LA ROCAMBOLESQUE SAGA D’UN CARRÉ DE 36 POUCES
Ce post automnal n’aurait été que la description d’une cotonnade très estivale, joyeusement chahutée par des carreaux multicolores nonobstant ma curiosité et son histoire pluri-séculaire aux ramifications cultuelles et culturelles internationales.
COMME UN PASSEUR D’HISTOIRES Né sur les rives du golfe du Bengale, il a conquis le monde entier mais son parcours hors normes est jonché de drames et de joies, d’échecs et de victoires. Se faufiler entre les fils de ce tissu, c’est prendre conscience des répercussions d’un simple morceau d’étoffe sur la société d’un point de vue économique, politique et sociétal. Le saviez vous ? Au cours de l’histoire, le tissu-vêtement est maintes fois sorti de son rôle protecteur pour se transformer en un outil de résistance pacifique. Voici quelques exemples de ces signes de protestation adressés aux pouvoirs en place. Le boycott des tissus anglais par Gandhi, les pantalons des sans-culottes, la coiffe en madras des esclaves affranchis aux Antilles, les chemises fleuries de Madiba.
A MI-CHEMIN ENTRE TRADITION ET FOLKLORE ? Tradition du latin tradere, à travers et dare, transmettre. Folklore de l’anglais folk, peuple et lore, légende. Ce n’est qu’à la fin de ce post que vous serez en mesure d’en juger.
CHOIX JUDICIEUX En1640, Francis Day, premier directeur de la British East India Company, obtint auprès des autorités locales, l’autorisation d’établir une colonie britannique à Madraspatnam, un village de pêcheurs situé sur la côte de Coromandel. C’est, à la fois, la position géographie du village et le potentiel de l’artisanat textile régional qui attirèrent l’attention des colons. Avec la construction du fort St Georges, débuta l’irrésistible ascension d’un carré de coton qui deviendra le mouchoir-madras et le développement de la ville de Madras, rebaptisée Chennai en 1996. Le saviez vous? : les britanniques firent preuve d’audace en misant sur le succès commercial hypothétique des cotonnades face à des concurrents qui parièrent sur des valeurs sûres comme le commerce des épices et des soieries brodées. A posteriori , les anglais prirent la bonne décision au vue de l’engouement de la clientèle européenne pour «les indiennes».
SAVOIR POUR PREVOIR POUR POUVOIR En prévision de l’accroissement de la demande, les britanniques incitèrent les artisans teinturiers et tisserands à s’installer dans la région du fort St Georges en contrepartie d’une exemption d’impôts. L’opération fut une réussite, donnant l’impulsion nécessaire à la fondation de ce qui deviendra un des plus grands centres textiles de l’Inde coloniale.
LE RUMAL A L’ORIGINE DES FOULARDS MADRAS
Au XVIe siècle, teinturiers et tisserands de l’Inde du sud se spécialisèrent dans la fabrication de petits carrés de toile en fibres d’abaca unis ou quadrillés, aux couleurs douces. La fibre d’abaca, tirée d’une plante de la famille des bananiers, est caractérisée par un lustre qui réfléchit la lumière, ce qui lui valut le surnom de « soie de banane ». Mais cette fibre, introduite en Inde à la fin du XVe siècle par les portugais, fut remplacée par le coton indien, une plante indigène plus facile à travailler et plus économique. Les madras, en coton et soie ou tout soie, étaient des créations européennes. Le rumal était utilisé par les fidèles pour envelopper les offrandes faites aux divinités vénérées dans les temples. Ce carré d’étoffe est devenu handkerchief en anglais et mouchoir en français, traduction pour le moins curieuse si l’on considère que sa fonction première était plus cérémonielle qu’utilitaire. Le saviez vous : On raconte qu’au XIX e siècle, un membre de la secte des Thugs aurait tué par strangulation plus de 900 personnes avec un rumal.
A SUIVRE
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