mardi 10 juillet 2012

TOURS ET DÉTOURS AUTOUR DU TISSU :LAVER, BLANCHIR,LESSIVER, BUER, NETTOYER


















La lessive, avant l'apparition des machines et des produits lessiviels, supposait des efforts physiques et réclamait du temps.  En ce qui me concerne, la machine à laver à gommer de mon imaginaire ce rite ancestral, et si le mot corvée ménagère était jadis appliqué au jour de lessive, il correspond  aujourd'hui pour moi au jour de repassage, quand bien même, les performance de ma centrale vapeur n'ont rien en commun avec les résultats des fers à repasser de ma grand mère.


BUER OU LAVER ? BONNET  BLANC ET BLANC BONNET
Mais d'où vient donc le mot de buanderie qui désigne  dans une maison la pièce destinée à la lessive et à l'entretien du linge  ?
En vieux français buer signifiait faire la lessive, mais l'origine du mot est encore plus ancienne; en effet  en francique, langue originelle des francs, on trouve le mot bukon qui à la même signification que buer
Et voilà comment de buer  nous sommes arrivé à la buanderie.

LAVANDIERES ET BLANCHISSEUSES : HEROINES MALGRE ELLES
Les lavandières
Il y a une chanson de Jacqueline François que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître(ni la chanteuse, ni la chanson) mais qui trouve sa place dans ce message : les lavandières du Portugal. Un refrain entraînant, quelques notes, des pas de danse et la joie de ces femmes qui partent laver le linge de la famille ou de leurs patronnes est communicative. Enfin voici une idée reçue, et malheureusement fausse.
"Tant qu'y'aura du linge à laver
On boira de la manzanilla
Tant qu'y'aura du linge à laver
Des hommes on pourra se passer
Et tape et tape et tape avec ton battoir
Et tape et tape tu dormiras mieux ce soir..."




 Hélas le quotidien de ces femmes n'était certainement pas aussi radieux que le dit la chanson. Travail pénible, s'il en est, qui réclame force physique indéniable et une résistance  aux excès climatiques. La lessive jusqu'au milieu du XXe siècle  était plus une corvée qu'un plaisir. Aujourd'hui ce n'est peut être pas un plaisir mais les progrès techniques au niveau des lessives et des machines rendent cette tâche ménagère un peu moins rébarbative. 


 Les blanchisseuses
Connaissez-vous une certaine Catherine Hubscher? Peut être pas sous ce nom. Repasseuse puis blanchisseuse alsacienne, elle épousa en 1783  un dénommé Lefebvre, soldat de son état. Lorsque celui-ci devint maréchal d'Empire le couple fut admis à la cour impériale. Cependant, madame Lefebvre se fit remarquer par son franc parler qu'elle ne laissa pas au vestiaire. Personnage haut en couleur, elle devint l'héroïne d'une pièce de Victorien Sardou "Madame sans-gêne". Si ces manières, ou son manque de bonnes manières amusèrent un temps, elles furent à n'en pas douter à l'origine du mépris qu'une partie de la cour impériale eut à son encontre.


Ces métiers étaient encore très présents dans l'imaginaire des français, dans les années 1970. Aujourd'hui ils font figure d'image d'Epinal.  Les citadins n'avaient pas oublié leur origines paysannes et leurs souvenirs d'enfance. Le coup de génie d'une société de matériel électroménager fut de surfer sur cette identité : une publicité  jouant sur cette dualité tradition et progrès : une lavandière, femme de la campagne, pleine de vie, de force, et de bon sens utilisant une machine à laver!  "la mère Denis" vedette de la marque Vedette. Opposition entre les habitudes de la vie rurale et la modernité de la vie citadine. Economie d'énergie d'un coté, économie de temps de l'autre. Dans les années 50 les foyers possédant des machines à laver étaient une minorité, aujourd'hui c'est une minorité de foyers qui n'en possède pas.



