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vendredi 18 juin 2021

LES JOIES DU TISSU


    

L'été arrive, les masques tombent et dimanche, plus de couvre feu ! Ce qui fut "jadis" notre quotidien devient soudain magique, aimable ! Ma passion pour les tissus ne s'est jamais tarie, au contraire, elle s'est même accrue, m'aidant à traverser ces quelques mois pour le moins étonnants : pas de voyages, pas de sorties, pas de visites, mais le pays des tissus n'est jamais loin de moi.

LE CLUB DES CINQ

Mes sens sont en éveil lorsqu'ils sont en présence d'une étoffe. Les uns sont prompts à réagir physiquement dès qu'ils sont en contact avec la matière ; d' autres font appel à mes souvenirs, mais aucun n'est insensible à la nature des fibres textiles ou à la couleur d'un vêtement. Tous unis, ils ont mis en scène un univers textile très particulier, le mien ! Avec mon expérience professionnelle et beaucoup d'imagination j'ai redécouvert d'une manière ludique et très personnelle les tissus. Je me suis évadée dans un ailleurs délicieusement coloré, chaleureux, amical. J'ai écris sur ce blog et sur celui d' etoffe.com, j'ai fait des recherches, j'ai trouvé des trésors, j'ai pleinement rempli mes journées, au-delà des quatre murs de mon appartement. J'ai apprécié pleinement, en toute conscience, mes choix vestimentaires récents. J'ai aussi fouillé dans mes souvenirs textiles comme on le fait généralement avec un album photos ou une collection de timbres et j'ai mis des mots sur les joies et les peines, textilement parlant. En voici quelques bribes. 

PLEIN LA VUE

La présence dans ma garde robe  de ce chemisier en taffetas de soie gorge de pigeon me plonge dans le monde irréel de la couleur. Cette vision subjective de cette variation de roses et de bleus qui irise ce taffetas est fugace. Elle ne doit son existence qu'à la lumière mais, une fois la lampe éteinte, ce vêtement flamboyant redevient une ombre et ne subsiste de lui  que l'image d'un instant coloré. Il me suffit de regarder ce manteau en drap de laine accroché dans le dressing pour qu'instantanément une douce chaleur m'envahisse. La vue d'une robe d'été fleurie me suffit à partir en balade sur la plage d'Houlgate. Parfois, à la vue, il convient de joindre le geste, juste pour confirmer les premières impressions.

UNE PRISE DE CONTACT

Cet hiver, en fouillant dans un tiroir de ma commode à la recherche de mon bonnet en laine quiviut, j'ai mis la main sur un foulard en satin de soie vert anis et turquoise ; de quoi réveiller mon sens tactile et titiller ma vison. Le contact de cette matière ruisselante sur ma peau m'a fait frissonner. Allergie non pas, mais une  réaction épidermique provoquant une sorte de chair de poule. Etonnant ? Bizarrement, les tissus provoquent des chocs. Les velours deviennent de redoutables ennemis pour certaines personnes. Le simple contact des ces poils hirsutes au bout des doigt ne font pas pattes de velours ; ils sont un rappel strident du bruit de la craie sur un tableau noir. Ce ressenti est réservé à ceux qui se souviennent des craies blanches et des tableaux noirs.  Parfois un vêtement en mohair peut être  un supplice pour les peaux fragiles, elle picote, elle gratouille, elle engendre des rougeurs,  il faut alors envisager de faire amie amie avec des laines qui ne demande qu'à cajoler,  à chatouiller, à réconforter comme la laine mérinos, le quiviut, l'angora ou le cachemire. 

ACTION-REACTION

La vue à besoin d'un complément d'information, et ce petit plus c'est le toucher qui lui apporte. C'est un phénomène légitime et   fréquent . Y avez-vous jamais prêté attention ? Ce  constat s'est rapidement imposé dans ma vie professionnelle : les  personnes en admiration devant un tissu ne peuvent réprimer l'envie de le toucher. Plusieurs de   mes clientes  venaient équipées d'un miroir de poche, pour choisir les tissus. Elles  touchaient les étoffes, les posaient sur la paume de leur main, sur leur joue,   les manipulaient, les soupesaient, les froissaient, leur faisaient mener la grande vie et ensuite , ensuite seulement elles approchaient l'heureux élu près du visage, se mirant dans le miroir  qu'elles rangeraient dans ce petit étui en feutre qu'une fois le  choix des mains adoubé par les  yeux.  

