mercredi 1 février 2012

Barbour or not Barbour?

Vous connaissez certainement cette ligne de vêtements sportswear, caractérisée par l'utilisation d'un tissu  épais et luisant, au toucher gras. Vestes, gilets, blousons, cache-poussière, généralement en brun ou vert foncé pour la gamme classique, jaune, rouge ou bleu pour les nouvelles collections. Des modèles avec une multitude de poches, des doublures matelassées en coton gratté quadrillé, un col en velours côtelé plus doux, moins rêche, donc d'un contact plus agréable. Lorsqu'il est relevé le col est en contact avec le cou et le visage. Certains éléments reviennent systématiquement dans les nouveaux modèles, ils sont les traces de l'histoire du Barbour : la patte de boutonnage cache les boutons afin d'éviter que les fils ou les hameçons des lignes ne puissent s'accrocher, les poches intérieures sont destinées à protéger les objets ou les papiers de la pluie ; les pattes de serrage sur le bas des manches empêchent le vent de rentrer. Les poches servent à stocker les cartouches. Ces spécificités font partie du concept de départ et répondent à une utilisation particulière des vêtements : imperméables, chauds et quasiment indestructibles si l'on connaît le mode d'emploi. Les non initiés utilisent le mot barbour, pour désigner des articles en coton huilé.

Mais saviez-vous que Barbour est nom propre, et une marque déposée ?
Derrière ce nom il y a une famille et une société la Barbour Sons and Cie installée à South Shield en Grande Bretagne. Si le procédé de fabrication n'est pas un secret, c'est un homme et une société qui sont  à l'origine du succès mondial de cet article.
Son succès est responsable en partie de la méprise. En effet, tout comme un réfrigérateur devient dans le langage courant un frigidaire, un stylo devient un bic, le polyamide devient du nylon, la veste en coton huilé est devenu un barbour. La concurrence est rude. Des vêtements en coton ou en lin huilé, on en trouve un peu partout dans le monde ; des marques se sont développées avec succès  en Australie, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. Elles sont reconnues et recherchées pour leur qualité. Cependant, il convient de faire le tri car beaucoup d'autres marques ne proposent que des imitations, laissant parfois le but premier c'est-à-dire la solidité, la longévité et l'imperméabilité de côté. Attention ! Tout ce qui est huilé n'est pas automatiquement Barbour.

Les vêtements en coton ou en lin huilé ne sont pas une invention récente.  L'industrialisation a permis la production à grande échelle et le développement sur le marché international.

Déjà au 16 e siècle, la ville de Gênes en Italie s'était une spécialité textile : on y fabriquait  un tissu en laine et lin  réputé pour sa solidité. Utilisé pour les voiles des navires, pour les bâches, on y taillait aussi des vestes et des pantalons pour les marins. Cette toile de Gênes va connaître un incroyable succès en traversant l'Atlantique elle deviendra la célèbrissime toile de jeans.
 Les marins  pêcheurs, prirent l'habitude de récupérer des vieilles voiles en lin ou en coton imperméabilisées avec de l'huile de lin ou de la cire pour en faire des chemises, des vestes et des pantalons qui les protégeaient du froid et de l'humidité à moindre frais.
Mais restons en Grande Bretagne à la fin du XIXe siècle, les bateaux à vapeur commencent à remplacer les voiliers et, de fait, dans les villes portuaires, le stock de tissus destinés à la fabrication des voiles augmentait. C'est à cette époque que John Barbour, tailleur à New Castle, port important situé sur la Tyle, imagina une ligne de vêtements  de protection en utilisant la traditionnelle toile enduite. La nouveauté réside bien sûr dans la fabrication industrielle. Comme Lewis utilisa un stock invendu de toile pour tentes pour fabriquer des jeans, Barbour, vivant dans un port, avait la possibilité de trouver ces tissus en quantité et à bon prix puisque la demande pour les voiles de bateaux baissait considérablement. Lorsque les marins ne naviguaient plus, ils  devenaient souvent paysans ou pêcheurs et continuaient à porter ce type de vêtements, pratiques, chauds, imperméables. Ils furent les premiers clients de la société Barbour. Ensuite, dans les années 1930, les aristocrates trouvèrent ces vêtements tout-à-fait adaptés aux activités de plein air qu'ils pratiquaient, c'est- à-dire la chasse, la pêche, l'équitation et, plus tard, les premiers motards devinrent eux aussi des clients assidus pour ces vestes imperméables en coton huilé ou waxé, doublées de coton écossais. La demande ne cessa de s'accroître et le produit est aujourd'hui connu et vendu sur tous les continents. De nos jours, cette connotation artistocrate est oubliée et le Barbour est devenu un vêtement de protection utilisé pour les promenades au grand air, en forêt ou en mer. Il demeure un produit de luxe : il n'est qu'à voir les corner Barbour dans les grands magasins ou les boutiques Barbour pour s'en convaincre ; on pènêtre dans l'univers Barbour. Le prix est aussi une indication.  Sûr de la qualité de son produit, le fabricant garantit 5 ans l'imperméabilité de ses articles à condition de les utiliser à bon escient et de les entretenir comme il convient, à savoir : ne jamais mettre le vêtement en machine à laver mais le nettoyer à sec. Comme tous les tissus huilés, la veste conservera une odeur particulière et un toucher gras. Pour un usage intensif sous des pluies diluviennes, vous pourrez acheter ou commander chez Barbour le produit permettant de le réimperméabiliser vous même, ou bien le renvoyer à l'usine pour que l'opération soit réalisée sur place.
Contrairement au Loden l'usage de ces vêtements ne se justifie pas en ville, mais puisque tout se porte partout, pourquoi mettre une restriction?
Les vêtements sont coupés dans des tissus de différents poids et la gamme de couleurs restreinte des débuts vert, bordeaux, brun, noir s'est largement diversifiée. Concurrence oblige, la firme a du se résoudre à faire quelques concessions. C'est ainsi que la gamme s'est diversifiée  tout en conservant le concept de fonctionalité et une qualité identique pour séduire une clientèle plus jeune et plus féminine. Nécessité faisant loi, le vêtement qui fut un camouflage pour aider l'homme à se fondre dans la nature, s'est transformé en un vêtement multi-usages unisexe.
L'aspect d'un véritable Barbour est très particulier. Généralement, il atteint ses lettres de noblesse lorsqu'il est "usagé". Neuf, il a moins d'intérêt. Il se patine avec le temps. Comme une veste en Harris Tweed, un pull en cachemire 12 fils, un Barbour fait partie de la famille, de la vie quotidienne,  il se fait à votre façon de vivre, il accompagne de mieux en mieux vos mouvements, s'adapte à votre morphologie, se déforme pour mieux vous habiller. Il fera un bon bout de chemin avec vous, c'est le vôtre, il ne pourra pas vêtir une autre personne. C'est ça le bonus de ces merveilleux tissus, ils vieillissent avec nous, en même temps que nous, mais leurs rides sont acceptables.

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