vendredi 24 février 2023

N2LES BAZINS D'ICI ET D'AILLEURS


A l’origine, le bazin était une étoffe à armure sergé (croisé) chaîne était en lin et trame en coton pour les plus belles qualités. Pour les qualités courantes, le coton entrait seul en trame et en chaîne. Les bazins de Bruges et de Hollande étaient admirables de finesse. les bazins de Pondichery étaient  eux exceptionnels. D’abord caractérisés par de larges rayures, ils furent enrichis de motifs floraux ou animaliers très stylisés et l’armure satin, remplaça petit à petit l’armure croisé

 

A Rouen, les siamoises devinrent des rouenneries

Les tisserands rouannais se spécialisèrent  dans la fabrication de cotonnades rayées, imprimées à prix modique baptisées “rouenneries“. Ce mot devint un nom générique qui s’applique aux cotonnades de qualité ordinaire tissées et imprimées à la manière de Rouen.

Le saviez-vous ? Le rouge andrinople des véritables siamoises ne put être obtenu par les artisans normands, la couleur virant au brun assez vite sur les rouenneries. La solution la plus simple était d’acheter cette matière colorante fort cher, mais c’est à prix d’or, que  les fabricants obtinrent la recette de la fabrication du rouge turc.

 A Marseille, les rouenneries devinrent rouenneries de Marseille

Les tisserands se spécialisèrent dans la fabrication d’étoffes de coton teint en fil à la manière des cotonnades de Rouen.

A Tours, les rouenneries devinrent le bombazin

 La demande pour ces cotonnades de Rouen se faisant de plus en plus importante, de nombreuses manufactures furent créées. A Tours, les fabricants proposèrent une étoffe populaire dont le fil de chaîne était en lin et le fil de trame en coton et, pour se différencier des produits de Rouen ou de Marseille, on le baptisa Bombasin qui désignait, quelques siècles plus tôt, une cotonnade venue d’Orient vendue en Italie : la « bambagine".

Troyes prit part à l’aventure des cotonnades rayées  

Troyes, ville textile s’il en est, se forgea une renommée dans la fabrication de bazin rayé au XVIIIe siècle, caractérisé par une chaîne en fil de chanvre et une trame en coton et un tissage en 50 ou 60 cm de large.

Paris ne fut pas en reste avec un duo de choc : Richard et Lenoir 

Au tournant du XIXe siècle, se développa à Paris d’abord, puis en province, l’industrie cotonnière avec, en point d’orgue, le commerce du bazin. Grâce à deux entrepreneurs, Richard et Lenoir Duchesne, au demeurant pas si entrepreneurs que cela puisque l’histoire se termina par une faillite mémorable de Richard Lenoir. 


POUR LA PETITE ET GRANDE HISTOIRE

De petits boulots en petits boulots

Dans les années 1890, le sieur Richard débute dans le commerce à la sauvette de vente de coupons d’étoffes, mais il amassa un petit magot dans la version suivante de ses activités avec l’achat et la revente de toile et de mouchoirs. 

Un sens aigu du commerce

C’est avec des innovations commerciales comme lavæente à prix fixe et le remboursement possible, mises en œuvre dans le magasin de drap rue Montorgueil, qu’il accéda au succès. 

L’anglomania

Sous le Directoire les deux associés se lancèrent dans la contrebande de bazin anglais, marchandises alors prohibées mais très en vogue puisque l’anglo mania était à son comble dans l’univers de la mode. Il était de bon ton pour les “incroyables“ de porter des gilets en bazin anglais !

La recette, point de départ de l’aventure.

Un point demeure obscur, le secret de fabrication du bazin anglais n’a pas encore traversé le Channel et pourtant, à la faveur d’une rencontre fortuite, Richard et Lenoir se procurèrent la formule de ce tissu lin et coton alors considéré comme un luxe. 

De l’espace, de l’espace !

Fort de cette recette, les deux hommes se mirent en quête de coton et d’un local. Apres quelques essais dans des locaux exigus, c’est dans  un ancien couvent au centre de Paris que les premiers bazins parisiens furent tissés.