SOUVENIRS OLFACTIFS

L'odeur de la laine mouillée est très particulière. elle me renvoie à des souvenirs d'enfance, tenaces encore, presque réels malgré les ans. Parfois, lorsque cela s'avérait indispensable, ma mère "osait" laver mon doudou, un simple morceau de ma première couverture qui avait été rose et qui virait au gris ; probablement celle qui me tenait chaud dans mon berceau. Ce doudou était devenu un talisman qui m'accompagnait partout, de jour comme de nuit. Déjà une accoutumance hors normes au tissu ! Alors, à peine sèche, je m'appropriais ce "chiffon" encore humide, hélas sans saveur, le stimulus olfactif ayant disparu. Seul restait, un moment encore, l'odeur du propre, du savon “Cadum". Depuis, l'odeur de la laine mouillée comme celle d'un pull porté sous une pluie battante me rappelle celle de mon doudou. L'odorat est un incroyable recueil de souvenirs, à feuilleter avec délicatesse.

LE GOUT DU VEGETAL

Avez vous jamais gouté un fil de lin ? Quelle curieuse sensation ! Lorsque, pour enfiler un fil de lin "bleu klein", je l'ai posé sur ma langue, un  réflexe, alors que ma machine est doté d'un système d'enfilage de l'aiguille automatique. Au-delà de l'habitude, ce goût de bonbon m'a renvoyé au monde des sucreries, délice des délices. Le souvenir des berlingots aux rayures multicolores, des rouges coquelicots et des bleuets, ces douceurs anciennes que l'on trouve encore dans de grands bocaux de verre chez les “véritables marchands de bonbons". Confidence pour confidence, je n'ai jamais rien ressenti de tel en travaillant avec un fil polyester.

SILENCE ON TOURNE!

Ils crient, ils soupirent, ils gémissent, ils ronronnent, ils grognent, ils grincent. A bien l'observer, ce monde est bruyant, animé, vivant ! Il est insoutenable le cri de la soie, il est terrifiant celui d'un chiffon que l'on décrire pour faire un pansement de fortune, il est étouffé le son d'un lainage que l'on plie, il est subtil, le bruissement d'un taffetas que l'on manipule en le travaillant. Il résonne encore à mes oreilles le souvenir du frou-frou qui précède l'arrivée sur scène d'Agnès dans sa volumineuse robe de taffetas parme lorsqu'elle annonce que “le petit chat est mort“. C'était il y a longtemps, lors d'une représentation réservée aux scolaires dans un théâtre parisien aujourd'hui disparu : "le théâtre de l'Ambigu-Comique" près de la place de la République. Soixante ans plus tard, le souvenir de ce frôlement d'étoffe m'émeut encore ! Les tissus sont bavards : cet imper en nylon que je tente de faire entrer dans un sac à dos grince, ce short en chanvre semble soupirer d'aise sous la semelle de mon fer à repasser mais le plus étonnant pour un son, c'est son absence. Pas un bruit, ce plaid en jersey de laine mérinos rouge cerise dans lequel je me love avec une volupté non dissimulée  se drape dans un silence assourdissant !

Maintenant à vous de jouer.

1 commentaire:

  1. Madame, merci infiniment pour ce nouveau texte et pour ce blog de façon générale. Je ne me lasse pas de vous lire, même s'il m'arrive d'oublier de laisser un commentaire. Ma mère m'a transmis sa passion pour les tissus, elle qui a consacré toute sa vie à la couture et a travaillé toute sa carrière chez un costumier originaire de Roubaix établi au début du XXème siècle de l'autre côté de la frontière, en Belgique. C'est dans ce lieu empli de costumes d'époque et de déguisements en tout genre que je passais mes vacances quand j'étais enfant. Aujourd'hui, après deux décennies d'égarement, je tente de revenir à la couture et d'en faire un gagne-pain. Vos textes sont pour moi de vraies sources d'inspiration et d'encouragements. Dans un monde où les gens consomment des vêtements comme des mouchoirs en papier, je me réjouis de savoir qu'il y a encore des personnes comme vous, qui savent si bien raconter les tissus et reconnaître leurs qualités. Merci de tout coeur.

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