AVANT LE SAVON L'URINE
Dans la Rome ancienne il y avait des laveries publiques ou ateliers de foulons. A l'entrée des laveries, il y avait des "urinoirs" destiné à récolter l'urine. On sait que l'urine humaine et animale
riche en ammoniaque était utilisée par les teinturiers pour dégraisser et blanchir la laine . L'Empereur Vespasien  imagina qu'il pouvait en taxant ce produit faire rentrer des sommes importantes dans les caisses de l'empire. Il fit poser dans Rome des urnes d'argiles   afin de permettre aux passants de se soulager.  Les fouloniers vidaient régulièrement ces pots de chambre afin de récuperer l'urine qu'ils utisaient pour blanchir et dégraisser les tissus.
Il fut certainement le premier à proposer des toilettes publiques, avant J-C Decaux et ses sanisettes. A Paris des vespasiennes furent disposées dans de nombreuses rues, une des dernières restantes est située devant la prison de la santé, boulevard Arago.  Il leva donc  une taxe sur l'urine, appelée Chrysagyre et payable par tous les chefs de famille romains, une fois tous les quatre ans. Un jour son fils  Titus lui fit grief d'avoir institué un tel impot,  alors Vespasien lui fit sentir une pièce de monnaie, et lui demanda si elle avait une odeur particulière. Il lui répondit par la négative et l'on prête à Vespasien cette maxime :
 "l'argent n'a pas d'ôdeur."

APRÈS L'URINE LES CENDRES
Les gaulois utilisaient des mixtures à base de cendres de hêtre et de graisse animales  qui faisaient office de produit de lessive. Au Moyen Age, des marchands ambulants vendaient de la cendres aux lavandières qui occupaient une partie des bords de seine. La cendre de bois contient de la potasse, matière qui à le pouvoir de dissoudre les graisses. C'est une recette écologique adoptée par de nombreux écologistes. Mais pour toutes celles qui cherchent un autre moyen que les lessives vendues dans le commerce pour laver leur linge, je conseille les noix de lavage. C'est épatant, écologique, naturel et économique. Vous les trouverez dans les boutiques spécialisées dans la vente de produits biologiques.

PASSER UN SAVON...   AOC  !
Il existait un savon fabriqué dans la ville d'Alep en Syrie, composé d'huiles végétales d'olive et de laurier, mélangées à de la soude et de l'eau, utilisé dans le monde arabe. Il parvint en Europe par le biais des croisades. Au Xe siècle, le savon était un artisanat florissant, il demeurait un produit cher donc rare. Il faudra attendre le XVIe siècle pour voir une quasi industrialisation du savon en France. D'autres pays  produisaient des articles de qualité. L'Espagne et l'Italie, possédaient les matières premières  des huiles d'olive et des plantes odorantes permettant de remplacer la graisse animale par l'huile, et de masque l'odeur par le mélange de plante. A  Marseille on fabrique  le véritable savon de Marseille depuis le XVIIe siècle. La recette est inchangée depuis et il devrait un jour prochain devenir un produit AOC.(appellation d'origine controlée) comme le Camembert.




DES RAYON BIEN REMPLIS
Mais pourquoi fallait-il tant de linge de table au cours des siècles passés ?  Simplement  parce queles familles étaient nombreuses, et les lessives rares.
La fréquence de la lessive collective était calculée en fonction du stock de linge de chaque famille.
Plus le foyer était fortuné plus les armoires regorgeaient de linge, plus les trousseaux étaient importants.
 Au XVII et XVIIIe siècle les nobles portaient des chemises blanches, signes de richesses et d'hygiène. Blanches elles devaient l'être afin de mettre en évidence le soin de la toilette. Ils changeaient tous les jours et le vestiaire devait suivre, car les lessives n'étaient pas quotidiennes.
 Jusqu'au XIXe siècle, dans les campagne on faisait deux ou trois lessives par an. Dans les villes on faisait appel aux blanchisseuses
Dans les maisons qui menaient grand train de vie, une personne était responsable du linge, de sa bonne tenue, de sa mise en place, de son entretien, de sa disponibilité, car nappes, serviettes , drap ou linge de corps, il s'agissait de produits rares et coûteux, 
Le moment de la lessive était un acte récurant dans la vie de nos ancêtres. Cette activité pénible mais nécessaire prenait du temps et employait de nombreuses personnes, parfois il fallait mobiliser toute la maisonnée, voir le village. 





LA LESSIVE UNE CORVÉE EPUISANTE
La lessive prenait plusieurs jours et les étapes étaient suivies à la lettre.
Le premier jour, on décrasse le linge en se contentant de le faire tremper. Puis, on charge dans des cuves le linge blanc à bouillir. Dans le fond des cuves, on a installé des branches et des ballots renfermant des cendres de bois. Sur le coté de la cuve, il y a en principe un trou fermé par un bouchon de paille. On pose le linge par couches successives, d'abord les draps, puis les pièces plus petites et plus légères.
Le deuxième jour, on verse de l'eau de plus en plus chaude dans la cuve, sur le linge. L'orifice situé dans le bas de la cuve permettait de récupérer l'eau, de la réchauffer et de la reverser.
La même eau récupérée, moins chauffée, était employée pour le linge de couleur que l'on lavait séparément ; il trempait avec des herbes tinctoriales ou saponifères (feuilles de lierre pour les pantalons de velours et saponière pour les lainages). Cette opération préparatoire était appelée "bui" dans le nord de la France. Elle occupait la maisonnée toute entière et prenait la journée.
Le troisième jour c'était le "voyage" au lavoir, le linge chargé sur une brouette, avec brosse et battoir. On faisait alors sortir la saleté, on rinçait à l'eau froide, et on blanchissait au soleil le linge propre. C'était là une activité collective puisque le lavoir était celui du village.
Séché puis repassé, le linge était placé dans les armoires avec des bouquets de lavande et des racines d'iris pour éloigner les mites. Qu'il devait être difficile de faire sa lessive à Paris !

