LE DROGUET
Du
néerlandais "droog" = sec, qui donna le mot drogue pour ingrédients
séchés. Mais où se trouve la filiation entre drogue et droguet me direz vous?
Longtemps le mot drogue fut le nom générique de certaines substance employée en
pharmacologie et dans l'industrie de la teinture, or le droguet était une
étoffe historiée par tissage, c'est à dire façonnée, ses fils étaient par
conséquent teints avant le tissage avec des matières tinctoriales ou drogues, alors commercialisées sous forme de poudre ou de bloc, déshydratée donc séchées pour
une meilleur conservation. Et voilà le sens retrouvé de sec, et bien entendu ces produits étaient vendus chez les droguistes...
Autre
hypothèse : on peut imaginer que le mot drogue soit une forme méridionale du mot
latin derogarer = ôter c'est à dire diminuer la valeur de..."dictionnaire
historique de la langue française. Robert. Cette solution est envisageable
lorsqu'à certaines époques, le droguet ne fut qu'une modeste étoffe, sans
grande valeur marchande "En1554 apparaît le mot droguet qui désigne un
tissu de laine, sec et de bas prix." Bloch et Von Wartburg. Dictionnaire
étymologique de la langue française. PUF
Une
troisième proposition développée par F. Michel : droguet serait l'altération du
nom de Drogheda, ville d'Irlande, mais je dois avouer ne pas m'enthousiasmer pour cette dernière hypothèse.
Il
serait vain de tenter de donner
une définition de cette étoffe
tant il existe de variantes
suivant les époques et les modes: tout soie, tout laine, mi laine mi soie, tissu d'exception porté par les reines, ou tissu commun utilisé par les
paysannes normandes, mais rarement uni, les motifs, de petite taille étaient obtenus par un fil de chaîne supplémentaire...
"Tissu
de soie à petit rapport de dessin, comportant un décor par divers trames, se
détachant sur un fond produit par une dominante de chaîne poil" M.M
Tuchscherer, G. Vial In les musée historique des tissus de Lyon 1977.
"C'est un genre spécial de
façonné dans lequel le dessin
est produit par un effet poil
s'enlevant sur un fond taffetas ou
sergé"
Le
droguet est un tissu ancien dont on parle depuis le XVe Il poursuivra sa
carrière avec force jusqu'au XVIII
e siècle puis il se contentera de
survivre dans quelques provinces
dont la Normandie au XIXe siècle, plus par tradition que par conviction. .D'après monsieur Paulet, dessinateur et fabricant de soie à Nîmes, on doit l'invention
du droguet à un certain monsieur Galentier, spécialiste avignonnais de la soie,
qui perfectionna le métier à la petite tire.
-au XVe
siècle il est considéré comme un
modeste tissu de laine
-au
XVIIe siècle, le droguet est une étoffe brochée ornée d'un dessin produit par un effet de "
chaîne -poil "(fil supplémentaire de chaîne) de la même couleur que la
chaîne normale, s'enlevant sur un fond en taffetas, satin ou sergé.
Généralement la chaîne est en lin ou en coton et la trame en laine. Sa solidité et sa fantaisie lui ouvrent
les portent de la décoration : le
droguet fut utilisé entre autre pour les garnitures de lit
Savary
mentionne le droguet "façonné" de Lyon dans sa sixième édition du
Dictionnaire du Commerce 1650. Le
droguet de soie était une spécialité lyonnaise tissu de soie à petit rapport de
dessin
-au
XVIIIIe siècle, sous le règne de Louis XVI, on retrouve des tissus à décor
"droguet" (petits dessins ton sur ton obtenus par tissage).
"Les exigences du marché firent
qu'on fabriqua à Lyon, sous Louis XVI, un nouveau genre de tissus à bas prix :
le droguet, dans lequel la chaîne concourt, au même titre que la trame, à
l'ensemble du dessin. Le motif décoratif y est toujours de petite
dimension". (Migeon in "Les arts du tissu"). Le marché du
luxe se réduisant sans cesse,
les soyeux continuèrent au XIXe siècle à fabriquer des tissus plus populaires :
le droguet faisait partie intégrante de cette politique
La
dauphine, n'était qu'un type de droguet liseré avec un fond pékiné. la dauphine
devenue reine, le droguet se voit
attribué un nouveau titre et devient droguet à la reine avec un poil
flottant sur les deux faces, toujours de la couleur que le fond.
-au XIX
e siècle en Normandie et dans la
région du Pays de Caux, le droguet est un tissu ordinaire sec et brillant
(apprêt obtenu par le travail des foulons), trame de laine et chaîne de lin..
Les femmes du peuple portent des jupes ou des robes de droguet notamment teint
en violet comme on peut le voir au Musée de Normandie à Caen. Ce tissage
utilisant le lin(production locale)
et le coton (arrivant par le port de Rouen) eut un grand succès dans la
campagne normande. Le droguet
était encore confectionné sur des métiers à main par les tisserands de village.
Le
droguet normand était uni ou rayé verticalement, avec des couleurs vives Lorsque les lavages et l'usure
parvenaient à ôter tout lustre aux jupes, les normandes apportaient leurs
vêtements aux foulons afin de raviver l'étoffe. Le tissu est alors pilonné dans
de l'eau mêlée à une terre glaise ou terre à foulon.
A
Rouen on fabriquait un droguet nommé berluche ou espagnolette
Les
modifications d'armure et le choix
des fibres pourront
transformer un droguet élitiste en un tissu populaire. La
principale distinction résidait dans le choix des matières opposant ainsi le droguet de soie et le
droguet de laine
Le
droguet est donc selon les époques et les régions une étoffe de soie, de
laine,de fil ou de coton, unie ou façonnée, dont les motifs sont généralement
inscrits dans des compartiments en forme de losange. La chaîne est le plus
souvent de fil et la trame de laine ou de soie. Le rapport d'armure est très
petit. Le dessin est réalisé avec une chaîne supplémentaire.
Compte tenu de la diversité des
droguets, selon que le Droguet sera une étoffe de soie ou un modeste lainage,
qui pourrait s'étonner ses multiples utilisations ?
Vêtements masculins : le droguet de
soie est utilisé
essentiellement pour la
fabrication de gilets aux XVIII e et XIX e siècles, vestes ou même costumes
folkloriques.
Vêtements féminins : le droguet de
soie ou de laine est employé pour
les robes, les jupes, les vestes ou caraco...
Décoration : Le droguet fut employé
pour garnir des intérieurs de coffres ou tapisser de petits meubles assez
communs En ameublement, il fut couvre
lits ou double-rideaux, tentures murales ou tapis de table.
L'inventaire du château de Turenne en
1615 signale "quatre lits faits à housse de droguet noir et blanc".
Ce que
nous nommons aujourd'hui droguet, c'est à dire une étoffe modeste agrémentée de motifs tons sur tons et de
petite taille permet de recouvrir de grandes surfaces sans risque de surcharge.
La discrétion du motif ne nuit
alors en aucune façon à pas à l'installation de tableaux sur les murs.
Un petit façonné sans prétention aucune? Peut être, mais avec une histoire bien ancrée dans notre tradition.
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