Une aide technique venue d’outre Manche

Grâce aux métiers à filer (anglais), la mule Jenny démontée arriva frauduleusement en pièces détachées en  France via la Belgique et remontée à Paris sous le nom de “mule jeanette“. Grâce à cette machine et à l’énorme quantité de balles de coton acquise en quelques semaines, la production de bazin gaufré façon anglaise débuta à Paris avec l’aide d’ouvriers et de mécaniciens venus d’outre Manche. 

La réussite

Les clients, ravis, pensaient acheter des bazins anglais ignorant la supercherie puisque tous les articles qui sortaient des ateliers de Richard et Lenoir portaient une marque anglaise, ce qui permettait d’augmenter les prix. Tout était maitrisé : production et commercialisation. 

Les impondérables

Les aléas de la politique économique mirent fin à cette ascension en Avril 1814.

Reste dans la mémoire collective l’histoire de Richard et Lenoir qui furent à l’origine du développement de l’industrie cotonnière en France. 

Le saviez-vous ? Avant de mourir, Lenoir demanda à Richard que leurs deux noms soient toujours liés. C’est ainsi que  Richard devint Richard-Lenoir.


LES QUALITES SE MULTIPLIENT

Les qualités de bazin se diversifièrent afin d’élargir  l’offre commerciale.

Le basin pauvre en coton chaîne et trame, monochrome. 

Le basin, riche en fil et coton, plus épais, avec des effets damassés plus prononcés du fait de l'inégalité voulue de la ténuité des fils.  

Le super basin est un basin riche pour le fond avec des motifs colorés en surimpression. 


US ET COSTUMES

Une étoffe aux accents africains

Ce tissu fabriqué en Europe a encore, de nos jours, une connotation africaine et, puisqu'il est généralement vendu dans des boutiques qui proposent aussi des Wax, Java et autres batik, l'amalgame s'est fait de lui-même. Son succès commercial, surtout en Afrique de l’Ouest, est incontesté. Cependant, l’aspect du Bazin africain se caractérise par une raideur accrue, une brillance plus q’un lustre et un  teinture artisanale. Il est adapté à la mode locale, articles amples et longs comme le boubou, donc fabriqué en grande largeur. C’est un damassé de coton blanc qui est importé en Afrique d’ Allemagne, des Pays-Bas et, depuis peu de Chine qui propose au marché africain un bazin synthétique, moins cher et d’entretien simplifié.

Le blanc gagnant

Au XIXe siècle, le bazin blanc était privilégié. En Europe, il était utilisé pour des gilets, des pantalons, des robes, des manteaux. Dans les colonies européennes au climat tropical, le bazin  blanc était un élément basique dans la garde robe des colons.

Au bain!

Au XVII et XVIIIe siècle, le bazin est un tissu  d’habillement et d’ameublement. 

Le saviez-vous ? Il servait d'équipage de bain : fonds, garnitures, tour de baignoires. L’équipage de bain de Louis XIV était en basin blanc rayé, garni de dentelle d’Angleterre. Un bien joli habillage pour le roi qui dit on ne fit pas grand cas de sa salle de bain ! 

A table !

Pourquoi ne pas utiliser des métrages de basin pour des nappes, simplement pour changer des damassés très classiques et moins adaptés à la vaisselle contemporaine ?

N1LE BAZIN, UN MELANGE DES GENRES

 


Une étoffe qui, à la suite de ses nombreuses configurations, a perdu une part de son identité. Une histoire ancienne : la première manufacture de bazin en France est établie en 1580 à Lyon. En 1733, un bazin à double armure et effets de rayures est tissé à Marseille, en 1806 le bazin  « parisien »  est accueilli avec succès.

Parallèlement, diverses étoffes viennent enrichir l’offre textile. Elles se nomment  rouenneries, siamoises et autre bombazine.  Aujourd’hui, le bazin se confond avec les damassés ou fait référence à une étoffe africaine.


PORTRAIT CHINOIS  

Les hypothèses fourmillent autour de l’étymologie de ce tissu ; en voici quelques unes :

De l'italien “bombaggino“, tissu fabriqué dans la région de Côme influencé par les soies damassées de Damas.

