mercredi 6 avril 2011

le tissu et l'homme une longue et belle histoire 3


Le tissu et l'adulte 3


Cette complicité avec le tissu nous ne l'avons pas perdue avec le passage à l'age adulte : qui n’a pas eu envie un jour de cafard, de rentrer dans une boutique et s’acheter un petit quelque chose en tissu, juste pour faire passer le spleen ? C'est encore un reflexe qui vient de l'enfance, on froisse, on triture, on caresse, le dit objet qu'il s'agisse d'un pantalon, d'une robe, d'un chemiser... Néanmoins tout cela est positif  car  moins calorique qu’une tasse de chocolat, moins cher qu’une séance chez le psy et finalement très efficace.
J'ai pu observer dans ma boutique les différentes approches de mes clientes, je dis clientes parce que les hommes n'ont pas les mêmes réactions.  Très souvent, les femmes vont prendre un bout du tissu choisi et le passer sur leur visage ou sur le dos de leur main, juste pour voir si cela pique ou gratte, mais pourquoi donc le faire s'il s'agit de choisir une étoffe pour un manteau ou une veste qui ne seront jamais en contact direct avec le visage ou le dos de la main ? C'est encore un reflexe venu de l'enfance, une réminiscence du doudou. Voilà aussi pourquoi acheter un métrage de tissu, un vêtement ou du linge de maison c'est d'abord avoir un contact direct avec lui autant visuel que tactile et aucune photo si bonne soit elle ne pourra me satisfaire.  Je peux rever devant un morceau de soie imprimée, parcequ'il est concret, présent, je ne peux pas ressentir cette sensation épidermique si agréable devant une photo de tissu. C'est amusant mais en écrivant ces mots je fais un rapprochement entre ce besoin de voir et de toucher avant d'acheter et un phénomène curieux qui se produit lorsque je suis au restaurant. S'il n'y a qu'une seule carte pour la table, et qu'une seule personne la possède et lit pour l'ensemble des convives la liste des plats, je ne peux pas me décider ; il faut que je prenne en main la carte et que je lise moi-même les propositions des plats pour que je puisse  commander, c'est curieux , mais je crois ce que je vois et l'abstraction ne fait pas partie de ce jeu là, car il n'est pas question d'art ici. Après cette digression, il convient de poursuivre notre ballade à travers les ages.
  


Adultes, l'homme et la femme sont désormais autonomes et seuls décideurs de leurs choix ou presque. On avance seul ou accompagné, et dans ce cas, vient la cérémonie du mariage qui passe par la sacro-sainte robe de mariée qu’elle soit blanche rouge ou jaune et encore un costume pour monsieur, parfois le premier, parfois l'unique exception au jean, parfois un frac, un tuxedo, une queue de pie. Le choix du tissu pour la robe de rève est souvent un moment émouvant, des instants de complicité entre mère et fille. Je confirme

   
voici la robe de mariée de ma fille  Jessica en cours de réalisation , home made bien sûr.
Que de jolis souvenirs liés à ces étoffes, à ces tenues d'un jour, que de merveilleuses photos souvenirs immortalisant ces nouveaux habits pour une nouvelle vie. Ces tissus choisis pour toutes ces cérémonies sont des annonces de réjouissances (naissances, entrée dans l'age adulte, mariage).


En Indes du sud, la robe de la mariée est une histoire de famille. Et c'est en famille que l'on aide la mariée à trouver le tissus de ses tenues
 La vie va puis s'arrête mais le tissu est cette fois emprunt de religiosité et souvent de tristesse pour l'entourage. 
ikat du Sulawesi en coton, teinture végétale du Sulawesi
il s'agit d'un panneau 

Nous ne sommes plus en mesure de choisir ou de ressentir quoique ce soit quand vient le moment fatidique, le linceul nous enveloppe qu’il soit fait de lin, de coton ou d’écorce de mûrier et puis après, pour certains il y a un après, avec ou sans tissu, qui sait, et puis pour d'autres il n'y a plus d'après…

Entre temps, nous avons passé un tiers de notre vie dans un lit entre les draps, et les deux tiers restants dans des vêtements. Le tissu c'est notre seconde peau, le tissu c'est notre habitacle, le tissu c'est quelque chose d'important qui parle à nos sens, c'est pourquoi on propose aux enfants des tapis d'éveil fabriqués avec toutes sortes d'étoffes raides, souples, fines, épaisses, douces, rêches, lisses, rugeuses… Un jour  prochain, je vous proposerai un voyage textile destiné à mettre vos sens en éveil.


Le tissage ne serait-il pas aussi ce par quoi l'homme se différencie de l'animal ?  La nature nous offre de multiples possibilités pour protéger notre corps du froid ou de la chaleur, mais le tissu n’existe que par le travail de l’homme.

2 le coton  filé et tissé est devenu une robe de bapteme
1 la fleur de coton. 
1 voici le premier maillon de la chaîne avant la tonte ou le peignage de la toison des alpagas, des lamas  

2la laine est filée manuellement, en attendant le client. Sur la table sont présentés des exemples de produits réalisés avec la laine.












3les écheveaux sont teints et prêts pour l'étape suivante
Marché du samedi matin dans un village des hauts plateaux andins en équateur


4 c'est la suite logique de la transformation : le tissage attention ici ce n'est que pour la photo 











5 c'est fini, la toiso est transformée en ponchos multicolores destinés à protéger du froid les habitantes des hauts plateaux. Nous sommes à 3500 m d'altitude au mois d'Aout sur l'équateur. Ici même les touristes sont presque couleur locale, professionnalisme oblige!



Conclusion
Nous sommes à l’origine du tissu, nous sommes donc responsables de son devenir. Ne gâchons pas une si belle invention. 

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