HISTOIRES DE MANCHES
Les manches sont devenues au cours des siècles les héroïnes d'un grand nombre d'expressions populaires françaises et étrangères. En voici un florilège les unes amusantes, les autres surprenantes mais toutes à des degrés divers encore d'actualité!
ETRE GENE AUX ENTOURNURES
Décryptage au premier degré
L'entournure est la partie du vêtement où s'ajuste la manche, c'est un synonyme d'emmanchure. La manche raglan n'est plus cousue au niveau de l'épaule mais remonte directement sur le col.
Beaucoup d'anecdotes circulent sur l'origine du nom de raglan donné à la forme particulière de l'emmanchure. En est il une seule meilleure que d'autres? A vous de juger
Lord Raglan, fut amputé de son bras droit à la suite d'un coup de feu reçut lors de la bataille de Waterloo. On dit qu'il fit élargir l'emmanchure de ses uniformes, afin d'enfiler plus aisément ses vêtements…
Lors de la guerre de Crimée 1853-56 Lord Raglan pris une décision pour le moins étonnante qui valu à son nom de passer à la postérité Afin de pallier le manque d'équipement des soldats, il demanda à ce que l'on collecte les sacs de pommes de terre afin d'en vêtir ses troupes : un trou pour la tête et deux coups de ciseaux en biais pour les bras! Sans doute peu appréciés pour le confort par les soldats, ce modèle en chanvre ou en jute mais pas encore en plastique , fut précurseur du sur-cyclage.
Le célèbre fabricant anglais de vêtements imperméable Aquascutum inventa dit on la coupe raglan afin de permettre à Lord Raglan d'utiliser plus son épée au combat
Décryptage au second degré
"être gêné aux entournure" est une expression , qui qui s'applique à un individu se trouvant dans une situation embarrassante, gêné financière ou pas .
UNE AUTRE PAIRE DE MANCHES
Décryptage au premier degré
La mode à ses diktats depuis des siècles. Les aficionados de la mode existent depuis des siècles. Pour l'exemple remontons au XVe siècle. Les paysans et les ouvriers devaient être libre de leurs mouvements et les manches longues n'étaient en rien fonctionnelles. Lorsque les dictats de la mode s’attaquèrent aux manches, les allongeant et les élargissant sans vergogne, alors pour couper court à cette fantaisie inconciliable avec la vie quotidienne, les manches se firent amovibles. Les manches des vêtements de qualité étaient fixaient aux épaules par des aiguillettes, sorte de lacets. Cependant pour une question de confort, les vêtements étaient "construits" avec des manches arrivant au dessus du coude, ce qui permettait de transformer le vêtement, en lui ajoutant des petites manches. A l'aide d'épingles on fixait sur la partie existante des manches des sortes de manchons. Longue ou courte selon l'activité exercée au cours de la journée. Belle idée mais l'histoire ne dit pas si les épingles en fer ou en cuivre ne furent pas à l'origine de quelques blessures sérieuses…
La mode touchait autant les paysans que les courtisans, à la différence que ces derniers étaient les premiers à adhérer au changement. Les très riches heures du duc de Berry fourmillent d'illustrations détaillées des costumes populaires et princiers
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Une solution économique La mode s'accommode de recettes, de trucs et d'astuces. La preuve est donnée par l'usage des manches amovibles. A l'évidence elles se salissaient et s'usaient plus que le reste du vêtement. L'entretien des étoffes était une opération délicate, les techniques d'entretien des étoffes au Moyen Age étaient bien moins performants et beaucoup plus complexes que ceux que nous avons à notre disposition aujourd'hui. Alors par mesure de simplification et d'économie car le tissu coutait cher même et surtout à cette époque, on divisa le vêtement en plusieurs éléments, le corps et les manches.
on aperçoit sur ce tableau de H Memling 1475 l'épingle qui maintient la manche accrochée au corps de la robe |
Dans la peinture d'H. Van der Goes 1475. - on note que les manches de la robe sont rallongées par des manches amovibles. |
des épingles ou bien lacées au niveau des épaules.
Ainsi il était possible de conserver la fraicheur à une robe ou un manteau dont les manches étaient lustrées ou tâchées
zDeux en un. Tout bouge, mais rien de change ou pas grand chose . La mode tourne, contourne, mais la mode change peu. Qui n'a pas aperçu dans les rayons des magasins des vestes ou des doudounes avec des manches amovibles. Il fait froid la veste pour protège le torse et les bras, il fait juste frais, on retire les manches attachées au vêtement par des fermetures à glissière.
Et voila la veste qui devient gilet. Les manches amovibles ont une fonction bien établie Il faut croire que l'idée était bonne!
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La belle et le chevalier
La mode donne le ton même au Moyen Age. Lors des tournois, les chevaliers se mesuraient à leurs adversaires souvent pour les beaux yeux d'une femme. En gage d'un amour réciproque les belles offraient une manche à leur amoureux, et ce morceau d'étoffe était fixé au bout d'une lance, en guise de fanion…Les couleurs de la belle étaient hissées et c'est dans la loge qu'elle assistait au tournois…!
Messieurs les ronds de cuir
Au XIXe siècle les employés, les fonctionnaires, ceux qui a longueur de journée étaient préposés aux écritures les coudes ou les avant bras sur le bureau avaient pris l'habitude de mettre des manchettes en lustrine pour les uns en simple coton pour les autres, ceci afin de protéger les manches de chemise ou de veste de l'usure. Ces demi-manches étaient facile à enfiler, à changer, et à laver car elles étaient maintenues sur le bras à l'aide d'élastiques. Courteline fit une retentissante satire de ces comis, comptables et autres employés de mairie dans Messieurs les "ronds de cuir" et Dubout illustra avec sa verve habituelle cet univers à maintes reprises
Décryptage au second degré "c'est une autre paire de manche"est devenue une expression populaire employée pour désigner une action plus difficile plus compliquée à exécuter que la précédente. |
AVOIR QUELQU'UN DANS SA MANCHE
Décryptage au premier degré
Au XVIe siècle. la taille des manches permettait d'y déposer toute sorte de menus objets, les manches tenant lieu des poches . Les manche à crevées qui furent si délicieusement croquées par les peintres s'avéraient plus pratiques qu'on ne l'imagine. Elles permettaient d'avoir des objets secourables à portée de mains...
Portrait d'une jeune femme saxonne (mba Lyon) Cranachl'ancien -
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Décryptage au second degré
Avoir quelqu'un dans sa manche est une expression fort imagée les manches étant vraiment une cachette trop exigu mais l'idée est là. Qui se cache dans la manche sinon une personne à portée de main sur qui on peut compter en cas de besoin, avec un petit plus une personne qui aurait "le bras long"
EN DEUX MANCHES ET LA BELLE
décryptage au premier degré
C'est un peu la suite de la précédente expression. Restons au Moyen Age, et continuons les tournois… Si la dulcinée offre une manche au chevalier de son cœur au début du tournois, s'il en sort gagnant elle lui offre sa seconde manche et lui gagne les faveurs de sa belle. Aujourd'hui les histoires de manches se jouent dans le sport ou les jeux de cartes comme le rami ou la belote ou la pétanque, au tennis le français a cédé sa place à l’anglais jeux set et match.
une partie de pétanque qui nécessite parfois de se retrousser les manches…. |
Décrytage au second degré
Imaginons un match entre deux équipes, si chaque équipe gagne une partie ou manche, il faut pour les départager, jouer une troisième partie et c'est la belle…
La partie de carte dans Marius sans doute la plus célèbre du cinéma, mais combien de manches y a t il eu avant que tout ne dérape ?
FAIRE LA MANCHE
décryptage au premier degré
Au XVIIIe siècle, le mot manche est utilisé par les saltimbanques au sens de quête Au début du XXe siècle de nombreux artistes de rue (chanteurs, musiciens) faisaient la quête après leur prestation
Au début du XXe siècle il y avait encore de nombreux artistes "des rues", ils jouaient et chantaient devant les badauds, distribuant parfois les partitions au public afin qu'ils suivent et chantent aussi, il existait aussi des "artistes de cours " d'immeubles qui selon leur talent parvenaient à capter l'attention des habitants qui se mettaient aux fenêtres et leur jetaient quelques pièces, un tribut pour quelques instants de détente sinon une reconnaissance de leur talent...
H Daumier : chanteurs de rues
Plusieurs hypothèses sont développées au sujet de cette expression. J'en ai choisie une seconde qui me semble aussi convaincante et surtout rarement proposée.
Nous avons constaté dans ce post que jadis, le tissu était un produit rare et cher, qu'il fallait un bon métrage pour couper les manches généreuses à certaines époques, manches qui étaient amovibles, ce qui entraine une constatation évidente : pour un vêtement on compte plusieurs paires de manches.
Dans les ateliers des tailleurs les ouvriers et les apprentis percevaient de maigres gratifications, c'est pourquoi une pratique s'est développé au cours des ans. Afin d'augmenter leur revenu, les employés recevait quelque fois une compensation salariale sous une forme de métrages de tissus correspondant à une paire de manches. La confection de manches constituait un appoint pour les ouvrier qui en faisait un commerce parallèle
décryptage au second degré "faire la manche" n'a plus qu'un lointain rapport avec l’expression originale
La notion de récompense pour une prestation donnée, est devenue un synonyme d'aumône, voir le plus fréquemment de mendicité.
SE RETROUSSER LES MANCHE ou "MEN AT WORK "
Décryptage au premier degré
Imagée certes, l'expression s'adresse surtout aux hommes qui pour accomplir des travaux de force n'ont plus la possibilité de changer les manches de leur vêtement, alors ils sont dans l'obligation de "remonter " leurs manches de chemises ou de pull ou de leur veste (c'est pour cela que les manches des vestes se terminent par une ouverture et quelques boutons) afin que leurs mouvements ne soient pas entravés
Décryptage au second degré
Aujourd'hui retrousser ses manches c'est se mettre au travail, surtout lorsqu'il y a du pain sur la planche (mais cela est une autre histoire)
EFFETS DE MANCHES
Décryptage au premier degré
A l'origine, cette expression concernait essentiellement les avocats et les procureurs.
Leur tenue étant spécifique, la robe d'avocats est dotée de manches élargies dans le bas, et dans leurs plaidoiries certains agitant leurs bras pour ponctuer leurs démonstration, le tissu virevoltait dans tous les sens d'où "un effet de manches"
Décryptage au second degré
Aujourd'hui cette expression imagée pour décrire une personne ajoute aux mots la force des gestes
Un supplément pour le plaisir.
Pour finir juste pour le plaisir de parler d'un peintre que j'adore dans un autre registre, celui de la peinture, un homme comme J. Pollock à su donner ses lettres de noblesse à l'expression par le geste qui remplace avec talent les mots, et les effets de manches ici bien retroussées!
Catherine GOLDMAN
Mail : degillestissus@free.fr
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