Du latin“ bambax" emprunté au grec « pambax", coton (pambuk= coton en turc). Mais pambax, par altération, donne « bambax", terme trop proche de "bombux" ou bombyx= ver à soie sans doute à l’origine d’une fausse identification.

De bombasine, tissu soie et laine, armure sergé, noir, qui était destiné aux vêtements de deuil au courant du XIXe siècle en Angleterre. 

La bombazette, toile de laine importée d’Angleterre.

De bombasin, toujours de l'italien bombaggine (bombyx). Une altération de la première syllabe "bom" qui devient bon d’où “le bon basin“ en soie et coton.

De “bombax », arbre dont les fibres molles, semblables au coton, furent un temps transformées en fibres textiles.

Peut être d'après un tisserand lyonnais nommé Bazin qui au XVIe siècle aurait crée cette étoffe…


SIMPLIFICATIONS

Les mots se faisant et se défaisant, bombazine devint bombaizin, bon bazin puis simplement bazin. La fabrication du bazin évolua elle aussi et ce tissu rayé et coloré devint monochrome, son lustre se jouant des jeux d'armures à la manière des damas.

Une chose demeure : la  valse hésitation dans les dictionnaires entre le S et le Z entre bazin et basin !


DES RAYURES TEINTÉES D’EXOTISME

Il était une fois l’incomparable éclat des couleurs qui embrasait les costumes des trois Ambassadeurs du Siam et de leur suite, venus rencontrer Louis XIV qui les reçut en “grandes pompes“ à Versailles en 1686.  Le cortège débarqua dans à Brest, vêtu de leur costume traditionnel et de leur curieuse coiffe pointue. Les rayures multicolores rehaussées par l’éclat de la soie eurent un effet hypnotique une clientèle avide de nouveautés. 

 

CONSÉQUENCES INATTENDUES DES VISITEURS DU SIAM 

Si les suites politiques de cette visite ne furent pas à la hauteur des espérances de Louis XIV, ces nouvelles étoffes contribuèrent au développement des manufactures textiles dans le royaume.

Dans un numéro de 1686 du “Mercure Galant“ on trouve la liste détaillée des nombreux cadeaux offerts par le roi de Siam à Louis XIV. De somptueuses étoffes figuraient en bonne place. De cette ambassade naquit un nouveau tissu français baptisé siamoise. La mode était lancée, relayée par la presse et les gravures de mode qui circulaient dans tous le pays.

Le saviez vous ? En 1687, le mercure galant annonça dans sa rubrique “mode d’été“ la naissance d’un nouveau tissu à rayures multicolore baptisée Siamoise qui connu un vif succès auprès des marchands.


LA SIAMOISE « DE LA COUR A LA RUE »

Les premières siamoises furent tissées avec un fil de soie écru en chaîne et un fil de coton teint en trame, mais le coût de la matière première étant très élevé, les tisserands utilisèrent le lin pour la chaîne et le coton pour la trame. Ce changement rendit la siamoise plus accessible, plus populaire. On retrouve cette étoffe dans de nombreux costumes régionaux.

Le saviez vous ? C'est une siamoise “ordinaire“, rayée en rouge et en bleu qui servit à faire des pantalons pour les hommes du bataillon des fédérés de Marseille, vêtement repris par les "sans culottes" en 1789.

 

A SUIVRE


vendredi 17 février 2023

 Pour voyager il n'est pas toujours nécessaire d'aller loin. Du placard au dressing,  du salon à la chambre, il suffit  de laisser libre court à son imaginaire pour faire ressurgir des images enfouies dans nos souvenirs. Chacun peut transformer cet univers textile d'apparence si concrète  en un rêve de soie, une caresse de velours, un baiser de mousseline.

 Toucher, regarder, sentir, écouter les multiples facettes des étoffes c'est ouvrir la boite de Pandore, c'est tourner les pages de l'histoire,  c'est voir le monde industriel sous un autre angle, c'est comprendre les us et coutumes populaires, c'est parfois faire le lien entre la mode et la politique.  La diversité de ces entrelacements de fibres est un délice  cruel pour moi car il regorge d'anecdotes, foisonne d'indices, tant et tant que plus je cherche plus je trouve, c'est ce qui me motive et c'est aussi la partie émergée de mes recherches

Il est temps cher lecteurs et chères lectrice d'affronter ce mastodonte, de vous confronter à ce phénomène mondial, à tirer le fil d'ariane mais par des chemins de traverse. Offrez vous  le luxe d'un tour du monde en observant pour débuter les tissus qui vous entourent, dans  la garde robe, dans le linge de maison, dans les tissus d'ameublement. Tout est question d'imagination! Un simple torchon en metis renvoie l'image des fleurs bleues qui oscillent avec élégance et panache  au gré du vent dans les champs de lin normands..... Essayez vous verrez c'est fascinant et amusant. Je vous invite à partager  dans ce blog vos expériences, vos découvertes, vos émotions textiles.  

vendredi 10 février 2023

PASHMINA « AUX FILS » DE L’HISTOIRE, LES LEGENDES RACONTENT… N°3

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 Les places sur le podium sont limités et les héros sont nombreux, alors qui remportera le trophée du meilleur mécène ? Sont en lice des rois, des empereurs, des sultans qui tous firent, dans des proportions diverses, du mécénat, peut être sans le savoir : Ashok (-IIIe), Sayyid Ali Hamadani (XIVe), le sultan Zain Ul Abidin (XVe), les empereurs moghols Akbar (XVIe) et son successeur Barbur (XVIe), l’Empereur sikh Ranjeeet Singh (XIXe ). Quel est celui qui donna l’impulsion nécessaire pour hisser en quelques siècles un artisanat local au sommet d’une industrie de luxe ? 


EN REMONTANT L’HISTOIRE

Les populations du Ladakh et des régions avoisinantes utilisaient un fin et délilcat duvet pour se vêtirent déjà à l’époque de l’empereur Ashok (-IIIe ). Dès l’antiquité, ces longs rectangles en laine, légers et souples, étaient acheminés par les caravanes sur les routes de la soie de Srinagar jusqu’à Rome où le succès commercial les attendait.

 

LES CHAUSSETTES DU SULTAN

Un émissaire perse, Syed Ali Hamadani, fut envoyé au Kashmir pour faciliter la diffusion de l’Islam. A l’occasion d’une visite au Ladakh, il fut émerveillé par les propriétés thermiques de la laine pashmina. La légende raconte qu’il alla peigner des chèvres, et fabriqua, avec le duvet, une paire de chaussettes de ses propres mains, qu’il offrit à Qutubdin, sultan du Kashmir. Ce dernier, étonné par la solidité, le confort et la finesse de ces chaussettes, fut conquis par l’idée soumise par l’émissaire perse : créer des ateliers de tissage de pashmina au Kashmir. Syed Ali Hamadani fit alors venir de Perse 700 tisserands musulmans qui s’installèrent dans les villes de Leh et de Srinagar. En contre partie, ils partagèrent leur savoir-faire avec les artisans locaux.  Les sources persanes des termes techniques comme pashm s’explique puisque les artisans étaient perses. Ali Hamadani réussit une double mission : aujourd’hui les Kachmiris sont majoritairement musulmans alors que les Tchang-pa du Ladakh sont demeurés fidèles au bouddhisme ; il accéléra l’exploitation commerciale de la laine pashmina. Serait-ce le point de départ de ce qui deviendra une industrie très lucrative ?


UNE  NOUVELLE CORDE A SON ARC : L ARMURE SERGÉ

Le sultan Zain Albidin avait été capturé par Tamerlan et, durant sa captivité à Samarkand, il côtoya nombre d’artisans et artistes se familiarisant avec les beaux arts. Quand il devint roi du Kashmir, il fit venir des teinturiers et des tisserands d’Asie centrale afin qu’ils enrichissent les connaissances de ses artisans. La légende dit que ces nouveaux venus auraient introduit l’usage de l’armure sergé dans la région. Cette nouveauté améliora la solidité des shawls. Sous son règne, suite à des mesures économiques incitatives, le nombre d'ateliers de tissage se multiplia. Assistait-on aux prémices de ce qui deviendra la première industrie locale ?


