dimanche 26 mars 2023

LA VIE SECRETE DE LA BOURRETTE DE SOIE N°1


La bourrette de soie, en chaîne et trame ou en maille est une étoffe pleine de promesses qu’elle cache sous une apparente modestie. Ce post est l’occasion de découvrir une soie originale, moins sophistiquée qu’un satin duchesse mais qui, pour plaire, déploie des trésors d’ingéniosité. Loin des chemins convenus, rarement présente sur les podiums, ce petit bijou a pourtant un parcours semée d’étoiles. Au XXIe siècle, à l’heure du surcyclage, voici une matière noble qui intéresse une « industrie »  en pleine expansion.


D’UN POINT DE VUE CHIMIQUE 

La composition chimique (fibroïne et sericine) des fils de bourrette de soie est identique à  celle de la soie grège ou soie naturelle, c’est donc bien une soie à part entière. 


D’UN POINT DE VUE PHYSIQUE 

C’est, par son apparence, dont la plus « visible », est l’absence de lustre, que la bourrette de soie se distingue de la soie naturelle.  

 

DU LATIN ORIGINEL

Borre puis puis bourre du latin burra = étoffe grossière à longs poils. Plus contemporaine est cette définition : toute espèce de poil, laine, fibres, déchets de fibre en vrac.


UNE RECONNAISSANCE TARDIVE

Le mot bourrette apparaît dans la langue française vers 1420.


BOURRE DE SOIE

Les déchets provenant du dévidage des cocons des vers à soie sauvages ou éduqués dans des magnaneries, se présentent sous forme d’un agrégat hétérogène constitué de la partie externe du cocon, des premières couches qui l’entourent qui sont des matières faibles, la chenille étant exténuée arrivée à ce stade de conception de son abri. Ces brins courts, irréguliers et agglomérés, sont inutilisables en l’état pour la filature. Ce n’est qu’après le décreusage très partiel, le cardage et le peignage que l’on obtient une matière apte à être filée, selon les même techniques que pour les brins les plus courts du coton ou de la laine. 


RIEN NE SE PERD, TOUT SE TRANSFORME

Le traitement des résidus collectés lors des différentes opérations depuis le cocon jusqu’au fil de grège est devenu une véritable industrie alimentée par les magnaneries, les usines de tissages, les ateliers de filature. Ce sont les italiens qui, les premiers, dès le XIe siècle, eurent l’idée d’exploiter cette manne négligée jusqu’alors. 

Etant donnée la valeur inestimable de cette fibre, la récupération des déchets était financièrement rentable. Les tisserands italiens, habitués au travail de la soie, surent tirer profit de ce potentiel en l’utilisant pour la fabrication de tissus.

Le saviez-vous? En moyenne 100 kg de soie brute donne 70kg de soie pure et 30 kg de déchets.

 Avant l’industrialisation du traitement des déchets du moulinage de la soie, les cocons inaptes (tachés, doubles, percés) étaient jetés dans les champs pour servir d’engrais.

Le toucher légèrement huileux des cocons à retenu l’intérêt d’industriels. L’huile extraite des résidus de cocons, riche en protéines, entre dans la composition de certains produits alimentaires pour animaux. 


LA GREGE ?

C’est le fil de « soie naturelle » obtenu avec la bave du vers à soie du mûrier. Ce filament continu, de grande longueur, souple, lustré, lisse et régulier, se compose de deux brins soudés entre eux par le grès d’où le nom de grège. Plusieurs brins sont alors réunis par torsion. Le grès peut être ôté en totalité ou partiellement, c’est une opération destinée à  « doser » le lustre et la souplesse du fil. La couleur du fil, à ce stade, hésite entre le gris et le beige. Ce n’est qu’une fois la gomme complètement dissoute que le fil devient blanc. 

Le saviez-vous : c’est le fil de soie grège qui permet de tisser ces merveilleuses étoffes que sont les taffetas, satins, failles et autres twills.


LE FILÉ DE FIBRES DE SOIE VUE DE L’EXTERIEUR

Un filé de fibres est une construction plus complexe qu’un fil grège : il est constitué de brins discontinus très courts, de diamètre irrégulier qui sont maintenus entre eux par torsion 

Le saviez-vous? Le nombre de tours varie entre 100 et 1500 par mètre. Voilà pourquoi le degré de torsion à une incidence directe sur la solidité du fil, il est fonction de la destination du produit : tissage, fil à tricoté ou fil à broder.


LE MÊME VUE DE L’INTERIEUR

Le fil de bourrette de soie résiste bien à la traction, mais il se désagrège aisément. Faites l’expérience suivante : prenez un brin entre les doigts et étirez le en même temps. L’ensemble se désolidarise et reprend son identité initiale sous forme d’une infinité de brins « ouateux ». 


UN USAGE RESTREINT

Compte tenu de ces caractéristiques, un filé de fibres n'est pas idéal pour la chaîne, soumise à une forte tension lors du tissage. Une exception est tolérée pour l’armure panama : deux fils en chaîne croisant deux fils en trame, le but étant de renforcer la solidité de l’étoffe.

Le saviez-vous? La nourriture des chenilles (vers à soie) a des incidences sur le futur fil . Les chenilles vivant à l’état sauvage se nourrissent de feuilles de divers arbres qui contiennent plus de calcium que celles du mûrier blanc ou noir, l’alimentation des vers à soie du bombyx du mûrier. Les conséquences de ces régimes se répercutent dans la composition et la couleur des cocons. 

Les  filés de fibres sont généralement utilisée soit pour les articles en maille ou en trame dans le tissage des bourrettes de soie ou de soies dites sauvages . Ce sont leurs particularités physiques qui donnent « du caractère » à ces étoffes.


A SUIVRE



 

 






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