroïques ou illustraient des légendes que seuls les initiés pouvaient décrypter. Cet interdit provoqua de vives réactions, les indiens se sentant opprimés par les forces gouvernementales.
La révolte du peuple Kuna éclata en 1925 et le gouvernement  dû  céder, octroyant à ce groupe ethnique un  régime d'autonomie territoriale, qui perdure encore en 2018
On sous-estime trop souvent le   pouvoir  du vêtement dans l’histoire. Les exemples ne manquent pas mais ils feront l’objet d’un autre post.

 










COMMENT LE MOLA EST IL DEVENU UN PRODUIT DE COLLECTION

C'est le canal de Panama qui est à l'origine du succès des molas. En effet ses répercussion sur l'histoire, le commerce, l'économie sont importantes. Les étrangers sont arrivés en grand nombre au Panama à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, certains pour travailler sur le chantier géant, et d'autres par curiosité. C'est parmi les curieux que l'on trouve les premiers amateurs de molas. C'est en voyageant un peu dans la région qu'ils découvrent ce groupe ethnique qui avait peu de contact avec les occidentaux, ils vivaient à l'écart, dans la foret. 
A cette époque les molas n'étaient pas un produit commercial, tout au plus les femmes qui les fabriquaient les utilisaient comme monnaie d'échange au sein de leur groupe, lorsqu'elles ne les utilisaient pas pour leur propre compte. 

Parmi les étrangers qui se pressaient à Panama se trouvaient des  collectionneurs qui furent séduits par ces articles authentiques et originaux. Les collections privées de molas  à travers le monde sont  peu nombreuses, mais elles sont généralement constituées   des molas anciens, "utilisés" ;  les couleurs de base sont le rouge foncé, l'orange, et le noir,  le support textile est en coton, les motifs sont complexes et  n'ont rien à voir avec les articles modernes fabriqués pour les touristes
C'est un parcours similaire à celui des ikats d'Ouzbekistan.


L'INFLUENCE NEFASTE DU TOURISME SUR L’ARTISANAT
Aujourd’hui, le tourisme risque de détruire une activité artisanale car, devant la demande sans cesse croissante, la qualité des molas diminue inéluctablement. Le coton n’est plus qu’un souvenir, les colorants naturels sont oubliés, les différentes épaisseurs sont assemblées à grands points, les messages ne sont plus masqués et se jouent des travers de notre civilisation (image de foot, de produits de consommation occidentaux apparaissent). Une question se pose ici comme partout dans le monde, s’il en était autrement,  si la qualité était préservée et le  prix plus élevé les ventes diminueraient-elles ?



Je pense malheureusement que ce que les panaméens cherchaient à éradiquer au début du XX e siècle,  à savoir la perte de l’identité d’un peuple, est en train de se produire sans l’usage de la force, mais uniquement par une surproduction insipide et grossière. Ce sont les femmes Kunas qui, elles mêmes, sans s’en rendre compte, vont à l’encontre de leurs convictions, rendant caduque la lutte de leurs ancêtres. Leur production ne doit pas s’adapter à la demande ; le contraire me semble une évidence.


DEVENIR UN TOURISTE RESPONSABLE POUR UN COMMERCE EQUITABLE
Nous, touristes, voyageurs curieux  nous avons une action à mener.Ne nous contentons pas de rapporter un souvenir de voyage, mais apprenons à connaître ceux à qui l’on rend visite, ne dénaturons pas ce qu’ils ont de plus précieux, leurs traditions, leur culture.  Maintenir l’authenticité des produits artisanaux  ici et ailleurs, est un devoir pour l’étranger de passage et une nécessité pour les autochtones. Le travail et le savoir- faire ont une valeur certaine et la morale voudrait que nous l’acceptions ou que nous passions notre chemin.
Refuser de prendre part à cette mascarade que sont devenus les marchés artisanaux qui fleurissent un peu partout  depuis l’apparition du tourisme de masse, ne pas acheter ces objets de qualité médiocre qui ne véhiculent aucune émotion, qui ne sont pas uniques mais multiples,  c’est  aider les artisans à  produire selon des méthodes ancestrales sans se faire déposséder par des marchands de souvenirs qui font peu cas de la survie d’une culture. Sur ces bonnes paroles je vous quitte pour aller à la recherche du plus beau des molas, celui qui se cache, celui qui m’attend quelque part dans cette région du monde. Il faut se donner la peine de chercher pour trouver.



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