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mes tissus

vendredi 8 juillet 2011

Une fugue textile. Un joi moment à partager entre amis

Aujourd'hui il pleut sur  Paris et la ville  est triste.
jamais vraiment triste parce qu'après la pluie le beau temps et l'arc en ciel est la première note d'un univers coloré qui appartient aussi au monde des tissus.
Le ciel est gris, les rues désertes et les trottoirs étrangement calmes.
 Ce sont les parisiens qui font Paris et les voilà sur les routes, dans les avions, visitant les autres capitales, vagabondant dans les prairies du bout du monde, se  passionnant pour les animaux de la savane. Ils désertent cette ville vidée de son âme.
Les rues sont tout de même bruyantes, les monuments bondés, les théâtres vides. Comme la vraie vie me manque dans ma ville. Il y a du monde, des visiteurs, des gens de passage. Cette foule peuple les rues, les musées, les bus, mais elle est fantomatique. Aujourd'hui ici, demain ailleurs, et moi Paris je l'aime tout le temps. Si Paris au mois d'Août est une récompense pour ceux qui restent ou pour ceux qui viennent découvrir ses trésors, moi j'attends avec impatience le mois de septembre, pour retrouver  son authenticité.









J'ai décidé de colorer cet univers quelque peu déshumanisé, avec du rêve, des matières et de sons bien inhabituels. C'est une divagation  musicale, composée de notes tirées de mes plus beaux souvenirs textiles. Et pour débuter, c'est une véritable symphonie que nous  joue la soie.

Des notes claires et des tons forts, un ensemble harmonieux et joyeux. Le  célébre cri du taffetas que l'on coupe. Attention pour obtenir cette note cristalline , il faut être expert. Les ciseaux en main c'est d'une seule traite que les lames vont traverser la largeur du tissu,  en une seule fois, d'un geste décidé  pas de repentir,  pas de reprise sinon le rythme est cassé. C'est le clairon, la trompette.

Cependant, la soie nous réserve bien d'autres surprises. Un rien snob quand elle brille de tout ses feux, quand elle fait son grand jeu, quand elle est soliste et c'est le satin duchesse

tissus somptueux, rare, sensuel, luisant dans les plis  duquel on peut se perdre à jamais
 L'instrument qui tient la note  c'est le saxophone. Noble, grave, élégant, renvoyant la lumière avec maestria, et vivant grace au souffle du musicien.
La soie peut nous étonner en prenant des airs de pauvresse avec la bourrette, matière souple mais endormie, inerte, lourde, granuleuse ou lâche, et c'est le grondement sourd du tambour qui résonne. Il prend de la place, mais souvent situé derriere, derriere les violons, derriere le piano, au fond, oui mais on l'entend, on le reconnait, et il sait se faire entendre. La bourrette pourrait parfois se confondre avec du coton, elle se cache dans le rayon de la soie, mais on la reconnait , et l'amateur fait la différence. C'est une soie sans chichis, pas d'effet, pas de reflet, pas de brillance, la nature au naturel, pas de maquillage, la soie brute , le sens de l'esthétique sans artifice. Une note étouffée mais présente.


 Oublions ces sons graves et passons au triangle, clair, limpide, instantané, tintinnabulant avec tant de joie, envahissant l'espace sonore. On frise l'excellence en manipulant un délicat organza. La gamme exulte, les notes fusent, l'imagination fait le reste. L'image de ce tissu d'apparence si fragile, si précieux est trompeuse, il est solide et sa transparence est aussi concrète que peut l'être une barbe à papa, on la voie, on la mange mais il n'y a rien. C'est magique ! L'organza absolument magnifique résonne à mes oreilles telles les trompettes de la renommée, les bien nommées. Ce petit bruit sec, haut perché qui s'échappe des lames de mes ciseaux contre la surface évanescente du tissu je le connais et les yeux fermés je le distingue du taffetas.
C'est un bouquet plus calme, mais tout aussi abstrait que l'on obtient en manipulant des lainages. Des notes sourdes, chaudes, presque un murmure dans la brume.
Et si d'un coup vous déchirez un morceau de laine cardée, épaisse, mœlleuse, légère, alors c'est à l'oreille une note qui flotte, et qui, comme une plume, virevolte avant de s'évanouir. C'est le moment de prendre le violoncelle, le trombone, avec un soupçon de harpe.
Et puis vient le silence. C'est la mousseline de soie muette qui marque une pause. Plus aucun son ne sort de ce tissu. On peut le couper, le travailler, le porter, le froisser, le toucher, jamais il ne vous dira ses sentiments

C'est le tissu le plus silencieux que je connaisse. Jamais un mot plus haut que l'autre, jamais rien. Non  vraiment pas un bruit ne sort de ses entrailles, il est muet mais sa présence est un bonheur de douceur. On le devine plus qu'on ne le voit.
Pour terminer, je vous offre un final grandiose.  En route les violons, les cymbales, les tambours les trompettes, les violons. La recette est simple : prendre à pleines mains des taffetas, des organzas, des failles, des lainages  et les faire tourbillonner dans les airs.


Dans un joyeux désordre, tout l'orchestre frissonne,  les tissus retombent sur le sol, les uns mollement les autres vivement, certains ont peine à atterrir et planent dans un brouhaha qui me réveille. J'ai les oreilles délicieusement amusées, les yeux éblouis par les couleurs, et les mains occupées à ramasser ce que j'ai éparpillé sur le sol de la boutique.

Mais qu'importe, j'ai rêvé un instant et vous? Inventez votre partition, et si vous avez besoin de faire des essais, rendez-vous chez De Gilles Tissus. Vous aurez les tissus et vous serez le chef d'orchestre.

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