N°2
ÉCARLATE/KERMES
Ses
origines sont incertaines, ou plutôt multiples
Le
mot pourrait venir
du
persan "saqirlat" ou saqallat = au sens d'étoffe teinte en
rouge
de
l'arabe qirmiz = étoffe de soie décorée de sceaux brodés d'or
L'écarlate
est une teinture rouge obtenue à partir du broyage et du séchage d'un parasite
vivant sur les chênes méditerranéens le kermes.
La
racine de Kermes est d'origine indo européenne :
du
sanscrit kermi,
à
l'arabe qirmiz= cochenille, puis de l'espagnol Alkermes= carmin
en
français cramoisi,
kermes
signifie globalement "ver ou larve" qui donne en français
vermillon
ROUGE
ET FACONNÉE ÉTAIT LE TISSU ECARLATE
Le
mot siquillat ou siqlat viendrait du grec sigillatos qui désigne une étoffe
ornée de figurines, emprunte d'un cachet ou d'un sceau, d'une corde..; (seing
ou signe)
du
grec sigillatos= tissu orné de figures ou du latin sigillatus orné de dessins.
On applique le terme sigillé à de poteries décorées de motifs stylisés de
l'époque gallo romaine.
de
l'arabe siqlat = étoffe de soie brodée d'or.
du
néerlandais scarlaken = drap à tondre
du
latin médiéval "scarlata" = "drap écarlate de différentes
couleurs éclatantes"
la
profondeur de la couleur écarlate est probablement à l'origine du nom
donné à cette maladie infantile qui vous rend tout rouge : la scarlatine.
Dérivent
d'écarlate le mot siglaton, étoffe de soie, ou d'autres matières précieuses.
Le
tissu nommé Ecarlate est orné de motifs, obtenus par tissage
ESTIMÉE
ETOFFE ÉCARLATE
Le
principe tinctorial du kermes est l'acide kermésique, pigment rouge, que seule
possède la femelle.
Une
fois broyé on obtient une poudre qui mélangée à de l'alun et à de la crème de
tartre devient l'écarlate dite de Venise ou des Gobelins.Venise ou Paris? Il
semble que le procédé ait été imaginé dans la cité lacustre et mis au point à
Paris par un membre de la famille Gobelin. La réputation de cette lignée de
teinturiers ne fut plus à faire
L'écarlate
la plus renommée fut celle de Bruxelles au XIV e siècle.
L'écarlate
peut être obtenu aussi par le traitement de la cochenille mélangée au chlorure
d'étain et à la crème de tartre ; ce sera alors l'écarlate de Hollande, la plus
estimée, c'est elle qui s'imposera en France à Lyon dès 1677. Nommée
écarlate de Hollande parce que le procédé fut découvert en Hollande par un
physicien hollandais Cornelius van Drebell en 1630. Ce serait une histoire de
famille, car son gendre, un certain Kuffelar, teinturier à Leyde apporta
quelques perfectionnements à l'invention de van Drebell. Le produit fut alors
commercialisé en France dès 1655 par Jean Gluk ou Klock
On
obtient à présent une couleur similaire avec des produits chimiques comme
l'écarlate d'aniline (mélange de fuchsine et de chrysaniline). L'écarlatine est
une laine rouge.
ENCORE
UN ROUGE ET TOUJOURS LA MÊME HISTOIRE
Le
rouge fut longtemps une teinte difficile à obtenir et surtout difficile à
conserver, la couleur virant souvent vers le rose, à cause de l'eau et de la
lumière. Un rouge solide était rare et par conséquent cher c'est pourquoi
dans les civilisations occidentales cette couleur est resté un signe
honorifique : tapis rouge, ruban rouge, la robe rouge des princes de l'église,
le rideau rouge au théâtre
LE
ROUGE EST MIS
Au
XIXe siècle les idéologies révolutionnaires utilisèrent le rouge comme un
symbole. On le constate dans un écrit de Victor Hugo en 1862 : les
opinions "écarlates".
L'habit
rouge lorsqu'il ne s'agit pas d'un parfum est "remarquable" voir
mémorable. C'est ainsi que le monde littéraire se souvient encore du gilet
rouge arboré par Théophile Gautier qui défendait l'esprit romantique aux côtés
de Victor Hugo lors de la bataille d'Hernani. Fronde menée contre Victor Hugo
par les inconditionnels du classicisme.
Le
rouge est la couleur adoptée par les communistes et le petit livre rouge de Mao
en est une preuve.
DU
KERMES A LA COCHENILLE OU DU CARMIN AU VERMILLON
Exploité
en Occident jusqu’au XVIe siècle, le kermes, précieux, cher était un produit de
luxe.
La
réputation du rouge obtenu à partir du kermes fut durant une grande
période aussi recherchée que la pourpre.
En
teinturerie, l'écarlate se composait d'une série de sept teintes de rouge.
Pour
différencier les nuances, le vocabulaire met à notre disposition plusieurs
termes = carmin
= cramoisi = écarlate=vermillon
ROUGE
PASSE ET MANQUE
A
partir du XVe siècle, le kermes fut délaissé au profit de la cochenille du
nopal vivant sur des cactus de la famille des figuiers de barbarie,
originaire du Pérou et du Mexique.
La
cochenille des teinturiers, cochenille globuleuse qui fut longtemps prise pour
une sorte de baie, parce que la femelle pour protéger ses oeufs se couvre d'une
pellicule dure prenant ainsi la forme d'une graine rouge. La nature
animal de la cochenille ne fut révélée qu'au XVIIe siècle par l'italien
Cestoni.
Son
exploitation était plus rentable et le pouvoir colorant plus de dix fois
supérieur à celui du kermes. La cochenille se verra à son tour mis au rebus
avec l'apparition des teintures chimiques au XIXe
Les
conquistadors espagnols avaient découvert la puissance du pouvoir
tinctorial de cette cochenille. Ils avaient dans les mains un potentiel
inestimable, et la première idée fut de développer cette production dans
plusieurs régions du Mexique et d'importer le produit fini en Espagne. La
seconde idée fait suite à un constat : la rentabilité serait bien
meilleure si le lieu de production était situé en Europe. Donc acclimater
le nopal en Europe et élever la cochenille. Il se trouve que le climat du sud
de l'Espagne permis l'épanouissement du nopal, plante nourricière
de la cochenille
Le
succès économique fut à la hauteur des espérances des différents gouvernements
espagnols. Les îles canaries et Alméria devinrent des centres de
productions qui permirent de répondre à la demande occidentale
UN
TISSU ROUGE DE TOUTES LES COULEURS ?
La
logique n'étant pas la caractéristique principale de l'histoire des textiles,
l'étoffe persane désignée sous le nom d'écarlate était bleue, en Occident
il faudra attendre le XIIe siècle pour attribuer définitivement la couleur
rouge au tissu nommé Ecarlate
Le
sens du mot latin sigillatus a évolué vers le sens "d'un tissu au fond de
couleur bleue" Ainsi en Occident l'évolution a donné un sens très
général au terme écarlate ou escarlate qui désignait un riche drap de
laine que les opérations successives de foulage, chardonnage et de tonte
rendaient à la fois feutré et velouté sans distinction de couleur.
Ce
sens fut attesté par Chrétien de Troyes en 1168
Puis
le développement en Occident de la luxueuse teinture rouge à base de
cochenille à sans doute contribué à transformer le sens du mot
écarlate : on lui attribua dès lors la couleur rouge
Déjà
dans les temps anciens, le mot écarlate était employé : la bible en
témoigne plusieurs fois sans spécifier s'il s'agit d'une étoffe ou d'une
couleur
Exode
26 : "Puis tu feras le tabernacle, à savoir dix tapis qui seront faits de
lin retors, de fils d'azur, de pourpre et d'écarlate, et artistement damassés
de chérubins (...)"
La
littérature est une source précieuse pour les historiens. Dans le roman de la
rose, vers 1240 le héros n'est il pas vêtu d'une robe
"d'escarlate noire comme mûre"?
Entre
le XIII e siècle et le XIVe siècle en Occident l'escarlate était une étoffe de
luxe, n'utilisant que de la laine importée d'Angleterre, mais peu importe la
couleur pourvu qu'il s'agisse d'une étoffe de grand prix.
Le
prestige de l'étoffe est porté très haut, car les villes " drapantes"
offraient des pièces d'écarlates à leurs hôtes de marque, aujourd'hui on
déroule le tapis rouge. A Cannes pour le Festival, à L'Elysée pour la prise de
fonction des nouveaux présidents de la République...
Au XVIe siècle le mot cramoisi, ne s'applique ni à un tissu ni à un rouge particulier, bien qu'il s'agisse d'une teinture rouge obtenue à partir de la cochenille. Il est utilisé pour marquer l'éclat intense d'une couleur, non une couleur
Ces détails sont accrédités par les livres de comptes de nombreux marchands d'étoffes. Les listes mentionnent en effet des draps jaunes cramoisis, des coupes d'amaranthe cramoisie. . Ce supplément d'éclat des tissus cramoisis se traduisait par des tarifs majorés.
Mais
malgré tous les progrès de la technique, toutes les avancées en matière de
teinture, le rouge demeure un problème au quotidien. Observez les
étiquettes de vos vêtements de couleur rouge : les recommandations sont
toujours les mêmes. Il faut laver ces articles séparément, car la couleur
risque de dégorger. Et pas seulement la première fois. Au fur et à mesure
des lavages, la profondeur du rouge s'estompe... Mais où va donc cette
couleur qui s'étiole dans les machines à laver? Elle va tout naturellement sur
le chemisier blanc que l'on a glissé par mégarde avec le reste du linge. Et
voilà qu'apparaît un nouveau chemisier rose, imprévu? Magie? Non car"rien de se perd, rien ne se crée, tout ce transforme. " Lavoisier.
A
suivre N°3 le rouge d'Andrinople
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