vendredi 10 février 2023

LA LAINE PASHMINA LA VERSION LUXE DES LAINES CACHEMIRES N°1

 

Passionnés de belles histoires textiles, amateurs de légendes, inconditionnels du juste usage des mots, le parcours atypique de cette sublime fibre textile a tout pour vous séduire.


COMPLEXITES ETYMOLOGIQUES

Pashm « laine » est un mot dont l’origine perse est indéniable. Depuis le XVIe siècle, au Kashmir, pashm désigne exclusivement deux fibres d’exceptions : la laine pashmina obtenue à partir du duvet de la chèvre tchang-ra et le shahtoosh, duvet de l’antilope tibétaine. Le suffixe inâ, qui induit l’idée d’un supplément de chaleur, est venu sublimer le simple pashm. En occident, pashmina a une triple signification : la chèvre pashmina, la laine, le châle. 

Shawl, du perse sâl, un brin désuet mais d’une discrète élégance, à l’image de la sobriété luxueuse d’un pur pashmina. Alors dans ce post j’utilise shawl lorsqu’il s’agit de l’exceptionnel, et châle terme plus «up to date» pour les articles disons plus ordinaires


LE NEC PLUS ULTRA DES LAINES CACHEMIRES  

Au Ladakh « le pays des cols », une région située au nord de l’Inde entre le Tibet et le Cachemire, vivent les Tchang-pa, tribus de bergers nomades, qui élèvent sur le plateau du Tchang Tang les chèvres tchang-ra dont le duvet d’hiver fournit la laine pashmina.    

Une race de chèvre endémique s’est développée au Ladakh et se différencie de sa famille d’origine, capra hircus laniger, par sa morphologie et son métabolisme adaptés aux conditions de vie extrêmes du haut plateau du Tchang Tang qui s’élève à plus de 4500 m au-dessus du niveau de la mer.  

La pashmina est la plus belle qualité des laines « Cachemire » et c’est avec le plus grand soin que les bergers tchang-pa  s’occupe de ce cheptel,  conscients que ce précieux patrimoine est  leur unique source de revenu, leur seul moyen de survie 

  

LA  FIBRE DE TOUS LES EXTREMES  

Les chèvres tchang-ra vivent sur le plateau du Tchang Tang à une altitude qui s’échelonne entre 4500 et 5000 m.

La région est sèche, la pluviométrie quasiment nulle. 

La végétation clairsemée est riche en minéraux grâce à une irrigation naturelle due aux minuscules ruisseaux.   

La température en hiver atteint - 40° frôlant parfois les -50°. 

La qualité du duvet est impactée par les conditions climatiques et varie d’une année à l’autre, tout en restant toujours supérieure à celle des autres cachemires. 

Un hiver rigoureux augmente la densité du duvet et accroit l’isolation thermique. 

La qualité du duvette mesure par une finesse de moins de 16 microns, la longueur du poil environ 36mm, la couleur gris, beige, écru et blanc.   

Ces records justifient le prix élevé de ce trésor.


 PASHMINAH OU CACHEMIRE, LA EST LA QUESTIONPuisque l’on sait que tout pashmina est cachemire mais que tout cachemire n’est pas pashmina, il est temps de mettre de l’ordre dans ce désordre. 

LA PART DES CHOSES

Les chèvres du Tibet, élevées en masse en Chine et en Mongolie, ne sont pas confrontées aux mêmes conditions de vie que leurs congénères du Ladakh. L’altitude des hauts plateaux où elles vivent ne dépassent guère 2 000m et les températures n’atteignent pas de records vertigineux, ce qui explique la différence de qualité du duvet : moins compact donc moins chaud, avec un diamètre au mieux de 19 microns. Si leur duvet est aussi une laine cachemire, sa qualité est inférieure à celle des de la laine pashmina. L’origine géographique de la laine influe sur sa qualité. 


UN LABEL AMBITIEUX MAIS SANS VALEUR COMMERCIALE

Depuis 2008, il existe un label indien d’authentification pour le tissage pashmina : « N’est Pashmina qu’un article artisanal fabriqué avec la laine des chèvres tchang-ra du Ladakh et tissé par des artisans sur des métiers manuels dans les ateliers du kashmir à Leh ou à Srinagar ». Malheureusement, ce label demeure sans effet, le nom Pashmina n’ayant jamais été déposé.


LE TRIO GAGNANT : chiru, chèvre tchang-ra, vigogne.

Les qualités intrinsèques de la laine pashmina (finesse, souplesse, légèreté, propriétés thermiques) en font un produit rare et très convoité. En conséquence, une des fibres textiles des plus onéreuses avec la laine de la vigogne que les incas nommaient « laine des Dieux », hormis le shatoosh, dont la laine est obtenue à partir du fin duvet du chirou (antilope tibétaine) dont le commerce est interdit depuis 1979 car sa production intensive menaçait l’espèce d’extinction. Le chirou est un animal sauvage qui ne peut être ni domestiqué, ni tondu et qu’il faut tuer pour en récupérer le duvet. 

Le shatoosh, encore une incursion dans le vocabulaire perse, de Shah = roi et toosh = toison ou tissu, donc tissu des rois et roi des tissus. 


QUI TROP EMBRASSE MAL ETREINT

L’antilope tibétaine ne fut pas la seule espèce animale de la région à frôler l’extinction, la survie de la race de chèvre capra hircus laniger est désormais menacée. A force de vouloir augmenter la production de laine cachemire pour répondre à la demande croissante d’une clientèle peu regardante sur la qualité, les clonages et autres croisements entre chèvres cachemire et d’autres races ont abouti à la quasi extinction de la race originelle. La chèvre chang-ra avait échappé à ces manipulations génétiques jusqu’en 2012, date du premier clonage qui donna naissance à Noori !

Le saviez vous ? Les chèvres caprahircus laniger sont à l’origine d’un chamboulement de l’éco-système. En Chine et en Mongolie,  pour accroitre la production de cachemire, la multiplication des élevages intensifs provoque un désordre écologique aux conséquences inattendues : la désertification partielle de territoires situés en Mongolie intérieure est due à l’accroissement des terres de pâturage (pour se nourrir les chèvres arrachent une végétation déjà rare avec les racines. Après leur passage, plus rien ne repousse).

Les vents violents qui se lèvent en Mongolie emportent vers Pékin poussières et sable que plus rien ne retient au sol. Le gouvernement de la région mise en cause a réduit drastiquement le nombre de pâturages afin de laisser une chance à la flore originelle de renaître.


 L’ACCESSOIRE  UN PARCOURS CHAOTIQUE

Shawl, encore un emprunt à la langue perse, un mot désuet mais emprunt d’une indicible élégance qui convient au luxe sobre d’un pur pashmina. En Asie Centrale et surtout dans l’Inde des maharajas ce long rectangle en laine douce et chaude drapait indifféremment, au temps de sa gloire, le corps des hommes et des femmes, membres des castes supérieures, population privilégiée, hauts dignitaires et courtisans. En Europe au XVIIIe et début XIXe siècle, le shawl importé du Kashmir par les britanniques, était un article rare, coûteux et presque fonctionnel ! Il se fit indispensable bien que dispendieux, au moment ou la mode se proposait d’habiller les femmes avec des étoffes diaphanes. Ainsi, ses qualités intrinsèques en firent un remède élégant contre les courants d’air. Lorsque les britanniques inondèrent le marché européen avec des châles pashminas produits en masse et à moindre prix, l’objet exceptionnel devint ordinaire et jamais, jusqu’à nos jours le mot pashmina ne retrouva sa véritable identité en Occident. C‘est aujourd’hui’ un terme générique renvoyant l’image d’un modeste accessoire de mode aux matières indéterminées, aux prix attractifs mais sans âme. Si les mots ont un sens, alors rendons au shawl en laine pashmina ses lettres de noblesse, pour le plaisir des yeux si ce n’est pour le posséder.    


TRICHER N’EST PAS JOUER

Tout le monde en parle, tout le monde en vend, tout le monde en veut, sachant qu’une chèvre  tchang-ra ou chèvre pashmina fournit environ150 g de duvet exploitable chaque année, comment expliquer cette profusion d’articles sur le marché mondial sinon par un tour de passe-passe ou une confusion de matière première ? L’exceptionnel est rare et la quantité de laine pashmina vendue sur le marché international n’est que de 0,5% de la production mondiale.


A SUIVRE 



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