DU COLLECTIF A L'INDIVIDUEL  OU DE LA LESSIVEUSE A LA MACHINE A LAVER LE LINGE

Les habitudes divergent en fonction des populations. Ici ou là le mode de lavage ne s'est pas mondialisé comme c'est le cas pour beaucoup d'autres domaines
En Indes les lavoirs sont encore dans les grandes villes des lieux que l'on a peine à imaginer, tant le travail est pénible et d'un autre âge. Ce qui semble normal ici ne l'est pas ailleurs.
A Mumbaï ce sont les hommes qui lavent le linge pour quelques roupies.. Ils pataugent dans l'eau sale tous les jours, qui sont courbés du matin au soir sur des lavoirs, et sans cesse battant le linge afin de le débarrasser de la crasse.
Dans d'autres pays, comme à Madagascar, ce sont les femmes et les jeunes filles qui lavent le linge à la rivière souvent à distance du village, mais près d'une source d'eau : puit, rivière ou lac.
En France s'il reste des lavoirs dans un grand nombre de villages, ce sont quasiment des monuments historiques, souvent restaurés, l'eau n'y coule plus que pour les appareils photos des touristes, et les seuls cris qui y résonnent sont ceux des enfants qui viennent y jouer. Depuis longtemps on ne lave plus son linge sale en famille même à la campagne.
C'est ainsi que de la lessive événement collectif nous sommes arrivé à la lessive un acte individuel           
Dans les villes les laveries automatiques remplacent les lavoirs ; c'est une étape intermédiaire, l'individu prime sur la collectivité  car ce n'est pas une machine pour tous mais chacun sa machine , mais la salle d'attente est collective.

LA MACHINE UNE PRECIEUSE AIDE MENAGERE
Au début du XX e siècle, arrivèrent les lessiveuses puis, plus tard, les premières machines à laver. La lessive n'est plus aujourd'hui un événement,   c'est un acte de la vie quotidienne auquel on ne prête pas grande attention, sauf lorsque la pile de linge propre attend que quelqu'un prenne en charge le repassage. Certes l'efficacité des fers à repasser n'est plus à démontrer, les vêtements en fibres chimiques réclament un minimum de repassage, mais tout de même, c'est encore une corvée pour beaucoup d'entre nous...   


Les machines à laver le linge peuvent être individuelles comme généralement en c'est le cas en France.  Chaque foyer possède sa machine, dans son appartement ou sa maison.  Cependant les laveries dans les centre ville sont de plus en plus fréquentes car les appartements sont petits et la surface libérée par une machine est précieuse. Seul contraintes : sortir à l'extérieur avec le linge, attendre le temps de la lessive sur place.  Aux USA de nombreux immeubles sont dotés de laverie. Seuls les locataires ont accès aux machines à laver, mais le principe permet de partager les machines, de rencontrer ses voisins, de libérer de la place dans les appartements.  La seule contrainte ? Descendre  avec son linge sale et de remonter avec son linge propre.  Fonctionnels ces lieux le sont , mais ils sont aussi moins propices aux discussions que les lavoirs d'antan. Mais entre les deux,  le choix n'est pas cornélien : laisser la machine faire le travail et se retrouver autour d'un bon café dans un endroit convivial pour bavarder entre copines ou voisines c'est encore la meilleure des solutions


LE BEAU LINGE EST DE SORTIE
Les produits de lavage sont de plus en plus performants,  les machines lavent, essorent et sèchent.
 Alors ? Sortez le beau linge, offrez vous de belles tables, dormez dans de beaux  draps en lin ou en coton,  enveloppez vous dans des serviettes en coton éponge,  essuyez les verres avec des torchons en métis...Privilégiez  la qualité au nombre et votre quotidien sera embelli. Entretenir une nappe en lin ce n'est plus une corvée c'est un délice...

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