UN EMPEREUR « À LA MODE »  

L’empereur moghol Jalâluddin Muhammad Akbar fut impressionné par les qualités des shawls du Kashmir, son engouement pour ces articles fut à la hauteur de sa puissance.  Il initia les fashionistas de sa cour dans l’art et la manière de le draper. Une légende raconte qu’il imagina un nouveau modèle, en doublant le shawl, de manière à ne voir qu’un « recto, sans verso ». Durant son règne, les richesses s’étalaient dans les costumes de cour. On note la présence de pierres précieuses et de broderies d’or à la surface, pourtant délicate, des shawls pashmina. Akbar plaça les ateliers de tissage du Kashmir sous « patronage royal », assurant ainsi leur perénité financière. Ce contrat perdura juqu’au XVIIIe siècle.

Le saviez vous ? A l’occasion d’un mariage, la tradition voulait que la mère de la mariée achète de la pashmina en vrac, la file et la tisse afin d’offrir un shawl à sa fille.  


LE KHIL-AT DE BARBUR

L’empereur Barbur, successeur de Akbar, fut à l’origine de la mode du khil-at (robe d’honneur), un précieux cadeau offert à titre de récompense aux courtisans, aux diplomates, aux hauts dignitaires. Barbur, dit la légende, fit pression sur les tisserands pour que les shawls soient élargis de manière à pouvoir tailler dans l’étoffe des vêtements entiers ; encore un coup de pouce impérial pour le développement des manufactures !


UNE VISION EXTRA -TERRITORIALE

On raconte que les avis éclairés de l’empereur sikh Ranjeeet Singh propulsèrent le shawl sur le devant de la scène de la mode ; il devint un article d’exportation très prisé par la clientèle occidentale. 


UN PARFUM D’EXOTISME SOUFFLE SUR LA MODE OCCIDENTALE

L’importation par les britanniques de shawls brodés du Kashmir à la du XVIIIe, fut très favorablement perçue par les classes dirigeantes des sociétés occidentales. Au XIXe siècle, on note l’emballement pour ces articles rares dans toutes les cours royales et impériales européennes. Bonaparte rentra de sa campagne d’Egypte  avec un « cachemire » pour Joséphine, l’élue de son cœur. Ce cadeau ne la séduisit pas immédiatement, elle le trouvait laid, mais sa légèreté et sa chaleur suffirent à son plaisir. Cet accueil mitigé fut vite oublié car on sait que la future impératrice voua une véritable passion pour ces articles. Des témoins racontent qu’elle en possédait des centaines. 

Le saviez vous ?  On raconte qu’un jour d’hiver, le Tsar de toutes les Russies lui rendit visite à la Malmaison. Ils sortirent dans le parc après le diner. Oubliant son « cachemire »,  elle prit froid et mourut quelques jours plus tard. Une autre source légendaire prétend qu’elle aurait été empoisonnée.


QUI REMPORTE LE TROPHÉE ?

Sans doute tous car, chacun à sa manière, avança un pion. Misent bout à bout, les idées finirent par aboutir à la création d’une véritable institution au succès international dont nous sommes témoins au XXIe siècle. 


QUI NE MONTERA PAS SUR LE PODIUM ?

Les industriels britanniques, conscients de l’importance de ce marché, prirent à contre pieds les importateurs, en fabriquant eux-mêmes à grande échelle et par conséquent à moindre prix, des imitations des châles en laine du cachemire.

 

LE BLOCUS CONTINENTAL UNE AUBAINE POUR LE TEXTILE FRANCAIS 

Eb 1806, puisque les anglais ne pouvaient plus approvisionner le marché européen, le sieur Ternaux, filateur français, saisit l’occasion pour lancer une fabrication industrielle de châles cachemire. L’entreprise releva magistralement ce défi et devint un maillon important de l’industrie textile française. 

Le saviez vous ? Le motif emblématique des shawls est le «Boteh (bouquet de fleur sen persan) » ou «palmette» qui fut introduit au kashmir par les perses. De nos jours, en France, le Boteh est assimilé au « motif cachemire » alors qu’en Grande-Bretagne il est devenu le motif  paisley du nom de la ville écossaise où, au XIXe siècle, furent tissés industriellement les imitations de shawls du Kashmir.

QU’IMPORTE LE FLACON POURVU QU’ON AI L’IVRESSE

La matière première de ces châles, très éloignée du pashmina originel, ne fut pas un obstacle au succès. La clientèle nouvelle n’ayant jamais côtoyé les châles originaux, n’avait aucun moyen de comparaison. 


PERIL EN LA DEMEURE

Le succès commercial des imitations européennes annonce le déclin d’un artisanat qui n’a perdu, non pas son prestige, mais une clientèle de connaisseurs. Bergers tchang- pa et artisans kashmiris peinent à écouler leur production. Quelques-uns purent se  reconvertissent, d’autres émigrèrent aux Indes, dans des ateliers similaires, apportant en « dote » leur merveilleux savoir faire. Cet exode de la main d’œuvre qualifiée brisa la transmission entre générations. En attendant que les beaux jours reviennent, une poignée d’artisans têtus, continue à produire ces luxueux articles pour une clientèle indienne, celle des castes supérieures, fidèle à ses traditions vestimentaires. Renouer avec la tradition et former une main d’œuvre qualifiée prit du temps.  


Malgré quelques imprévus dans son parcours, cet artisanat de luxe trouva toujours la force de relever les défis économiques, politiques ou sociètaux.


FIN

PASHMINA N°2

 DU DUVET AU FIL

Si la matière première vient du Ladakh, ce sont les artisans du Kashmir qui, depuis le XIVe siècle, maîtrisent l’art et la manière de filer et de tisser ces fils et la commercialisation des produits finis. Les premières machines à filer dans ces régions furent construites au Kashmir et les artisans, habitués à tisser la soie, utilisèrent les mêmes métirs pour tisser la laine pashmina. La situation géographie du Kashmir facilitait les échanges commerciaux : Srinagar, la capitale d'hiver et Jammu, la capitale  d’été des souverains, deux villes situées sur la route de la soie.


La cellule familiale

Une douzaine d’étapes est nécessaire entre la récolte du duvet et le tissage. Le travail à domicile était courant, impliquant les membres d’une même famille, chacun ayant sa spécialité, grâce à un savoir faire transmis de génération en  génération. La qualité des shawls pashmina du Kashmir n’était pas un vain mot.


Le filage

Les fibres brutes obtenues par peignage de la sous toison, après avoir été nettoyées et triées sont trempées dans l'eau de riz puis rincées. L’amidon du riz imprègne la fibre et la rend plus apte à supporter toutes les opérations. La laine brute est filée manuellement par les femmes à l’aide d’un rouet. Le fil est doublé pour assurer sa solidité lors du tissage. 


La teinture

Cette étape n’est pas systématique car ces shawls sont généralement vendus dans leur couleur naturelle. Si, toutefois, elle s’avère nécessaire, elle a lieu avant le tissage afin de préserver sa fraicheur initiale tout au long de son utilisation. Dans le cas d’une teinture après tissage, avec l’exposition au soleil, la couleur s’affadirait trop rapidement. Le teinturier reçoit le fil doublé sous forme d’écheveau. Cette étape complexe est confiée à un artisan expérimenté. Bien que le nombre de produits tinctoriaux traditionnels soit restreint, ce sont leurs mélanges savants, souvent secrets, qui viennent élargir la gamme colorée pour donner ces tonalités magnifiques.


Le tissage

A Srinagar comme dans toute la région, le tissage des purs pashmina est réalisé par des hommes sur des métiers manuels, à quatre pédales, l’armure privilégiée est le sergé.


Le décor

Il est généralement réalisé sur des tissus mixtes (pashmina et soie ou laine fine) car le support en pashmina serait trop fragile.                                                            Tissé : jadis, les motifs étaient réalisés en même temps que le tissage, le tisserand utilisant la technique de la tapisserie.                                             Brodé : pour des raisons économiques, le support et le décor étaient réalisés en deux temps et par des artisans différents : le tisserand et le brodeur.                                                              



A SUIVRE 


LA LAINE PASHMINA LA VERSION LUXE DES LAINES CACHEMIRES N°1

 

Passionnés de belles histoires textiles, amateurs de légendes, inconditionnels du juste usage des mots, le parcours atypique de cette sublime fibre textile a tout pour vous séduire.


COMPLEXITES ETYMOLOGIQUES

Pashm « laine » est un mot dont l’origine perse est indéniable. Depuis le XVIe siècle, au Kashmir, pashm désigne exclusivement deux fibres d’exceptions : la laine pashmina obtenue à partir du duvet de la chèvre tchang-ra et le shahtoosh, duvet de l’antilope tibétaine. Le suffixe inâ, qui induit l’idée d’un supplément de chaleur, est venu sublimer le simple pashm. En occident, pashmina a une triple signification : la chèvre pashmina, la laine, le châle. 

Shawl, du perse sâl, un brin désuet mais d’une discrète élégance, à l’image de la sobriété luxueuse d’un pur pashmina. Alors dans ce post j’utilise shawl lorsqu’il s’agit de l’exceptionnel, et châle terme plus «up to date» pour les articles disons plus ordinaires


LE NEC PLUS ULTRA DES LAINES CACHEMIRES  

Au Ladakh « le pays des cols », une région située au nord de l’Inde entre le Tibet et le Cachemire, vivent les Tchang-pa, tribus de bergers nomades, qui élèvent sur le plateau du Tchang Tang les chèvres tchang-ra dont le duvet d’hiver fournit la laine pashmina.    

Une race de chèvre endémique s’est développée au Ladakh et se différencie de sa famille d’origine, capra hircus laniger, par sa morphologie et son métabolisme adaptés aux conditions de vie extrêmes du haut plateau du Tchang Tang qui s’élève à plus de 4500 m au-dessus du niveau de la mer.  

La pashmina est la plus belle qualité des laines « Cachemire » et c’est avec le plus grand soin que les bergers tchang-pa  s’occupe de ce cheptel,  conscients que ce précieux patrimoine est  leur unique source de revenu, leur seul moyen de survie 

  

LA  FIBRE DE TOUS LES EXTREMES  

Les chèvres tchang-ra vivent sur le plateau du Tchang Tang à une altitude qui s’échelonne entre 4500 et 5000 m.

La région est sèche, la pluviométrie quasiment nulle. 

La végétation clairsemée est riche en minéraux grâce à une irrigation naturelle due aux minuscules ruisseaux.   

La température en hiver atteint - 40° frôlant parfois les -50°. 

La qualité du duvet est impactée par les conditions climatiques et varie d’une année à l’autre, tout en restant toujours supérieure à celle des autres cachemires. 

Un hiver rigoureux augmente la densité du duvet et accroit l’isolation thermique. 

La qualité du duvette mesure par une finesse de moins de 16 microns, la longueur du poil environ 36mm, la couleur gris, beige, écru et blanc.   

Ces records justifient le prix élevé de ce trésor.


 PASHMINAH OU CACHEMIRE, LA EST LA QUESTIONPuisque l’on sait que tout pashmina est cachemire mais que tout cachemire n’est pas pashmina, il est temps de mettre de l’ordre dans ce désordre. 

LA PART DES CHOSES

Les chèvres du Tibet, élevées en masse en Chine et en Mongolie, ne sont pas confrontées aux mêmes conditions de vie que leurs congénères du Ladakh. L’altitude des hauts plateaux où elles vivent ne dépassent guère 2 000m et les températures n’atteignent pas de records vertigineux, ce qui explique la différence de qualité du duvet : moins compact donc moins chaud, avec un diamètre au mieux de 19 microns. Si leur duvet est aussi une laine cachemire, sa qualité est inférieure à celle des de la laine pashmina. L’origine géographique de la laine influe sur sa qualité. 


UN LABEL AMBITIEUX MAIS SANS VALEUR COMMERCIALE

Depuis 2008, il existe un label indien d’authentification pour le tissage pashmina : « N’est Pashmina qu’un article artisanal fabriqué avec la laine des chèvres tchang-ra du Ladakh et tissé par des artisans sur des métiers manuels dans les ateliers du kashmir à Leh ou à Srinagar ». Malheureusement, ce label demeure sans effet, le nom Pashmina n’ayant jamais été déposé.


LE TRIO GAGNANT : chiru, chèvre tchang-ra, vigogne.

Les qualités intrinsèques de la laine pashmina (finesse, souplesse, légèreté, propriétés thermiques) en font un produit rare et très convoité. En conséquence, une des fibres textiles des plus onéreuses avec la laine de la vigogne que les incas nommaient « laine des Dieux », hormis le shatoosh, dont la laine est obtenue à partir du fin duvet du chirou (antilope tibétaine) dont le commerce est interdit depuis 1979 car sa production intensive menaçait l’espèce d’extinction. Le chirou est un animal sauvage qui ne peut être ni domestiqué, ni tondu et qu’il faut tuer pour en récupérer le duvet. 

Le shatoosh, encore une incursion dans le vocabulaire perse, de Shah = roi et toosh = toison ou tissu, donc tissu des rois et roi des tissus. 


QUI TROP EMBRASSE MAL ETREINT

L’antilope tibétaine ne fut pas la seule espèce animale de la région à frôler l’extinction, la survie de la race de chèvre capra hircus laniger est désormais menacée. A force de vouloir augmenter la production de laine cachemire pour répondre à la demande croissante d’une clientèle peu regardante sur la qualité, les clonages et autres croisements entre chèvres cachemire et d’autres races ont abouti à la quasi extinction de la race originelle. La chèvre chang-ra avait échappé à ces manipulations génétiques jusqu’en 2012, date du premier clonage qui donna naissance à Noori !

Le saviez vous ? Les chèvres caprahircus laniger sont à l’origine d’un chamboulement de l’éco-système. En Chine et en Mongolie,  pour accroitre la production de cachemire, la multiplication des élevages intensifs provoque un désordre écologique aux conséquences inattendues : la désertification partielle de territoires situés en Mongolie intérieure est due à l’accroissement des terres de pâturage (pour se nourrir les chèvres arrachent une végétation déjà rare avec les racines. Après leur passage, plus rien ne repousse).

Les vents violents qui se lèvent en Mongolie emportent vers Pékin poussières et sable que plus rien ne retient au sol. Le gouvernement de la région mise en cause a réduit drastiquement le nombre de pâturages afin de laisser une chance à la flore originelle de renaître.


 L’ACCESSOIRE  UN PARCOURS CHAOTIQUE

Shawl, encore un emprunt à la langue perse, un mot désuet mais emprunt d’une indicible élégance qui convient au luxe sobre d’un pur pashmina. En Asie Centrale et surtout dans l’Inde des maharajas ce long rectangle en laine douce et chaude drapait indifféremment, au temps de sa gloire, le corps des hommes et des femmes, membres des castes supérieures, population privilégiée, hauts dignitaires et courtisans. En Europe au XVIIIe et début XIXe siècle, le shawl importé du Kashmir par les britanniques, était un article rare, coûteux et presque fonctionnel ! Il se fit indispensable bien que dispendieux, au moment ou la mode se proposait d’habiller les femmes avec des étoffes diaphanes. Ainsi, ses qualités intrinsèques en firent un remède élégant contre les courants d’air. Lorsque les britanniques inondèrent le marché européen avec des châles pashminas produits en masse et à moindre prix, l’objet exceptionnel devint ordinaire et jamais, jusqu’à nos jours le mot pashmina ne retrouva sa véritable identité en Occident. C‘est aujourd’hui’ un terme générique renvoyant l’image d’un modeste accessoire de mode aux matières indéterminées, aux prix attractifs mais sans âme. Si les mots ont un sens, alors rendons au shawl en laine pashmina ses lettres de noblesse, pour le plaisir des yeux si ce n’est pour le posséder.    


TRICHER N’EST PAS JOUER

Tout le monde en parle, tout le monde en vend, tout le monde en veut, sachant qu’une chèvre  tchang-ra ou chèvre pashmina fournit environ150 g de duvet exploitable chaque année, comment expliquer cette profusion d’articles sur le marché mondial sinon par un tour de passe-passe ou une confusion de matière première ? L’exceptionnel est rare et la quantité de laine pashmina vendue sur le marché international n’est que de 0,5% de la production mondiale.


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