Messages les plus consultés

profil

profil
mes tissus

mardi 12 juin 2012

LES HABITS DE L'HABITAT N°3



PASSAGE DU COLLECTIF A L'INDIVIDUEL

SERVIETTE DE TOILETTE
En vieux français le mot touaille désigne le morceau d'étoffe qui sert à essuyer les mains. Il  donnera en anglais le mot towel. Reconnaissons aux anglais une supériorité dans le vocabulaire. Si de touaille ils firent towel, soit serviette de toilette, ils prirent nappe et en firent napkin soit serviette de table. Alors que nous, nous utilisons le même mot ce qui nous oblige à préciser serviette de table ou de toilette. Le mot toilette, vient lui même du mot toile.
 Au XVIIe siècle, le mot toilette désignait un ensemble composé d'objets de toilette tels le peigne, la brosse, le miroir... le tout disposé sur un petit meuble, ancêtre de nos coiffeuses, recouvert d'un tissu et quelquefois de dentelle. Il nous reste encore des bribes de cet ensemble notamment dans la  locution eau de toilette.

NAPPE ET SERVIETTE FIRENT UN BOUT DE CHEMIN ENSEMBLE
La nappe eut longtemps une double destination : cacher avec plus ou moins d'élégance la rusticité de la table et permettre aux convives de s'essuyer les mains et la bouches au cours des repas. Elle perdit cette double identité lorsque la serviette individuelle fit son apparition.

SERVIETTE DE TABLE
C’est un linge dont on se sert pour s’essuyer les mains ou le visage et pour protéger ses vêtements
Dans la Rome antique son usage était développé, puis il semble que la serviette soit tombée dans l'oubli quelques siècles durant.
Manger avec les doigts à même les plats n'était chose ni facile ni propre. Alors, l'homme trouva la solution ou des solutions différentes selon les époques.
Lors des banquets les romains se lavaient les doigts avec une eau de rose et de marjolaine et un esclave ou serviteur passait auprès des convives avec une pièce d'étoffe pour leur permettre de se sécher les mains.
En l'absence de personnel de maison suffisant, les systèmes D se développèrent. Les convives étaient inventifs
- ils pétrissaient des boulettes de mie de pain pour s'essuyer les doigts,
- ils utilisaient la longue chevelure d'une esclave en guise d'essuie mains,
- parfois le vêtement faisait office de serviette et longtemps les manches servirent de mouchoir dans les classes populaires.
Savez-vous pourquoi les manches des uniformes des militaires ont des boutons ? On raconte que Napoléon Bonaparte fit coudre des boutons sur les manches des grognards de la Grande Armée afin  d'éviter que ceux-ci ne se servent pas de leurs manches comme d'un mouchoir.

DE L'ESSUIE MAIN COLLECTIF A LA SERVIETTE INDIVIDUELLE

Lorsque l'homme cessa de s'essuyer les mains sur ses vêtements, avec la nape, ou la touaille, il utilisa une serviette, mais son emploi ne fut pas systématique, loin s'en faut, dans tous les foyers.
Puis du groupe, on passa à l'individu. Par conséquent, les dimensions de la serviette seront réduites.  La mode sera aux serviettes coupées dans du lin fin puis dans du coton souvent brodé.

LES US ET COUTUMES DE LA SERVIETTE DE TABLE  

Les habitudes perdurent et pour cette raison l'essuie main et l'essuie bouche cohabitèrent longtemps.
Aujourd'hui on se simplifie la vie, la serviette est généralement en papier à utilisation unique comme les mouchoirs et les essuie tout.
  
Les invités des maisons riches utilisaient les serviettes pour emporter des confiseries à la fin du repas (ce qu'aujourd'hui les américains nomment pudiquement des "doggy bags").
Dans les maisons moins aisées, on apportait sa serviette. Les romains en firent de si belles dans des étoffes si précieuses que les invités les volaient à la fin des festins.
Jusqu'au Moyen-Age, on se lave les mains à table. Un serviteur passe auprès de chaque hôte avec un broc d'eau, une cuvette et une serviette.
Il semble que l'usage de la serviette individuelle se soit perdu entre l'époque romaine et la fin du Moyen Age. La renaissance fut aussi l'époque de la renaissance de la serviette de table.
A la fin du XVe et au début du XVIe siècle, l'usage de la serviette telle que nous la connaissons va devenir indispensable lorsqu'il fallut protéger les fraises. Son usage se répandit à la cour de Charles VII.  De collective elle devint individuelle et, par conséquent, ses dimensions se réduisirent.

D'abord posée sur l'épaule ou sur le bras gauche, à la Renaissance elle est nouée autour du cou à cause des "fraises". Avec ces énormes collerettes, il convient d'utiliser de grandes serviettes individuelles, parfois jusqu'à un mètre de large afin de préserver la blancheur de ces cols encombrants mais précieux. La difficulté rencontrée par les convives était de nouer par derrière les extrémités de la serviette. De là l'expression populaire encore en vigueur "joindre les deux bouts" 

Dans les inventaires de l'époque, on trouve fréquemment des serviettes grosses, serviettes communes, serviettes pleines ou unies, et des serviettes de lin fin ouvragé ou ouvré de Venise, à ramage de Reims ou de Caen. Cet accessoire joua désormais un rôle important dans l'étiquette des cours. En effet, c'était un honneur très recherché que de donner ou de présenter la serviette au Roi ou aux princes, et un cérémonial particulier réglait cette cérémonie dans les moindres détails.

LES BONNES MANIERES DE TABLE
Les ouvrages concernant le savoir-vivre fleurirent au cours du XVIe siècle. 
La renaissance c'est l'épanouissement du luxe, et le linge de maison contribue grandement à ce triomphe. Les tables sont toujours garnies de nappes multiples, et chacun possède désormais sa serviette.  Nicolas de la Chesnaye, décrit ainsi la table dans sa "condamnation du Bancquet" en 1507.
"La table est mise gentement, nappes, touailles, serviettes".
Dans les grandes demeures, on changeait les serviettes plusieurs fois au cours du repas et Henri III en réclamait une propre après chaque plat (les repas se composaient de douzaines de plats...)  pour chaque invité le pliage était différent.
Le pliage de la serviette est donc déjà un art à la mode ; on en trouve en forme d'oiseaux ou de navires. Dès le XVIIe siècle, des traités furent édités enseignant l'art du pliage du linge de table (serviettes et nappes) dont l'un des principaux fut celui de Mathias Giegher paru à Paris (1639).
Sous le règne de Louis XIII, on ne se lave les mains que pour les grandes occasions ou les grands festins : un valet passe de l'eau parfumée parmi les convives, et s'il en vient à manquer, on utilise alors le vin.
Lorsque une pièce de l'habitation fut consacrée aux repas et devint la "salle à manger" on y faisait installer de petites fontaines murales avec un réservoir d'eau à côté duquel se trouve une serviette, permettant aux invités de se laver les mains. Aujourd'hui, il est fréquent de trouver dans les toilettes, lave main, serviette d'invité et savon

Avec l'apparition du couteau individuel et de la fourchette, l'utilisation de la serviette parfois en lin damassé se développe.

LA SERVIETTE, SIGNE EXTERIEUR DE RICHESSE 
A la cour de Louis XIV, les hôtes s'essuyaient les doigts dans des serviettes chaudes, ce qu'on nous propose encore de nos jours dans les restaurants asiatiques.
Le raffinement allait jusqu'à parfumer nappes et serviettes d'eau de rose, du mélilot et autres essences.
Ce fut à partir du XVIIIe siècle que la serviette devint un article qui par sa qualité, la finesse de son tissu et l'importance des broderies, symbolisa le statut social de son propriétaire. Voilà pourquoi "on ne mélange pas les torchons et les serviettes".
A partir du XIXe siècle, les serviettes de table brodées ou à jours, firent partie du trousseau que la jeune fille apporte dans la corbeille de mariage. Un usage hors d'usage au XXI e siècle en Occident.

L'époque moderne n'a pas révolutionné le monde des arts de la table dans la manière mais dans la technique. Le linge de maison bénéficie de toutes les évolutions techniques touchant aux domaines des colorants, des dessins et des matériaux nouveaux.

DE L'USAGE DE LA SERVIETTE DE TABLE
Au XVIe siècle, toujours dans l'ouvrage d'Erasme, il est indiqué que "la serviette doit pendre sur l'épaule gauche et l'on doit l'utiliser pour s'essuyer les lèvres avant de boire"

Les convives attachent leurs serviettes autour du cou mais pour ce faire, il faut la nouer par les deux bouts, exercice quelque peu périlleux. Aussi l'expression relative à un équilibre financier précaire  "arriver ou ne pas arriver à joindre les deux bouts".

La taille des serviettes aura tendance à se rétrécir avec le temps et la mode, plus de fraises pour les hommes de qualité, plus de robes volumineuses pour les femmes coquettes.

C'est à cette époque aussi que l'on prend de nouvelles habitudes culinaires : le café et le chocolat sont des boissons nouvelles dont la haute société est friande. Ces dégustations seront entourées d'un cérémonial quasiment aussi compliqué que celui du thé au Japon. On sert le chocolat et le café sur des petites tables recouvertes d'une nappe. De petites serviettes de couleurs agrémentées de broderies représentant parfois des scènes de la vie bourgeoise ou des textes satiriques sont distribuées aux invités de "la dégustation".

DU JUSTE EMPLOI DE LA SERVIETTE
Longtemps encore, nous verrons des hommes nouant leur serviette autour du cou même dans les restaurants. Si il n'y a plus de fraise à protéger, la cravate est un accessoire prédisposé aux taches, qu'il est nécessaire de protéger. 

Quant aux femmes, elles protègent plutôt leur robe en dépliant leur serviette sur les genoux. Lorsque la serviette est très grande, il faut la laisser pliée en deux sur les genoux de manière à ne pas couvrir toute la jupe.
La bienséance veut que l'on attende que la maîtresse de maison déplie sa serviette la première et ainsi donne le signal du début du repas.
Si l'on se lève au cours du repas pour une raison ou une autre, il faut laisser sa serviette pliée sur son siège.
A la fin du repas, il convient de ne pas replier sa serviette mais de la laisser dépliée sur la table à côté de son assiette.
Ces rites sont toujours en vigueur, le saviez-vous?

TEMPS LIBRE  ET TABLES BIEN MISES
Les arts de la table reviennent dans les foyers. Nous consacrons de plus en plus de temps à la décoration de la table lorsque nous recevons. Les émissions de télévision, les journaux, la mode, tout cela influence et facilite notre mode de vie. 
Les décors dépendent des festivités, des thèmes sont proposés pour les grandes fêtes, des accessoires éphémères remportent beaucoup de succès. Les tables sont souvent fort joliment "dressées" et pour les grandes occasions, il nous arrive de ressortir les nappes en lin damassées et les 12  serviettes, héritage d'un passé que nous ne renions plus.
L'art du pliage des serviettes, remis à la mode avec les origamis, devient un exercice de style auquel nous nous plions volontiers. La fonction décorative de la serviette est perceptible. A quant la réédition de l'ouvrage de Mathias Giegher paru à Paris en 1639 ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire