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lundi 15 juillet 2024

 

KABIG, KABIC, CABAN : UN ,DEUX , TROIS , TISSU.

UN VÊTEMENT EN TROIS MOTS
Ce mot cabic est d'origine bretonne, cab  désigne une cape, alors que le mot caban est d'origine arabe,  gaba, caba ou qaba  désignant une grande veste , un vêtement de protection, on pourrait dire un manteau, à manches longues, porté par les bedouins

Le terme kabig désigne à la fois une veste sportswear, longue croisée haut sur la poitrine, mais aussi le tissu dans lequel elle est taillée. Le drap caban ou kabig est le terme utilisé pour désigner un gros drap de laine, (cardée, foulée, serrée).

SUR TERRE ET SUR  MER
Longtemps ce tissu de laine épais, presque raide, imperméable et chaud fut destiné aux vêtements des marins. Mais même à terre, les anciens marins gardèrent l'habitude de porter le caban .
En effet, si les goemonniers ramasseurs d'algues sur les côtes bretonnes, surtout dans le Finistère portaient le caban c'est sans doute parce qu'ils étaient d'anciens marins.  Le caban leur était tout aussi utile à terre.
Aujourd'hui le caban se porte en ville, à la campagne et parfois encore sur les cotes du littoral.

PAS DE  HASARD MAIS DE LA NÉCESSITÉ
 Qu'il s'agisse du caban ou du duffle cota on retrouve le double boutonnage. Il ne s'agit pas d'une décoration anecdotique. Ces vêtements  étaient destinés à protéger les marins du vent et de la pluie. Le coté fonctionnel est mis en avant dans les détails.Un double boutonnage permettait de  fermer le caban du coté opposé à celui d'où venaient le grain
Un grand col peut se relever et se fermer par deux boutons au niveau du cou mettant le cou et la nuque à l'abri du vent et de la pluie
Deux poches extérieures inclinées permettent de garder les mains au chaud plus commodément.
Les deux poches intérieures sont destinées à conserver des articles plus précieux
 Les boutons sont plats et assez gros pour pouvoir les manipuler avec des gants sans problèmes et surtout pour ne pas s'accrocher aux cordages
Il est court, et s'évase légèrement afin de ne pas gêner les manoeuvres
La longueur des manches inhabituelle permettait de garder les poignets et les mains au chaud

UNE ORIGINE ORIENTALE
Si le caban fait partie de la tenue réglementaire dans la marine Nationale depuis 1853, il est apparu dans sa forme primitive au 17e siècle à Venise, dans une cargaison venue d'Orient. On mentionne un vêtement en laine avec des manches et un capuchon. On peut imaginer un article proche au niveau de la forme d'un burnous, d'une gandoura ou d'une djellaba.
Venise était le lieu où  toutes les marchandises se rencontraient, celles qui venaient d'Occident et celles qui venaient d'Orient. Les cahiers de tendances n'existaient peut être pas encore, mais la mode n'a cessé d'emprunter ici pour ajouter là. La mixité est toujours un élément qui fait avancer le monde et  bouger la mode

UN VETEMENT OFFICIEL
Le terme caban est cité dans l'ouvrage de monsieur Pingeon en 1786 " Manuel des gens de la mer":
 employé en marine à propos d'une capote courte de marin, à manches et à capuchon recouverte d'une toile goudronnée
Une ordonnance de cette même année précise avec  plus de détails  la tenue vestimentaire à bord des vaisseaux:"dans les campagnes du nord, sa majesté fera embarquer une certaine quantité de capotes nommées cabans, des bottes et des gants de lain. Un des dits caban servira pour deux matelots, étant particulièrement destinés pour ceux qui sont de quart."

HIER ET AUJOURD'HUI
Une veste trois quart, marine, en laine raide et imperméable, croisée avec des boutons dorés, argentés, marine, décorés d'une ancre, ou tout simples , appartient toujours au vocabulaire des gens de la mer. Porter un caban sur terre  pour un civil en promenade, c'est un peu porter la caquette de capitaine lorsque l'on rêve de naviguer sur un yacht.  Dans les années 1970  le caban est devenu comme le jean, le duffle coat ou  le trench,  un article consacré par le cinéma qui lui donne droit de cité dans les villes.

IMPERMÉABLE OU IMPERMÉABILISÉ?
 Imperméable tout court. A quoi la laine doit elle cette qualité ? Pour obtenir un drap de laine le foulage est très poussé, et le tissage très serré. Autrefois ces articles étaient coupés dans des lainages non dégraissés. La suint constituait une  imperméabilisation naturelle. C'est pour ces raisons que   le drap caban est une étoffe lourde et plutot raide. Les couleurs  les plus courantes sont  sombres : marine, noir ou gris. Mais un drap caban écru, jaune ou rouge n'est pas chose introuvable.
Au XVIIe siècle, les marins fabriquaient eux même leur caban. Pour imperméabiliser la laine, ils l'enduisaient d'un mélange de suif, de goudron et d'essence de térébenthine.

COSTUME OU DEGUISEMENT?
 Aujourd'hui sur les côtes bretonnes ou normandes, les touristes jouent le jeu. Caban marine, pull marin rayé made in France, bonnet en laine et le tour est joué, mais pas toujours gagnant.  Trop c'est trop, et on peut friser le ridicule en se parant " breton" de la tête aux pieds. Ne passe pas pour un autochtone qui veut.

L'AUTHENTIQUE EST DEVENU UN LUXE
A l'adresse des non initiés, les cabans sont rarement coupés dans un vrai kabig de qualité.  Il ne s'agit pas d'un article sophistiqué. Son coté rustique l'emporte dans la version utilitaire. On trouve des cabans  taillés dans un beau cachemire mais de nom il n'a que la forme, le fond finalement n'a plus d'importance  Il ne suffit pas d'écrire caban sur l'étiquette pour que vous endossier un véritable cabig.
Ne vous fiez pas uniquement au détail de l'ancre sur le bouton, soyez attentif à la qualité du tissu. Le pur laine est à privilégier si vous voulez un article qui se patine avec le temps, sans pour autant mal vieillir.
L'acquisition d'un cabig n'est pas un achat banal, ce n'est pas un article de consommation /jetable, non c'est un bel objet.  Ce que j'aime dans ce type de tissu, c'est que l'on peut faire un bout de chemin ensemble, chacun prendra quelques rides, et puis après... On se fait l'un à l'autre comme de bons et vieux amis. Et si vous recherchez cet accord vêtement/corps vous êtes fait pour vous entendre avec votre caban en cabig.








































vendredi 31 mai 2024

ECOSSAIS


UNE ÉTYMOLOGIE SANS SURPRISE OU PRESQUE                                           Ecossais vient de escochois, c’est-à-dire, Ecosse. En vieux français, on trouve le mot escot du bas latin scoti, désignant les habitants de la Calédonie. Lorsque le terme est utilisé dans le vocabulaire textile, il désigne un motif et non un tissu.


UN MOTIF UNIVERSEL                                                                                                       Peut-on affirmer que ce motif baptisé écossais appartient à un seul peuple ? Pas si sûr! Ce dessin crée par des rayures verticales et horizontales se croisant à angle droit, a été retrouvé sur des vêtements couvrant une momie particulièrement bien conservée dans l’Ouest de la Russie. Il semble que, dès l’apparition du métier à tisser, l’option « rayures et carreaux » ait été adoptée par de nombreuses civilisations. L’exemple du madras permet de comprendre que le partage des cultures est sans frontière. Le sud de l’Inde fut occupé pendant le 19ème siècle par les écossais. Les tisserands indiens se sont alors simplement inspirés des nombreux tartans qu’arboraient les fiers écossais pour en faire des créations à leurs goût avec la matière première qu’ils avaient à portée de main : la fibre de bananier et le coton. Ainsi naquit le madras, mis à l’honneur par les antillaises. Des Indes aux Antilles françaises, les « mouchoirs de tête » vivement colorés, ont traversés les océans avec l’Aurélie, un navire parti de Pondichery en 1854 avec à son bord quelques centaines d’ouvriers indiens qui venaient travailler avec, en poche, un contrat de 5 ans et quelques carrés de madras. Les femmes antillaises furent séduites par ces cotonnades légères et colorées. Il n’en fallut pas plus pour que ce tissu, venu de la région de Madras, fut adopté par les antillaises.La manière dont les femmes célibataires portaient les madras était autant des messages codés destinés aux hommes. A eux d’apprendre à les lire…

TARTAN                                                                                                                                  A l’origine, c’est le terme qui prévalait pour décrire ce type de motif, le mot écossais étant  plus utilisé par les étrangers que par les autochtones. Le kilt écossais est taillé dans un métrage de tartan. Le tartan traditionnel est un sergé de laine, caractérisé par des carreaux de couleurs diverses, motif typique des peuples celtes.  On retrouve cet agencement de bandes colorées en Irlande. Par analogie, tartan fut associé à un tissu de coton ou de tout autre fibre dont le motif offrait des similitudes avec le traditionnel tartan écossais, c’est-à-dire d’Ecosse, d’où la confusion. Le Falkirk Sett tartan, le plus ancien tartan trouvé sur les îles britanniques, est daté du IVe siècle. 


ÉTYMOLOGIE FRANCO/BRITANIQUE

On peut retrouver l’origine du mot tartan dans le mot tartarin qui, en anglais, désigne le drap de tartarie mais qui, vraisemblablement, est une variante du mot français tiretaine, grossière étoffe de laine ou de coton. Le terme gaélique pour tartan est Breacan, c’est-à-dire : carreau. Tout est dit.

SETT = MOTIF ÉCOSSAIS

Le terme sett en gaélique signifie pavé ou carré, ce qui correspond parfaitement à l’organisation des rayures. Les premiers tartans étaient très simples, construits avec quelques rayures et deux ou trois couleurs. Les plantes tinctoriales, les lichens, les fleurs séchées, les racines locales étaient utilisées par les teinturiers, ce qui explique cette restriction. Chaque région, chaque vallée avait ses couleurs et, par conséquent, les habitants étaient facilement repérables lorsqu’ils voyageaient dans une autre région. L’apparition des couleurs chimiques favorise la multiplication des dessins, contrariant ainsi le repérage des « intrus ». 

Le sett est caractérisé par l’alternance du croisement des bandes horizontales et verticales, constituées de fils colorés. L’armure choisie pour le tissage est le sergé, permettant ainsi une vibration des couleurs et une lisibilité des obliques ou zébrures dans les zones claires. A l’intersection entre deux bandes colorées, les couleurs se mélangent et il en résulte la création d’un carreau, d’une nuance ou d’une couleur différente. 

ÉCOSSSAIS /CARREAUX

L’écossais est devenu un terme générique qui désigne un tissu présentant des bandes horizontales et verticales formant des carreaux de coloris plus ou moins vifs différents du fond.

Pour les puristes, les plus beaux tissus écossais sont tissés en pure laine avec une armure sergé 

et ils sont intraitables sur le fait qu’il convient de différencier un tissu écossais d’un tissu à carreaux : la taille et la régularité des rayures font la différence.

– les tissus écossais sont basés sur la répétition à l’infini des carreaux obtenu par le croisement des bandes de couleurs dans la chaîne et dans la trame ;  

– les tissus « à carreaux » sont faits d’un arrangement régulier de petits ou grands carrés de fils clairs et foncés. Le carreau est un dessin plus simple que l’écossais.

DU CLAN AU TARTAN

Le clan, au sens de groupe social issu d’un même ancêtre, est emprunté au gaélique clann, c’est-à-dire : enfant. Lorsque le cercle familial s’agrandit, la famille se transforme en groupe portant le même nom et reconnait l’autorité de son chef qui rend la justice et protège ceux qui lui ont prêté allégeance. Le fils succède à son père et ainsi, le nom de famille de perpétue en écosse en commençant par Mac, c’est-à-dire : fils. Cette organisation sociale était très particulière et générait des luttes entre les clans devenus très puissants.  Jusqu’au XIXe siècle, au sein de la tribu, chaque individu était libre de choisir son tartan, dans la gamme proposée par les drapiers. Ce n’est qu’au XIXe siècle que le tartan va se figer, que chaque clan va choisir son sett. Ainsi donc, la tradition ancestrale du tartan associé à un clan n’est qu’une légende.

LE CHOIX DES COULEURS ET DES MOTIFS DES CLANS EST DIVERSEMENT INTERPRÉTÉ   

Pour les uns, le choix des couleurs était fonction des régions et des plantes, des fleurs, des lichens, des racines, des baies qu’on y trouvait ; logique !

Pour d’autres, le prix de la laine et des teintures. Ainsi, les tartans marquaient avant tout le statut social du propriétaire. Les tartans des nobles ou des plus aisés écossais étaient plus colorés (rouge, or, orange) que les tartans des classes sociales inférieures (noir, brun, bleu, marron). Le prix d’un tartan était fonction du nombre de couleurs, des nuances et de la complexité du sett.

DU TARTAN AU PLAID

Dès le XVIIe siècle, les habitants des hautes terres écossaises utilisaient des tartans très colorés pour fabriquer des plaids, mot gaélique synonyme de tapis ou de couverture de laine à carreaux. Utilisé  comme protection contre le froid et l’humidité, simplement jeté sur l’épaule comme une cape, le plaid était le compagnon des hommes des classes populaires, surtout par mesure d’économie, les vêtements coupés cousus étant trop onéreux. Ce rectangle d’étoffe se transforma au cours des ans.  Drapé autour de la taille en jupe qui, d’un côté, descendait jusqu’aux mollets et, de l’autre, était rejeté sur l’épaule en couvrant une partie du buste, à la manière des toges romaines. N’oublions pas que les romains, s’ils n’ont jamais occupé l’Ecosse, avaient tout de même fait quelques tentatives qui se soldèrent par des échecs.

Si les ouvriers des Highlands portent le plaid, c’est surtout par habitude et par économie. Lorsque le prix de la laine diminuait, la vente des plaids s’accentuait. Cette région de l’Ecosse ne favorisait pas l’exploitation des terres difficiles à cultiver, la population était, dans l’immense majorité, très pauvre et les vêtements coupés cousus trop onéreux. A l’inverse, les habitants des basses terres n’ont pas adopté le plaid, le climat ne les incitait pas à se protéger de cette façon et le rendement des terres agricoles étant meilleur, leurs ressources financières leur permettaient de porter des vêtements plus élaborés.

DU PLAID AU KILT

En 1707, les royaumes d’Ecosse, d’Irlande et d’Angleterre furent réunis par l’acte d’union pour former le royaume uni, mais les tensions entre les  régions ne cessèrent pas vraiment.

Au début du XVIIIe siècle, les anglais tentèrent encore d’affaiblir les clans, notamment en construisant routes, ponts et usines créant ainsi des emplois pour les autochtones. C’est ici qu’intervient le rôle de Rawlinson, directeur d’une fonderie à Glengarry. Il imagina en 1720 qu’en raccourcissant le plaid classique, les ouvriers de son usine seraient plus libres de leurs mouvements. Parce que travailler en portant six mètres de tissus drapés à la romaine jouant à la fois le rôle de jupe et d’écharpe, ce n’était pas évident. Selon la légende, Rawlinson confia son idée à un tailleur d’Iverness qui proposa de couper le plaid en deux, l’un des deux morceaux deviendra une jupe portefeuille plissée derrière et sur les côtés, fermée sur le devant par le chevauchement des extrémités du tissu et une broche ; et l’autre morceau de tissu sera l’écharpe, tenue portée uniquement par les hommes. Légende sans doute car le plaid court se portait déjà bien avant cette version des faits.

DU KILT AU NO KILT

En 1746, les écossais se révoltèrent afin de retrouver leur indépendance. Ils furent défaits à Culloden, localité écossaise. Ce sont les anglais avec, à leur tête, le duc de Cumberland, qui remportèrent la victoire. Le prix à payer pour cette défaite fut dans la logique du vainqueur : la publication par le parlement d’un Dress Act en 1747, réclamant la suppression de tout signe de scotitude : prohibition du port du kilt et du tartan, désarmement des hommes et interdiction d’utiliser le gaélique,  renoncement aux chants écossais et à l’usage de la cornemuse. Pendant presque 40 ans, tout écossais portant un vêtement traditionnel ou un article vestimentaire taillé dans un tissu quadrillé aux couleurs vives pouvait être puni et encourrait des peines sévères de six mois de prison à sept ans de déportation dans les colonies. Le vote du non au brexit serait-il une réponse, tardive certes, mais intentionnelle à Culloden ?  

LE TARTAN TOMBE EN DESUETUDE

1785, le Dress Act est abrogé, l’usage du tartan rétabli. Mais quarante ans ont passé et les highlanders ont oublié le plaid : ils ont pris l’habitude de se vêtir comme les lowlanders, c’est-à-dire en habits coupés cousus. Ils furent pour le moins réticents à revêtir des tartans d’une autre époque. 

CHACUN CHERCHE SON SETT

1815, la Highland Society of London demande aux chefs de clan de se présenter aux réunions avec le tartan de leur famille dans l’optique de préserver leur patrimoine. C’est le début de la régularisation des tartans par clan. Mais à l’évidence, ces chefs, considérés comme des aristocrates, avaient depuis longtemps quitté les hautes terres pour gérer leurs propriétés depuis Londres et les liens avec la tradition s’étaient distendus. Il leur fallut chercher dans les rares archives le sett de leurs ancêtres. Difficile mission, qui fut manifestement vouée à l’échec. Alors, plus d’un chef emprunta des chemins détournés en s’inventant un sett. Libre choix aux manufacturiers pour trouver de nouveaux agencements des bandes colorées. 

LE TARTAN GARANT DE LA TRANSMISSION DES TRADITIONS  

Ainsi le kilt, vêtement délaissé par les classes populaires, fut adopté par les membres de la haute société, vivant souvent dans des régions éloignées de leurs ancêtres. Le tartan marque une appartenance sociale, c’est devenu un lien qui relie les expatriés à leur terre ancestrale. Libre à chacun de s’y associer ou d’y renoncer.


LA JOURNÉE DE LA JUPE (ECOSSAISE)

Le regain d’amour des Anglais pour l’Ecosse débuta avec la visite officielle du roi George IV à Edinbourg en 1822. C’est sir Walter Scott, chantre dans ses romans de la vision romantique de l’Ecosse, qui fut chargé d’organiser les festivités en l’honneur de l’arrivée du roi. Scott demanda aux chefs de clan de se présenter, lors de la réception, vêtus de leur tenue traditionnelle, c’est-à-dire du kilt ou jupe courte taillée dans un tartan. Ce fut à eux de décider quel serait le choix du sett de leur clan et celui adopté fut porté par toute la famille. Walter Scott porta les couleurs du clan Campbell alors que le roi fut vêtu d’un kilt  aux couleurs des Stuart.

L’USAGE FAIT LOI

A l’occasion d’une cérémonie à la gloire de la culture celte devant les chefs de clan, le roi George IV suggéra que les représentants de l’Ecosse revêtent leur tartan traditionnel lors des cérémonies officielles. Cette initiative fut une belle performance politique et donna au roi une notoriété qu’il n’avait jamais eue. Les conséquences de ce qui n’était qu’une suggestion furent inattendues. Les lowlanders, qui ne portaient pas le kilt et qui détestaient les highlanders, se trouvèrent dans l’obligation de se vêtir ainsi au nom de l’unité écossaise. Ainsi, d’une simple proposition naquit une véritable institution.

C’est donc à ce moment qu’il fut établi qu’il y avait correspondance entre un tartan et un clan. 

Depuis, lors les chefs de clan portent le costume traditionnel et arborent le kilt aux couleurs choisies par le clan lors des cérémonies officielles en Ecosse. La reine Elisabeth ou le prince Philippe ne font pas exception à la règle.

A la fin du XIXe siècle, il semble que rois et reines aient tenté de gommer cet affront fait aux écossais. Ainsi, le couple royal, Victoria et Albert, permit de nouveau le port du kilt et ce fut, en Grande-Bretagne, un engouement incroyable pour tout ce qui était écossais. C’est ainsi que le tissu écossais devint à la mode dans toute l’Europe, tant en habillement qu’en ameublement. Le prince Albert, époux de la reine Victoria, créa son propre clan : Balmoral.

La Reine Victoria elle même, utilisa une étoffe écossaise pour meubler quelques pièces de son château de Balmoral.

Aujourd’hui, pour le régiment des Highlanders, le kilt est devenu un uniforme militaire. Si la question de savoir si les écossais portaient ou portent un sous-vêtement sous leur kilt vous préoccupe, sachez qu’en ce qui concerne les classes élevées de la société il semble que sous le kilt, les hommes portaient des culottes courtes nommées trews. En ce qui concerne les soldats vêtus du kilt, la question ne se pose pas, ils portent le kilt et simplement le kilt !

LE XIXe SIECLE ET LA « SCOTOMANIA »

Pour tenter d’apaiser les tensions entre l’Angleterre et l’Ecosse, pour effacer l’affront de Culloden à la fin du XIXe siècle, le couple royal Victoria-Albert se lança dans une surenchère bienveillante utilisant à tord et à travers «le sett », tentative qui réussit au delà de toute espérance. En premier lieu, le port du kilt fut de nouveau autorisé. Aujourd’hui encore, pour le régiment des Highlanders, le kilt est un uniforme militaire. Cet engouement pour tout ce qui était écossais remit de fait au premier plan le tartan dans l’ameublement comme dans l’habillement. Le motif va conquérir l’Europe. Au XXIe siècle, le tartan est toujours présent dans les collections Haute Couture et dans le prêt-à-porter. Mais derrière cette touche aimablement colorée, il demeure encore chez certains grands noms de la Haute Couture le souvenir douloureux de Culloden. Ainsi, Alexander Mac Queen, trouva t’il un moyen pas vraiment détourné d’exprimer sa rage en osant, en 1995, une collection insolente baptisée Highland Rape — le viol des Highlands — transformant le lieu du défilé en scène de bataille pour signifier que les anglais tentèrent jadis d’anéantir la culture écossaise en supprimant le droit de porter le kilt pour les civils, symbole emblématique s’il en est. Le sol est jonché de bruyère et le tartan se porte en pantalons patte d’éléphants, en déshabillé terminé de tulle ou en veste vinyle. Vivien Weswood ne fut pas en reste, proposant dans des modèles un grand nombre de vêtements taillés dans des étoffes à motif écossais.


Plus qu’un simple tissu pour certains, l’écossais sait s’adapter à toutes les occasions, selon les fibres utilisées (coton, soie, laine, lin, viscose, acétate), les vêtements auront des destinations différentes : jupes, pantalons, vestes, robes, pyjamas, chaussettes…

Les hommes n’ont toujours pas renoncé à l’écossais, alors que les chemises à fleurs des années 60 sont oubliées, un  zeste d’écossais existe encore dans le dressing masculin.

L’écossais est dessus mais aussi dessous lorsqu’il est utilisé comme doublure. Les fameux imperméables Burberry’s ne sont-ils pas doublés avec cet inimitable tissu ocre, rouge, noir et beige, reconnaissable entre tous, devenu le signe distinctif de la marque, qui permit la création d’une gamme d’accessoires tels des écharpes, des chapeaux, des casquettes, des parapluies, des bagages, des sacs…

Ce qui a changé, c’est l’appropriation de l’écossais par la gente féminine. Si les femmes des clans écossais n’étaient pas autorisées à porter le kilt, elles avaient, en guise de compromis, le droit de porter un élément « écossais » dans leur tenue vestimentaire le curraichd, simple manteau de lin, agrémenté de rubans de tartan sur les épaules et à la ceinture. Au XXIe siècle, lors des cérémonies, la robe tartan était de mise, aux couleurs du clan sur un fond blanc. Nous avons toutes eu au moins une pièce écossaise dans notre garde-robe. C’est la décontraction, la bonne humeur, le plaisir de porter haut des couleurs, de la fantaisie au quotidien.Les tissus écossais sont en bonne place chez les éditeurs de tissus d’ameublement. La mode va et vient et les écossais demeurent. (murs, dessus de lit, nappes, canapés). La liste est longue, la gamme de couleurs vaste, le choix immense, pensez y. Une touche de fantaisie c’est très appréciable, surtout lorsque l’étoffe à une histoire.



UNE CERTAINE IDÉE DE LA DIÉTÉTIQUE VESTIMENTAIRE

  


CONFORT ET FONCTIONNALITE  
Si devenir l’architecte de nos habits nécessite un savoir faire très particulier, laissons aux vrais professionnels le soin  de rendre nos vêtements  quotidiens plus aimables, plus confortables sans perdre de vue qu'ils doivent demeurer fonctionnels.Connaître le fonctionnement du corps humain  pour fabriquer le vêtement qui lui convient  c'est  ce que tout créateur devrait prendre en compte et c'est l'idée développée dans ce post

LA VERTU DES IMPODERABLES
Si à la suite des nombreux scandales touchant le secteur agroalimentaire,  l'accès à l'information  est devenu plus accessible pour le consommateur lambda,  le domaine du textile a  bénéficié de ce sursaut de réalisme contribuant  à modifier le comportement d'une clientèle bien trop naïve . 

 LE POUVOIR DES CONSOMMATEURS
Etre un consommateur  exigeant, averti, suppose une certaine dose d'assertivité. Bien des reproches peuvent être fait à Google, mais une fois n'est pas coutume c'est une aide précieuse.
Nous avons  le pouvoir d'acheter ou de boycotter un article  ainsi on peut espérer que les industriels, quel que soit le secteur d'activité, prendrons en compte la demande du public. Si nous voulons savoir ce que nous achetons dans le domaine vestimentaire, il faut que les fabricants annoncent  clairement ce qu'ils vendent sur les étiquettes de composition et que les conseillers de clientèle soit en mesure de fournir  des informations  vraiment fiables. Je souhaite que le commerce devienne réellement équitable, qu'il n'y ai plus un face à face consommateur/fabricant, mais un juste côte à côte.  
 
DIETÉTIQUE  VESTIMENTAIRE 
Si nous, clients, réagissons ainsi, c’est que nous sommes conscients que des efforts sont nécessaires pour mieux vivre et vivre plus longtemps. 
Avoir une alimentation équilibrée et faire un peu d’exercice  physique c'est bien mais pour parfaire ce parcours pourquoi ne pas ajouter un régime vestimentaire  ? 

VOUS LE SAVIEZ !
Au cours de notre vie, nous passons plus de temps vêtus que nus. Au quotidien, notre peau, le plus grand de nos organes, est en contact continu avec une étoffe, qu’il s’agisse de vêtements, de sous-vêtements de linge de  maison et c’est souvent là, si j’ose dire, que le bât blesse. Cette proximité peut avoir des effets, néfastes ou bénéfiques, sur la peau. 
Nous sommes agressés par notre environnement et les répercussions sur notre santé sont visibles :  les toxines contenues dans l’air qui vous entoure ne sont pas innocentes, on se rend compte aujourd’hui du danger des particules émises par le gaz d’échappement des voitures utilisant le diesel, récemment on a découvert les vices des soit-disant vertus des bougies d'ambiance, et cette liste n'est pas exhaustive, vous pouvez y ajouter vos "trouvailles du jour"
Le succès des crèmes hydratantes pour le corps et le visage, des produits qui protègent notre peau des agressions climatiques et surtout de la pollution urbaine en sont la preuve. Autant ne pas en rajouter. Si nous ne pouvons pas faire grand chose contre la pollution des villes, nous pouvons au moins réduire les risques inhérents aux vêtements et aux textiles. N'oublions pas que le vêtement est aussi une protection.
 
L'ANATOMIE ET LE STYLISME
Stylistes et fabricants, semblent n'avoir que bien peu de considération pour le corps humain.  Le client est trop souvent considéré comme "un porte manteau" équipé d'une carte de crédit.L’étude de l’anatomie devrait être une matière enseignée aux futurs créateurs de mode. Le vêtement se doit de respecter le mode de fonctionnement du corps. Si les industriels s’efforcent d’accroître notre confort en mélangeant aux fibres de l’élasthane, c’est une façon de cacher le problème, pas de le résoudre. 
Pourquoi ne pas créer une ligne de vêtements conforme à la morphologie humaine, sans chercher à la transformer,  avec des jeans slim,  des tailles uniques, des escarpins aux  talons vertigineux? Les excès de la mode  ont toujours trouvé des victimes consentantes, souvenons nous des corps à baleines ! 
Le sur-mesure l'étape ultime de la sophistication, est devenu   une utopie compte tenu des tarifs, mais la demie mesure est une solution envisageable si votre silhouette n'entre pas dans les codes du prêt à porter. 

SE VETIR N’EST PAS UN ACTE ANODIN
Ceci n’est ni une supposition gratuite ni une vue de l’esprit mais un constat. Etre à l’écoute de son corps et  oublier les vêtements qui par leur forme occasionnent une gêne voir un dis-fonctionnement.                Une veste trop ajustée, mal coupée ou trop lourde, une robe coupée à la taille, une chemise trop  étroite, peuvent avoir des répercussions sur  la respiration, la  circulation sanguine, et sur la digestion mais aussi sur nos muscle et notre squeletteLa conséquence de la nocivité de certains traitements chimiques appliqués sur les fibres textiles lors des différentes opérations de transformation, depuis la fibre jusqu’au tissu, a des répercussions sur notre organisme qui n'est pas naturellement préparer à  lutter contre ces agressions vestimentaires. A vouloir à tout prix booster les qualités intrinsèques de certains textiles, l'industrie joue avec  notre santé.

APPRENDRE À SE VÊTIR
Le vêtement tel que nous occidentaux le concevont n'est en fait qu'une béquille qui affaiblit notre corps au lieu de le fortifier. En effet contrairement à ce que l'on pourrait croire, trop se couvrir pour lutter contre le froid ou trop se découvrir lorsqu'il fait chaud ce ne sont pas les bonnes solutions. Surprotéger n'est pas protéger. Enfiler un vêtement ne sera plus un geste innocent lorsque vous saurez que la coupe et la forme sont des éléments déterminants pour votre bien-être La nature même des fibres textiles, les additifs chimiques censés améliorer les performances des tissus (imperméabilisation, infroissabilité etc…), les produits utilisés pour la teinture ou l’impression, c’est-à-dire une grande partie de ce que fabrique l’industrie dite d’ennoblissement (je trouve le mot trop joli pour êtren toujours honnête) peuvent être  préjudiciables, voire dangereux pour votre santé.


La  bonne solution vous appartient, chacun peut trouver chaussure à son pied  pour retrouver le plaisir de s'habiller.
 

AU HASARD DU GAZAR!

 

Ce mot résonne plus qu'il ne décrit,  ce mot claque  haut et fort, ce mot  claironne son appartenance à la famille des gazes, ce mot est une image qui invite au rêve  et enrichi l'imaginaire. 


Le gazar est plus qu'une simple étoffe, parce que entre ses fils il y a l'espace qui  laisse passer  la magie du tisserand.


Le tissage lâche  offre une amplitude inattendue aux brins de soie à peine décreusés. 

 

Le gazar est un mot simple mais une technique complexe. 


Le gazar est un tissu de  caractère  capricieux, ombrageux, autoritaire.  que seules une main habile peut dompter. 


Le gazar ne tient pas en place,  il est  à la fois volumineux et plat, il est là où on ne l'attend pas, il  force l'imaginaire, il magnifie les réalisations . Si c'est un conte de fée pour l'oeil c'est un enfer pour les artisans mais le résultat est époustouflant.

 

Le gazar fut porté sur les fonts baptismaux en 1958, par deux célébrités du monde de la mode : Gustave Zumsteg créateur de tissus  pour la société textile Abraham et Cristobal Balenciaga.

 

Ce tissu largement utilisé par le couturier, est devenu une star  lorsqu'il fut choisit pour la création d'une robe de mariée en 1967. Modèle  sobre, aux lignes limpides, courbes et épurées . C'est tout le talent de Balenciaga qui à utilisé tout le potentiel du gazar. Cette  robe eut été impossible à confectionner avec une étoffe plus souple. 

 

Le gazar se sculpte plus qu'il  se coud, il autorise des  volumes doux et ronds, qui créent une troisième dimension


Le gazar est une idole que l'on vénère et que l’on hésite à  utiliser de peur de la maltraiter.

Novices s'abstenir de  travailler ce garnement. Il glisse, il résiste, il fait le dos rond mais quelle élégance lorsqu'il se fait volant, col, poignets, manteau, robe…


Le gazar est un tissu qui  appartient à l'univers de la Haute Couture. Il règne sans partage sur un luxe invisible. Sobre et  élégant il est utilisé avec parcimonie par les grands noms de la haute couture.

J'aime son aspect  débonnaire, son toucher craquant, sa fausse humilité, sa nervosité. Il me fascine par sa prise de pouvoir  et sa manière d'occuper l'espace mais il m'effraie lorsque je dois couper un métrage.


Si le shatush fut jadis le tissu des rois, le gazar est depuis sa création l’étoffe du royaume de la haute couture.

N°2 PROFESSION ? TEXTILE GLOBE-TROTTEUSE


PROFESSION OU METIER? 

 La définition du dictionnaire attribue une dominante intellectuelle au terme profession  et une dominante manuelle au métier.

Après l'Ecole du Louvre, un passage au sein des Musées Nationaux,  deux  années passionnantes dans une galerie d'art parisienne,  j'ai été  "brocanteur ambulant" profession que ce libellé n'honore pas vraiment mais que j'ai exercée avec plaisir et passion. Et puis vint l'occasion que m'offraient mes parents  !  Endosser le costume d'une "marchande de tissus" au sein de l'entreprise familiale "De Gilles Tissus"

 Pour moi c'est un doublé assumé : profession? textile globe trotteuse.  Métier ? marchande de tissus!

TRACER MON CHEMIN                                                                          Avec délices, j'ai navigué au milieu de flots de mousselines, avec audace j'ai gravi des montagnes de toile de lin,  avec angoisse je me suis perdue dans les replis des taffetas changeants, avec curiosité j'ai traversé des rivières de Tweed, avec  plaisir je me suis enivrée de la  fragrance délicate du lin, avec déférence j'ai déroulé des métrages de velours de soie ...

ASSUMER MON METIER                                                                   Equipée d'un mètre en bois et d'une paire de ciseaux de tailleurs, j'ai dossé moult pièces de doublure, déroulé des mètres et des mètres d'étoffes, coupé des centaines de tissus, et durant plus de trois décennies  je me suis amusée à jouer à la marchande ! 

REVEILLER LA MÉMOIRE DES ETOFFES ENDORMIES  Pour la néophyte que j'étais alors, se  retrouver face à un univers  aussi banal que mystérieux  suscita une réaction : apprendre 

Entre l'histoire de l'art et l' histoire des tissus, le fil est bien ténu. Les étoffes oubliées comme zénana ou zéphyr m'ont ensorcelé au point l'émotion tant visuelle que tactile de mes premiers pas en tant de gérante d'une société de tissus hors normes est restée intacte. De déménagements en déménagements, de rencontres en rencontres, de découvertes en découvertes, de voyages en voyages, la quête du graal textile me tint  toujours à cœur.          

MEMOIRES DE TISSUS  : TOUTE UNE HISTOIRE                                     Il s'avéra qu'une formation technique et historique des étoffe était une nécessité pour  pouvoir  me confronter aux professionnels, assumer mon rôle de conseillère  auprès d'une clientèle  hétéroclite constituée de petites mains des grandes maisons de couture, amatrices du "home made" de couturières professionnelles, de   tailleurs,  de chasseurs d'étoffes rares, de  créateurs de costumes de haut vol, de  décorateurs... En 1995 jaillit l'idée  de  "Mémoire de tissus" une encyclopédie technique et pratiques des étoffes, afin de démêler les fils parfois inextricablement noués de cet univers. Et pour alimenter cet ouvrage,  je suis devenue d'une textile globe-trotteuse!                                            

DE L'OMBRE A LA LUMIERE                                                               Depuis les coulisses  des ateliers de costumes, j'ai pu admirer le savoir-faire de ceux et celles qui créent les costumes! Ils habillent, costument, travestissent, déguisent les comédiens, les acteurs, les clowns, les acrobates, les danseurs ou chanteurs pour le plus grand plaisir des spectateurs. J'ai aimé travailler avec les décorateurs d'intérieurs qui, comme moi, sont toujours à la recherche de l'étoffe, la matière ou l'imprimé ,capable de combler le plus exigeant de leur client. Année après année, j'ai été confrontée à leur problématiques techniques et parfois économiques ; les résoudre devint une une partie non négligeable de mon activité.

LES BONUS DE MON METIER                                                            C'est la proximité avec un monde de couleurs, de textures illustré par  des légendes, enrichi de rencontres avec des stars du métier de costumier ou avec des artisans du bout du monde qui, avec une  dextérité ahurissante, créent sur des métiers à tisser souvent rudimentaires, des perles rares.

FUTILE LE TISSU?                                                                                 "Le roi des tissus, le tissu des rois" ainsi qualifiait-on, jadis, le shatush.      Alors, si parler chiffon peut sembler futile à certains, les tissus qui nous accompagnent, du linge au linceul, et partagent nos jours et nos nuits  dans les moments de joie ou de tristesse, méritent une approche plus gratifiante. Tissu, textile, étoffe, dentelle, feutre, tapisserie ou encore broderie ne demandent qu'à se dévoiler.  

Le parcours des fibres naturelles ou chimiques, la manière dont elles sont entrelacées, les techniques de teinture, l'interaction entre la politique et la mode, le poids du textile dans l'économie mondiale, ce monde est  passionnant. 

UN NOUVEAU PARCOURS                                        Mon partenariat avec etoffe.com prend fin,  en cause leurs difficultés financières qui implique une transformation de leur blog . 

C'est donc pour moi l'occasion de renouveler mes vœux les plus sincères en donnant la parole à mon héritage familial et  aux étoffes  découvertes et collectionnées au cours de mes tribulations aux "quatre coins" de notre planète.  

 Si "Mémoires de tissus" et "la diététique vestimentaire" n'ont, pas encore, trouvé le chemin qui mène aux maisons d'éditions, j'espère que "profession :  textile globe-trotteuse" saura trouver la bonne route. A vous de juger !   


jeudi 30 mai 2024

ZÉNANA

 Z COMME ZENANA 

Lorsque le devenir des textiles se teinte d'un zeste d'histoire, s'étoffe d'un soupçon de réalité et se revisite avec une bonne dose d’imagination, les mots s’étalent alors sur les pages de ce post pour vous faire découvrir le zénana.


A LA RECHERCHE DE TISSUS OUBLIES

Je refuse d’être une simple touriste qui, à la vue d’une photo d’archive s’approprie un tissu. Détenir ne serait ce qu’un petit morceau d’une étoffe « historique » c’est  toujours pour moi le point de départ d’une nouvelle aventure . Voilà pourquoi, depuis des années en tant que marchande de tissus je me suis transformée en « marchande d’histoires » et que, pour étoffer mes connaissances, je sillonne le monde en allant à la rencontre d’artisans passionnés, en débusquant des étoffes oubliées, en cherchant à percer le secret de la fabrication des couleurs…


UN DECOR POUR CHAQUE SAISON ?

Si changer d’habitat n’est pas à l’ordre du jour, changer de décor, renouveler les couleurs de la maison, déplacer les meubles, imaginer de nouveaux voilages est sans doute plus aisément réalisable. Trouver le chemin qui mêne au bout de ses envies n’est pas toujours évident, mais vous aurez l’embarras du choix avec le suggestions d’etoffe.com. Alors ce mois-ci, c’est une bien curieuse étoffe qui sera l’héroïne de ce post.

Le saviez-vous ? Jadis, les saisons se lisaient aussi bien dans le dressing que dans la décoration des maisons bourgeoises ou des résidences princières. Voilages, portières, rideaux, tentures s’adaptaient au changement climatique. Le décor de la maison suivait la mode du vestiaire. Alors pourquoi ne pas continuer cette  tradition somme toute très logique ? 


ZENANA ?

Un petit rien, une image furtive, un moment gourmand et le plaisir de s’immiscer dans l’histoire mystérieuse d’un mot…  Zénana ; trois syllabes énigmatiques qui résonnent comme le clapotis des vagues dans la pénombre d’une nuit printanière au ciel constellé de milles points lumineux.


L’EXCENTRICITE DES TISSUS RODIER 

En1852, Emile Rodier développa, dans sa Picardie natale, une unité de production textile en s’appuyant sur le savoir-faire des artisans locaux, filateurs, tisserands, teinturiers, pour qui le travail de la laine n’avait pas de secrets.

L’idée de baptiser les tissus avec des noms aux consonances inhabituelles est ancienne. Durant la première guerre mondiale, naquit le kasha, un tissu en laine de chèvres… cachemire ! Mais le succès arriva lorsque l’entreprise se spécialisa dans la production de jersey, une matière que Coco Chanel adopta et qui fut  l’origine de ses premiers succès commerciaux.

1890 ; une fantaisie délicieusement audacieuse sort des ateliers Rodier, une véritable création baptisée Zénana.

Le saviez-vous ? De Zen emprunté à l’hindi et au persan qui signifie femme.

En Inde musulmane, au Pakistan et au Bangladesh le zénana est l'équivalent du harem.  

Cette étoffe au nom extravagant connut un succès commercial auprès des fashion victimes jusque dans les années 1950.


AUTRE ÉPOQUE AUTRE REPERES

S’il est vrai qu’à la fin du XIXe siècle, les mystères de l’Orient et les légendaires harems pouvaient exciter la curiosité, je ne suis pas certaine qu’en 2024 cette image ait autant de succès auprès de la gente féminine. 


« LES TISSERANDS DE LEGENDES »

"En 1926, nous faisions du tissu pour l'ameublement, des dessus de fauteuils en velours ciselé... Nous avons tissé pour Rodier, Lesur, Derch. Pour ces fabricants, nous avons tissé toutes sortes de tissus : articles simples, articles façonnés, velours coupés, tissus à perles, à plis, gazes, zénana…" Marcel Gibot in "Les tisserands de légende" Abbaye de Royallieu Compiègne 1993.


EN APPARTE

J’aurais aimé que cette tradition se perpétue, que cette excentricité de bon ton continue à égayer les pages de nos magazines. Un peu d'audace et beaucoup de poésie dans les articles du quotidien seraient  les bienvenus.


LA VUE ET LE TOUCHER

Tel le mouvement perpétuel des vagues, le relief léger de la surface du zénana  lui confère toute son originalité. La fantaisie réside ici dans l’aspect visuel créé par les mouvements aléatoires des cloques, des côtes, des pleins et des déliés en lieux et place des imprimés bigarrés. 

Tactilement, le zénana est chaleureux et doux comme un rappel de l’intimité feutrée et réservée des harems.


UNE COUSINADE

Cotonnade cloquée, étoffe ondulée, le zénana inspira de nombreux couturiers dans la première moitié du siècle dernier. Bien qu’il ne soit plus fabriqué depuis longtemps, on peut se faire une idée de ce qu'il fut en le comparant au seersucker, tissu lui aussi historique, lui aussi venu des Indes mais toujours d’actualité et souvent présent dans les collections printemps été en prêt à porter et en Haute Couture.


UNE ETOFFE VERSATILE NON GENREE

Première mouture tissage cloqué avec une trame en soie ou en coton et une  chaîne en laine. Puis, vint une seconde version plus tardive, celle d’une étoffe     cloquée voir piquée avec un envers molletonné, rejoignant ainsi la famille des tissus d'aspect velouté, doux et laineux. Il ne fut, cependant, pas uniquement l'apanage des femmes, puisqu'il servit un temps de doublure pour les gilets brodés que portaient les mamelouks.


UNE DIVERSIFICATION COMMERICALE

Dans la version légère, le zénana était adapté à la confection de robes estivales et, dans la version plus lourde, il était adapté aux robes de chambre, tenues d’intérieur en vogue au XIXe et au début du XXe siècle. 

« ….une vieille femme, au corset busqué, au nez grossi par l’âge, dans sa robe d’intérieur en zénana framboise… Aragon in « les voyageurs de l’impérial ».


LES SOUVENIRS TEXTILES SONT DES PROPRIETES PRIVEES

Ils ne se partagent pas, ils sont la preuve de l'existence d'un moment de l'histoire d'un pays, d'une personne, d'une vie. On n'entre pas facilement dans l'album des souvenirs textiles d’autrui.

Le saviez-vous? Il m'est arrivé deux ou trois fois que des clientes d'un âge certain me demandent, comme pour me mettre à l’épreuve, si je connaissais le zénana. En leur répondant par l'affirmative, j'ai pu chaque fois déceler une sorte de regret, une frustration comme si je venais de les déposséder d'un secret dont elles s'imaginaient être les seules détentrices. Cette réaction montre à quel point les tissus sont des biens exclusifs, des articles rangés au rayon des souvenirs, propriété d'une génération.



LE ZENANA EST, EN 2024, UNE PIECE DE MUSEE

Une étoffe comme celle-ci est une prise sentimentale, un acquis subjectif et les amoureuses qui l'on travaillée et portée, ne veulent pas partager avec les novices, ceux qui viennent de découvrir le nom  en tant que curiosité historique. Le nom de suffit pas à imaginer un textile et, sans les sources vives, l’émotion est inexistante ; on ne retrouve pas cette vivacité, cette flamme qui fait vivre une étoffe. 


IMAGES FUGACES D'UN PATRIMOINE FRAGILE

Pour le zénana, nos mères et grands-mères n’eurent comme repères que de fugaces images de leur petite enfance, des tenues légères portées  à la campagne.

Images, souvenirs, rêves, voilà de quoi enrichir un patrimoine pas si futile, et certainement pas inutile. La diversité bien restreinte de notre industrie textile pourrait peut-être s’enrichir de son prestigieux passé et relancer la machine en créant, en devançant, en imaginant, en puisant dans le grand livre du patrimoine.