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samedi 9 mars 2019

1 -VOYAGES DANS MES SOUVENIRS TEXTILES


 VOYAGES DANS MES SOUVENIRS TEXTILES

Et c'est l’image d'une petite fille  qui  marche vers l’école  primaire du 16 rue de Sévigné.  Un ancien hôtel particulier du XVIIe siècle n'est plus une école et c'est une bonne chose car il n'était absolument pas adapté à cet usage  mais il est toujours là bien que les murs de guingoiS aient été blanchis, la cour arborée est désormais habitée par quelques oiseaux qui nichent dans les arbres centenaires . A l’heure de la récréation la cloche ne  sonne plus l'heure de la récréation ou de la sortie
Mais ce jour de juin 1956 il faisait chaud et pour aller à l'école j’avais eu l’autorisation de sortir « en taille » comme disait maman. Une jupe plissée à carreaux verts et bleus, des sandalettes en cuir blanc et semelles en crêpe et des socquettes blanches et une chemise  blanche. C’était une tenue tout à fait conforme à l’idée que l’on se faisait alors d’un vêtement confortable et fonctionnel, absolument pas un uniforme. Je volais plus que je ne marchais, parce que manteau, veste, chaussettes  montantes et bottines  reliquats d’un hiver rude étaient remisés enfin dans le placard jusqu'à l'année suivante.  Cette nouvelle tenue était le signe d'une nouvelle saison, avec elle c’est la liberté qui m’était accordée. L’air était frais,  à l'époque encore presque pur à Paris. Les saisons bien définies, l’été c'était enfin  les bras et les jambes à l’air, imperceptiblement caressés par les rayons du soleil.
Comment une tenue aussi  quelconque peu s’imprimer dans le disque dur de ma mémoire?  Je n’ai pas d’explications, mais ce que je ressens à cet instant c’est quasiment la même chose à soixante ans d’écart. Même si l’air est un peu plus pollué dans la capitale, il est frais, les rayons du soleil filtrent à travers une brume aussi aérienne qu’un organza, et moi j’aperçois ces tenues estivales qui colorent les rues.


UN VELOURS VENUS D’OUTRE ATLANTIQUE
C’était dans les années 50  bien peu de temps après la fin de la seconde guerre mondiale. En France, tout était calme, et rue de Sévigné la vie s’écoulait  tranquillement entre le magasin de tissus de mes grands parents et l'école communale située à quelques enjambées l'une de l'autre ; le marais n'était pas encore  quartier pour bobos d'ailleurs cet adjectif n'avait pas encore été inventé. Les rues étroites étaient bordées d'immeubles aux façades décrépies et sombres pour ne pas dire délabrées  qui  semblaient n'attendre que la loi Malraux pour faire peau neuve Le festival du Marais dans les années 70  donnera un nouveau souffle à ce coin de Paris  lieu magique de mon enfance entre la place des Vosges et le musée Carnavalet
Un jour de 1955 le facteur apporta à mes parents un paquet en provenance des USA. Les timbres étaient nombreux et une étiquette portant la mention air mail barrait une partie de l’emballage. Le nom de l’expéditeur ne surpris pas mes parents, il s’agissait de l'oncle d’Amérique. Eh oui nous en avions un, un vrai,  le mari de la sœur de ma grand mère. Ouvrir le paquet voilà ce qui m'importait. Quel ne fut pas l'étonnement de mon père lorsqu'apparut  un métrage de velours côtelé corail ! J’avais cinq ans et voilà peut être l’origine  de ma passion pour la couleur et les tissus. Une lettre accompagnait ce cadeau inattendu. Nos cousins d’Amérique nous pensaient dans l’embarras, je dis nous, mais je ils imaginais les français privés de nourriture et de matières premières. Pouvions nous trouver des marchandises en quantité suffisante,  pouvions nous acheter du tissu pour fabriquer des vêtements chauds pour l’hiver ? Il semble que l’information n’était pas arrivée jusqu'à Trenton petite ville américaine située à mi chemin entre NY et Washington
 Bien sûr que nous avions de quoi manger et pour nous vêtir il n’y avait pas de problème, mon grand père étant lui même marchand de tissus ! Mais après les remerciements d’usage, il fallut faire quelque chose avec cette coupe. Et le cadeau me tomba sur le dos, je veux dire sur les jambes, car la couturière transforma ce velours côtelé corail en un pantalon pour le moins voyant. Il faut un début à tout et malgré ma timidité j’assumais cet accoutrement. Imaginez les réactions des élèves lorsque vêtue de ce spectaculaire élement vestimentaire je traversais la cour de récréation. Le velours passe encore, mais corail, alors là je renversais les codes. Malgré ma petite taille, j’étais à la hauteur de ma réputation d’une fille insensible à la mode.

UNE ROBE DE PETITE FILLE D’HONNEUR 

Il faut souffrir pour être belle, que n’ai je entendu ce ridicule diction dans mon enfance. Le passage chez le coiffeur, disons plutot le friseur m’a laissé un souvenir si terrible que pendant des années j’ai refusé que l’on s’attaque à ma chevelure, j’avais bannie toute permanente et coloration de mon vocabulaire.
Le coiffeur était un ami de mes grands parents, et pour le mariage de mon oncle il fallait boucler mes cheveux baguette de tambour. Cinq ans, j’avais cinq ans et une peur panique de cette machine à bigoudis chauffants. On me mis sur la tête ces trucs chauds qui étaient sensés friser mes cheveux. Pourquoi fallut il m’infliger ce supplice ? Mes cris et mes pleurs  n’empéchèrent rien, et l’assistance c’est à dire la clientele du salon de coiffure de monsieur  Simon de la rue de Sévigné souriaient en voyant cette charmante enfant tenter de se soustraire à la permanente.
Mais c’était là le dernier acte avant la cérémonie, avant cela il y avait eu les essayages chez la couturière. Je me souviens de cette femme, aimable, patiente et habile de ces mains, qui m’avait confectionné une robe bleue  clair en organdi doublée d’une soie bleue plus foncée. Mais pour en arriver là plusieurs visites avaient été nécessaires, accompagnées d’essayages  interminables pour une enfant. Ce qui me consola c’est ce petit sac, une petite bourse en fait que je portais au poignet  fabriquée dans le même tissu que la robe. Il faut croire que cela en valait la peine,car sur les photos non seulement je frise, mais ma robe est magnifique et en prime je souris, visiblement ravie d’être en vedette entre les mariés.




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