PASSAGE DU COLLECTIF A L'INDIVIDUEL
SERVIETTE DE TOILETTE
En vieux français le mot touaille désigne le morceau d'étoffe qui sert à
essuyer les mains. Il donnera en anglais le mot towel. Reconnaissons aux
anglais une supériorité dans le vocabulaire. Si de touaille ils firent towel,
soit serviette de toilette, ils prirent nappe et en firent napkin soit
serviette de table. Alors que nous, nous utilisons le même mot ce qui nous
oblige à préciser serviette de table ou de toilette. Le mot toilette, vient lui
même du mot toile.
NAPPE ET SERVIETTE FIRENT UN BOUT DE CHEMIN ENSEMBLE
La nappe eut longtemps une double destination : cacher avec plus ou
moins d'élégance la rusticité de la table et permettre aux convives de
s'essuyer les mains et la bouches au cours des repas. Elle perdit cette double
identité lorsque la serviette individuelle fit son apparition.
SERVIETTE DE TABLE
C’est un linge dont on se sert pour s’essuyer les mains ou le visage et
pour protéger ses vêtements
Dans la Rome antique son usage était développé, puis il semble que la
serviette soit tombée dans l'oubli quelques siècles durant.
Manger avec les doigts à même les plats n'était chose ni facile ni
propre. Alors, l'homme trouva la solution ou des solutions différentes selon
les époques.
Lors des banquets les romains se lavaient les doigts avec une eau de
rose et de marjolaine et un esclave ou serviteur passait auprès des convives
avec une pièce d'étoffe pour leur permettre de se sécher les mains.
En l'absence de personnel de maison suffisant, les systèmes D se
développèrent. Les convives étaient inventifs
- ils pétrissaient des boulettes de mie de pain pour s'essuyer les
doigts,
- ils utilisaient la longue chevelure d'une esclave en guise d'essuie
mains,
- parfois le vêtement faisait office de serviette et longtemps les
manches servirent de mouchoir dans les classes populaires.
Savez-vous pourquoi les manches des uniformes des militaires ont des
boutons ? On raconte que Napoléon Bonaparte fit coudre des boutons sur les
manches des grognards de la Grande Armée afin d'éviter que ceux-ci ne se
servent pas de leurs manches comme d'un mouchoir.
DE L'ESSUIE MAIN COLLECTIF A LA SERVIETTE INDIVIDUELLE
Lorsque l'homme cessa de s'essuyer les mains sur ses vêtements, avec la
nape, ou la touaille, il utilisa une serviette, mais son emploi ne fut pas
systématique, loin s'en faut, dans tous les foyers.
Puis du groupe, on passa à l'individu. Par conséquent, les dimensions de
la serviette seront réduites. La mode sera aux serviettes coupées dans du
lin fin puis dans du coton souvent brodé.
LES US ET COUTUMES DE LA SERVIETTE DE TABLE
Les habitudes perdurent et pour cette raison l'essuie main et l'essuie
bouche cohabitèrent longtemps.
Aujourd'hui on se simplifie la vie, la serviette est généralement en papier à
utilisation unique comme les mouchoirs et les essuie tout.
Les invités des maisons riches utilisaient les serviettes pour emporter
des confiseries à la fin du repas (ce qu'aujourd'hui les américains nomment
pudiquement des "doggy bags").
Dans les maisons moins aisées, on apportait sa serviette. Les romains en
firent de si belles dans des étoffes si précieuses que les invités les volaient
à la fin des festins.
Jusqu'au Moyen-Age, on se lave les mains à table. Un serviteur passe
auprès de chaque hôte avec un broc d'eau, une cuvette et une serviette.
Il semble que l'usage de la serviette individuelle se soit perdu entre
l'époque romaine et la fin du Moyen Age. La renaissance fut aussi l'époque de
la renaissance de la serviette de table.
A la fin du XVe et au début du XVIe siècle, l'usage de la serviette
telle que nous la connaissons va devenir indispensable lorsqu'il fallut
protéger les fraises. Son usage se répandit à la cour de Charles VII. De
collective elle devint individuelle et, par conséquent, ses dimensions se
réduisirent.
D'abord posée sur l'épaule ou sur le bras gauche, à la Renaissance elle
est nouée autour du cou à cause des "fraises". Avec ces énormes
collerettes, il convient d'utiliser de grandes serviettes individuelles,
parfois jusqu'à un mètre de large afin de préserver la blancheur de ces cols
encombrants mais précieux. La difficulté rencontrée par les convives était de
nouer par derrière les extrémités de la serviette. De là l'expression populaire
encore en vigueur "joindre les deux bouts"
Dans les inventaires de l'époque, on trouve fréquemment des serviettes
grosses, serviettes communes, serviettes pleines ou unies, et des serviettes de
lin fin ouvragé ou ouvré de Venise, à ramage de Reims ou de Caen. Cet
accessoire joua désormais un rôle important dans l'étiquette des cours. En
effet, c'était un honneur très recherché que de donner ou de présenter la
serviette au Roi ou aux princes, et un cérémonial particulier réglait cette
cérémonie dans les moindres détails.
LES BONNES MANIERES DE TABLE
Les ouvrages concernant le savoir-vivre fleurirent au cours du XVIe
siècle.
La renaissance c'est l'épanouissement du luxe, et le linge de maison
contribue grandement à ce triomphe. Les tables sont toujours garnies de nappes
multiples, et chacun possède désormais sa serviette. Nicolas de la
Chesnaye, décrit ainsi la table dans sa "condamnation du Bancquet" en
1507.
