jeudi 8 décembre 2016

MELODIE TEXTILE

Aujourd'hui la pollution enveloppe Paris et les rues sont tristement embouteillées par les voitures ayant une plaque d'immatriculation se terminant par un chiffre pair.
Le ciel est bleu, le soleil brille mais les trottoirs sont étrangement calmes car désertés par les piétons effrayés par les particules fines, les jardins sont privés de la présence bruyante des enfants. La cause c'est la mauvaise qualité de l'air citadin.
Ce sont les parisiens qui font Paris et voilà  qu'ils sont confinés dans leurs appartements  ou sur leur lieu de travail. Il n'y a pas de solution idéale parce que l''air pollué envahie tout autant les intérieurs, que les avenues il n'y a aucune barrière pour ce fléau.
La ville vidée de son âme, abîmée par un air vicié  et voilà qu'elle n'est plus qu'une mauvaise copie. Ah si Paris était à la campagne!
Comme la vraie vie me manque dans ma ville. Il y a pourtant du monde, des visiteurs mais des gens de passage qui sont là pour voir, visiter, prendre des photos, se faire des souvenirs. Cette foule qui déambule sur les sites touristiques est fantomatique
 Moi Paris je l'aime en couleur. J'attends avec impatience que la pluie vienne chasser ces fantômes qui nous asphyxient pour qu'en fin Paris retrouve son authenticité et son éclat et sa population.





Remarquez combien les tenues  des parisiens sont sombres, observez les vitrines dans les magasins de vêtements tout au plus on nous propose du gris éventuellement du brun mais principalement du noir







Alors oui je vote pour des tenues colorées et musicales. En attendant que ce pic de pollution diminue, je vous propose de colorer musicalement votre   garde robe.
Je vous entraine dans une divagation  musicale, composée de notes tirées de mes plus beaux souvenirs textiles. C'est une véritable symphonie que nous  joue la soie. Cette fibre nous offre du rêve et des sons bien inhabituels.

Des notes claires et des tons forts, un ensemble harmonieux et joyeux. Le  célèbre cri du taffetas que l'on coupe. Attention pour obtenir cette note cristalline  il faut être expert. Les ciseaux en main c'est d'une seule traite que les lames vont traverser la largeur du tissu,  en une seule fois, d'un geste décidé  pas de repentir sinon le rythme est cassé. C'est le clairon, la trompette.


Cependant, la soie nous réserve bien d'autres surprises. Un rien snob quand elle brille de tout ses feux, quand elle fait son grand jeu, quand elle est soliste et c'est le satin duchesse

tissus somptueux, rare, sensuel, luisant dans les plis  duquel on peut se perdre à jamais
 L'instrument qui tient la note  c'est le saxophone. Noble, grave, élégant, renvoyant la lumière avec maestria.
La soie peut nous étonner en prenant des airs de pauvresse avec la bourrette, matière souple mais endormie, inerte, lourde, granuleuse ou lâche, et c'est le grondement sourd du tambour qui résonne. Il prend de la place, mais souvent situé derrière, derrière les violons, derrière le piano, au fond, oui mais on l'entend, on le reconnait, et il sait se faire entendre. La bourrette pourrait parfois se confondre avec du coton, elle se cache dans le rayon de la soie, mais on la reconnait , et l'amateur fait la différence. C'est une soie sans chichis, pas d'effet, pas de reflet, pas de brillance, la nature au naturel, pas de maquillage, la soie brute , le sens de l'esthétique sans artifice. Une note étouffée mais présente.



Oublions ces sons graves et passons au triangle, clair, limpide, instantané, tintinnabulant avec tant de joie, envahissant l'espace sonore. On frise l'excellence en manipulant un délicat organza. La gamme exulte, les notes fusent, l'imagination fait le reste. L'image de ce tissu d'apparence si fragile, si précieux est trompeuse, il est solide et sa transparence est aussi concrète que peut l'être une barbe à papa, on la voie, on la mange mais il n'y a rien. C'est magique ! L'organza absolument magnifique résonne à mes oreilles telles les trompettes de la renommée, les bien nommées. Ce petit bruit sec, haut perché qui s'échappe des lames de mes ciseaux contre la surface évanescente du tissu je le connais et les yeux fermés je le distingue du taffetas.
C'est un bouquet plus calme, mais tout aussi abstrait que l'on obtient en manipulant des lainages. Des notes sourdes, chaudes, presque un murmure dans la brume.
Et si d'un coup vous déchirez un morceau de laine cardée, épaisse, douce, légère, alors c'est à l'oreille une note qui flotte, et qui, comme une plume, virevolte avant de s'évanouir. C'est le moment de prendre le violoncelle, le trombone, avec un soupçon de harpe.

Et puis vient le silence. C'est la mousseline de soie muette qui marque une pause. Plus aucun son ne sort de ce tissu. On peut le couper, le travailler, le porter, le froisser, le toucher, jamais il ne vous dira ses sentiments

C'est le tissu le plus silencieux que je connaisse. Jamais un mot plus haut que l'autre, jamais rien. Non  vraiment pas un bruit ne sort de ses entrailles, il est muet mais sa présence est un bonheur de douceur. On le devine plus qu'on ne le voit.
Pour terminer, je vous offre un final grandiose.  En route les violons, les cymbales, les tambours les trompettes, les violons. La recette est simple : prendre à pleines mains des taffetas, des organzas, des failles, des lainages  et les faire tourbillonner dans les airs.



Dans un joyeux désordre, tout l'orchestre frissonne, les tissus retombent sur le sol, les uns mollement les autres vivement, certains ont peine à atterrir et planent dans un silence inquiétant d'autres piquent vers le sol dans un cri qui me réveille. J'ai les oreilles délicieusement amusées, les yeux éblouis par les couleurs, et les mains occupées à ramasser ce que j'ai éparpillé sur le sol



Mais qu'importe, j'ai rêvé un instant et vous? Inventez votre partition,  faites des essais,  devenez le chef d' un orchestre textile.

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