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mercredi 10 mars 2021

2 LA GABARDINE :TOUTE UNE HISTOIRE SUITE (publié sur le blog étoffe.com)

 À QUI LE TOUR ?

Jusque dans les années 70, les « gabardines » étaient « ré-imperméabilisées » par les teinturiers après chaque nettoyage. Si, à l’arrivée des tissus en nylon, la gabardine perdit de sa superbe en tant que vêtement, l’utilisation de l’étoffe du même nom ne fut jamais remise en question. A leur tour, les imperméables en nylon furent largement et efficacement remplacés par les articles en microfibres. Et demain qui sera l’heureux élu ?
LE BIOMIMETISME EN ACTION
L’eau de pluie, au contact de la gabardine déperlante, se transforme en goutte ronde et dodue qui dévale la pente vertigineuse des côtes et des sillons jusqu’à chuter dans le vide sans stagner sur le tissu, évitant les risques d’imprégnation. En écrivant ces lignes, j’aperçois par la fenêtre la pluie qui tombe sur les feuilles de mes iris. Je remarque que les gouttes se mettent en boule et ruissellent gentiment au creux des feuilles lisses qui, sous le poids des perles transparentes, se courbent vers le sol pour les aider à terminer leur course sur le tapis vert de la pelouse. Nos chercheurs auraient-ils la fibre végétale ?
GABARDINE DE LAINE OU DE COTON ?
En laine, la gabardine de qualité est brillante, robuste et souple. Il faut oublier celle qui va se froisser rapidement sans avoir la force de reprendre sa forme initiale. La laine, pour vous donner satisfaction, doit être « tonique » c’est-à-dire qu’enfermée dans votre main, elle profite de l’ouverture pour sortir comme un pantin de sa boite, comme si elle était montée sur ressort ; c’est l’incidence de la frisure du poil de mouton. J’aime ces tissus percutants, vivants et solides à la fois. Le tissage doit être serré, faute de quoi des déformations aux genoux pour les pantalons, aux coudes pour les vestes, sont à craindre.
En coton, la gabardine est solide, souple mais sans mollesse. Il suffit d’un coup d’œil pour s’assurer de sa qualité : régularité des côtes et des sillons, bonne tenue du tissu en le froissant entre vos mains. Compte tenu de ces utilisations, il ne me semble pas cohérent de rechercher une gabardine de coton ostensiblement lustrée. Si tel est le but, autant choisir une autre étoffe. Les plus belles gabardines sont les plus sobres.
UN POUR TOUS, TOUS POUR UN !
La gabardine est particulièrement bien adaptée aux articles sportswear : jupes, pantalons, vestes : tout lui va. Mais attention ! C’est un tissu qui ne supporte pas la médiocrité, ni dans la matière, ni dans la coupe, ni dans les finitions.
« Si nous voulons trotter à pieds à cheval ou gravir la montagne(…) ce n’est pas à vous couturiers que nous avons affaire, mais à des spécialistes que vous dédaignez, des techniciens de la gabardine imperméable, de la bande molletière, de la bottine à ski, de la culotte de Saumur » Colette in les quatre saisons.
SUR LE RING
Il n’y a pas une mais des gabardines, chacune présentant des atouts qu’il convient d’exploiter au mieux.
Poids léger : le tissu à tendance à se froisser aisément et les vêtements doivent être doublés.
Poids moyen : adapté pour les tailleurs, vestes et les coupes structurées.
Poids lourd : convient aux coupes plutôt classiques, ce tissu étant quasi inusable, le vêtement devra survivre aux modes. Une relation de confiance se crée entre vous et votre vêtement puisque vous ferez ensemble un bout de chemin.
LA GABARDINE NE FAIT PAS BONNE IMPRESSION
En coton, laine ou polyester, les gabardines sont des tissus généralement unis, car l’impression sur une surface en relief est délicate.
UN PASSAGE PERILLEUX
Repasser un tissu en gabardine de coton ou de laine est un acte délicat. Le repassage a pour principe de faire glisser le fer sur le tissu dans un sens puis dans l’autre : passer et repasser. Le fer à repasser est lourd et chauffé afin d’écraser les coutures et les plis, ce qui est mieux adapté pour les articles en coton. Pour un lainage, la vapeur, principe du pressing, est plus indiquée. Mais toujours un fer tiède et de la souplesse dans le mouvement. Les pièces importantes apprécient vivement une visite chez un teinturier de temps à autre. Le pressing n’est pas le repassage, il rénove l’aspect d’un vêtement.
LA GABARDINE A LA PAGE CHEZ LAROUSSE
On trouve cette définition du mot gabardine dans le Larousse universel éd.1949 « long manteau à manches, imperméabilisé ».
LA LEGENDE
Je ne vous ferai pas languir plus longtemps car, pour nombre d’amateurs, la gabardine se confond avec la gabardine Burberry® devenue une icône de la mode. Certes, une légende n’est qu’une légende mais quelle histoire !
ALEA JACTA EST
Déceler le vrai du faux, c’est sortir de la légende. Alors allons-y franchement. C’est le parcours héroïque de Thomas Burberry, un anglais, sportif, créatif, ambitieux, audacieux et perclus de rhumatismes.
UNE FORMATION « SUCCESFULL »
Placé comme apprenti chez un drapier, il prit le temps de se familiariser avec les étoffes avant d’ouvrir un atelier boutique dans le New Hampshire. Sa spécialité ? La confection de vêtements d’extérieurs chauds, confortables et plus ou moins imperméables, adaptés aux efforts physiques et au climat chargé d’humidité ce qui est un doux euphémisme. Il habille des notables de la région, des sportifs et ses amis chasseurs. Le succès aidant sa boutique devient un “grand magasin“.
LE MAC SUR LE DOS REMIS EN QUESTION
Dans les années 1860-70 l’imperméable macintosh ou mac était ce qui se faisait de mieux. Taillé dans une toile de coton enduite d’une couche de caoutchouc, il était réellement imperméable à l’eau et à l’air. Cette qualité le rendait inconfortable pour de multiples raisons : la transpiration n’avait aucun moyen de s’échapper, l’enduction caoutchoutée augmentait le poids du vêtement, une mauvaise odeur se dégageait de l’ensemble et, cerise sur le gâteau, par forte chaleur, le caoutchouc avait tendance à fondre. Une prescription médicale intima à Monsieur Burberry l’ordre de se séparer de son mac qui lui faisait plus de mal que de bien alors que ses crises de rhumatismes récurrentes le contraignaient à se protéger de l’humidité ambiante.
CHERCHER UN SUBSTITUT
Les tissus techniques existants n’étaient pas à la hauteur de ses espérances, d’ailleurs il y en avait très peu. Ce marché était ouvert et attendait que quelqu’un s’y intéresse.
DES ESSAIS
N’ayant ni l’intention de quitter la campagne pour la ville, ni de laisser la pluie accentuer ses douleurs, il fit de nombreuses tentatives pour obtenir un tissu léger, chaud et imperméable. Ainsi débuta l’histoire de la gabardine Burberry.
LA PUCE A L’OREILLE
C’est en croisant un berger vêtu d’une grossière chemise en lin qui ne semblait nullement gêné par la pluie que l’idée germa dans l’esprit de Thomas Burberry. A priori, la chemise était devenue quasiment imperméable à force d’être en contact avec les moutons. Le suint, substance graisseuse présente dans la laine des moutons qui rend la toison imperméable, avait probablement imprégné le vêtement.
LE GRAAL
Partant de ce constat, il mit au point une étoffe légère, chaude, imperméable et respirante, en améliorant les qualités naturelles d’une gabardine de laine. Au lieu de déposer un apprêt sur la surface de l’étoffe comme le fit Macintosh, chaque fil était enduit d’une substance hydrophobe avant le tissage.
1888 : Le procédé de la gabardine imperméable Burberry est breveté. Plus tard, appliquée sur une gabardine de coton, cette technique apporta un confort supplémentaire, les vêtements étant plus légers.
LES HEROS S’AFFICHENT EN BURBERRY
Au début du XXe siècle, les équipements proposés aux sportifs de haut niveau, aux explorateurs, aux navigateurs, aux alpinistes n’étaient pas suffisamment fiables techniquement pour résister aux efforts physiques, et affronter des températures extrêmes dans des conditions de confort acceptables. La gabardine Burberry, permit à l’homme de réaliser des exploits en se rapprochant des pôles, en gravissant les plus hauts sommets, en survolant la terre en montgolfière. Le vêtement lui même relevait de l’exploit mais l’étoffe était d’une efficacité redoutable pour les tentes et sacs à dos. Burberry® circule depuis dans le monde entier, jusqu’à devenir un nom presque commun. Le roi Edouard VII demandait par habitude qu’on lui apporte “sa burberry“. L’apprenti drapier Thomas Burberry de Brockham devint Sir Thomas Burberry of London. Quant au trench-coat, c’est encore une autre histoire.
UN AUTRE REGARD
Plus qu’un tissu, plus qu’un vêtement, la gabardine est une histoire à elle toute seule.

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