"La table est mise gentement, nappes, touailles, serviettes".
Dans les grandes demeures, on changeait les serviettes plusieurs fois au
cours du repas et Henri III en réclamait une propre après chaque plat (les
repas se composaient de douzaines de plats...) pour chaque invité le
pliage était différent.
Le pliage de la serviette est donc déjà un art à la mode ; on en trouve
en forme d'oiseaux ou de navires. Dès le XVIIe siècle, des traités furent
édités enseignant l'art du pliage du linge de table (serviettes et nappes) dont
l'un des principaux fut celui de Mathias Giegher paru à Paris (1639).
Sous le règne de Louis XIII, on ne se lave les mains que pour les
grandes occasions ou les grands festins : un valet passe de l'eau parfumée
parmi les convives, et s'il en vient à manquer, on utilise alors le vin.
Lorsque une pièce de l'habitation fut consacrée aux repas et devint la
"salle à manger" on y faisait installer de petites
fontaines murales avec un réservoir d'eau à côté duquel se trouve une serviette,
permettant aux invités de se laver les mains. Aujourd'hui, il est fréquent de
trouver dans les toilettes, lave main, serviette d'invité et savon
Avec l'apparition du couteau individuel et de la fourchette,
l'utilisation de la serviette parfois en lin damassé se développe.
LA SERVIETTE, SIGNE EXTERIEUR DE RICHESSE
A la cour de Louis XIV, les hôtes s'essuyaient les doigts dans des
serviettes chaudes, ce qu'on nous propose encore de nos jours dans les
restaurants asiatiques.
Le raffinement allait
jusqu'à parfumer nappes et serviettes d'eau de rose, du mélilot et autres
essences.
Ce fut à partir du XVIIIe
siècle que la serviette devint un article qui par sa qualité, la finesse de son
tissu et l'importance des broderies, symbolisa le statut social de son
propriétaire. Voilà pourquoi "on ne mélange pas les torchons et les
serviettes".
A partir du XIXe siècle, les
serviettes de table brodées ou à jours, firent partie du trousseau que la jeune
fille apporte dans la corbeille de mariage. Un usage hors d'usage au XXI e
siècle en Occident.
L'époque moderne n'a pas
révolutionné le monde des arts de la table dans la manière mais dans la
technique. Le linge de maison bénéficie de toutes les évolutions techniques
touchant aux domaines des colorants, des dessins et des matériaux nouveaux.
DE L'USAGE DE LA SERVIETTE DE TABLE
Au XVIe siècle, toujours dans l'ouvrage d'Erasme, il est indiqué que
"la serviette doit pendre sur l'épaule gauche et l'on doit l'utiliser pour
s'essuyer les lèvres avant de boire"
Les convives attachent leurs serviettes autour du cou mais pour ce
faire, il faut la nouer par les deux bouts, exercice quelque peu périlleux.
Aussi l'expression relative à un équilibre financier précaire
"arriver ou ne pas arriver à joindre les deux bouts".
La taille des serviettes aura tendance à se rétrécir avec le temps et la
mode, plus de fraises pour les hommes de qualité, plus de robes volumineuses
pour les femmes coquettes.
C'est à cette époque aussi que l'on prend de nouvelles habitudes
culinaires : le café et le chocolat sont des boissons nouvelles dont la haute
société est friande. Ces dégustations seront entourées d'un cérémonial
quasiment aussi compliqué que celui du thé au Japon. On sert le chocolat et le
café sur des petites tables recouvertes d'une nappe. De petites serviettes de
couleurs agrémentées de broderies représentant parfois des scènes de la vie
bourgeoise ou des textes satiriques sont distribuées aux invités de "la
dégustation".
DU JUSTE EMPLOI DE LA SERVIETTE
Longtemps encore, nous verrons des hommes nouant leur serviette autour
du cou même dans les restaurants. Si il n'y a plus de fraise à protéger, la
cravate est un accessoire prédisposé aux taches, qu'il est nécessaire de
protéger.
Quant aux femmes, elles protègent plutôt leur robe en dépliant leur
serviette sur les genoux. Lorsque la serviette est très grande, il faut la
laisser pliée en deux sur les genoux de manière à ne pas couvrir toute la jupe.
La bienséance veut que l'on attende que la maîtresse de maison déplie sa
serviette la première et ainsi donne le signal du début du repas.
Si l'on se lève au cours du repas pour une raison ou une autre, il faut
laisser sa serviette pliée sur son siège.
A la fin du repas, il convient de ne pas replier sa serviette mais de la
laisser dépliée sur la table à côté de son assiette.
Ces rites sont toujours en vigueur, le saviez-vous?
TEMPS LIBRE ET TABLES BIEN MISES
Les arts de la table reviennent dans les foyers. Nous consacrons de plus
en plus de temps à la décoration de la table lorsque nous recevons. Les
émissions de télévision, les journaux, la mode, tout cela influence et facilite
notre mode de vie.
Les décors dépendent des festivités, des thèmes sont proposés pour les
grandes fêtes, des accessoires éphémères remportent beaucoup de succès. Les
tables sont souvent fort joliment "dressées" et pour les grandes
occasions, il nous arrive de ressortir les nappes en lin damassées et les 12
serviettes, héritage d'un passé que nous ne renions plus.
L'art du pliage des serviettes, remis à la mode avec les origamis,
devient un exercice de style auquel nous nous plions volontiers. La fonction
décorative de la serviette est perceptible. A quant la réédition de l'ouvrage
de Mathias Giegher paru à Paris en 1639 ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire