jeudi 28 avril 2011

Encore une jolie découverte textile : le chiné à la branche


 Un peu d'histoire, un peu de technique, beaucoup de traditions et de l'émotion, des découvertes, de la passion voilà le programme que j'aimerais partager avec vous aujourd'hui.
Les guerres, les invasions, les conquêtes, les échanges commerciaux, les trahisons, l'espionnage, les amours, les haines, un résumé des relations humaines en somme, ont joué un rôle important dans le développement des techniques d'impression, ceci est aussi valable pour le tissage et les teintures.

L'impression textile consiste à reproduire des motifs sur la surface d'une étoffe par applications localisées, c'est une teinture partielle. L'impression se fait sur une surface textile existante mais à diffrents stades de la fabrication. En Occident, le mot ikat est un mot générique qui s'applique à tous les tissus utilisant la technique de l'impresion chaîne par réserve. Mais cela est très réducteur, car il existe des chinés à la branche, des patola, des kasuri.
ikat ouzbek coton et soie
ikat du sulawesi coton
ikat indien en coton



Taffetas imprimé sur chaîne origine lyonnaise tout soie chiné à la branche


Aujourd'hui partons à la découverte du chiné à la branche, une impression sur fil de chaîne avant le tissage dont la technique s'apparente à celle des ikats.
La technique du chiné à la branche est utilisée en France depuis le 18e siècle. C'est  une transposition occidentale de l'ikat asiatique. Il s'agit aussi d'une impression par réserve.
Le chiné à la branche était essentiellement réalisé sur des taffetas de soie avec des motifs floraux dans sa forme primitive et artisanale.
Quel curieux nom me direz-vous ? Alors je vais répondre à votre curiosité.
D'abord, le mot chineur désigne un ouvrier qui applique la couleur sur les écheveaux au moyen d'un rouleau cannelé. Ainsi, chiner un tissu c'est colorer partiellement les fils de la chaîne avant le tissage, de manière à faire apparaître un dessin une fois le tissage terminé. Aux temps de la splendeur de ce tissu, il y  avait des maîtres chineurs qui encadraient les ouvriers chineurs qui encadraient les apprentis chineurs.
Passons maintenant à la branche du "chiné à la branche".

Les fils de chaîne tendus sur le métier étaient ensuite séparés en plusieurs groupes ou branches.
Des portions de fils seront ligaturées sur chacun de ces groupes  selon les indications du maître chineur qui dirige les opérations afin de préserver certaines surfaces de la teinture, puis ils seront trempés dans un bain de teinture. On retrouve le même principe que pour les ikats ouzbeks.



les fils de chaîne sont divisés en quatre branches. ensuite ces branches seront partiellement ligaturées 
Une  autre hypothèse est parfois émise quant à l'origine du nom : l'impression serait réalisée à l'aide d'un branchage trempé dans la teinture, elle est plus fantaisiste que la précédente, moins réaliste. Dommage ! c'était juste plus nature.

Et maintenant le mystère du nom étant éclairci passons à la description du tissu.

Les fils de chaîne, après avoir subis des teintures successives, sont juxtaposés. Ainsi, la chaîne du tissu se trouve reconstituée et le dessin prend forme. Les contours des motifs sont fouettés, flous, irréguliers.

Cest le fil de trame qui va donner corps au tissu. Ces tissus étaient fort appréciés sous les règnes de Louis XV et Louis XVI. Ce procédé utilisé par les soyeux lyonnais était délicat, long et très cher, c'est pourquoi il fut abandonné.
On décore par application locale de couleur un tissu dont seuls les fils de chaîne sont définitifs, les fils de trame étant peu nombreux. Ils ne sont présents que pour maintenir un semblant de tissage au demeurant fort lâche. Le travail d'impression terminé, les fils de trame sont retirés et remplacés au fur et à mesure par les fils de trame définitifs et plus nombreux.

Depuis le XIXe siècle, l'impression sur chaîne a remplacé le chiné à la branche. Le contour des motifs sont tout aussi imprécis, mais la technique simplifée est plus économique. C'est la version industielle de l'ikat. Des maisons comme Bucol continuent à produire des taffetas imprimés sur chaîne.
impression sur chaîne maison Bucol
taffetas de soie
Dans les années 1970 des soies imperméabilisées, impression panthère étaient utilisée par la haute couture.
Pour répondre à la demande, les industriels proposèrent des polyesters imprimés façon impression chaîne. Le marché passa alors de la haute couture au prêt-à-porter.

ce lin est imprimé façon ikat. Sur l'envers le motif n'apparait pas. Seule une face du tissu est décorée. Le fil de trame est coloré alors que dans la technique des ikats ou de l'impression sur chaine, le fil de trame est généralement blanc.
Voici un taffetas de soie de fabrication lyonnaise, utilisant la technique de l'impression sur chaîne vous pouvez remarquer que les motifs sont visibles sur les deux faces et le fil de trame est blanc.
Ces quelques lignes auront peut être éveillé votre curiosité. Ce sont vraiment des tissus chargés d'histoire. Ils résultent d'une longue et belle tradition artisanale. Cependant, ce genre d'étoffe est en voie de disparition. Alors, collectionneurs et amateurs, n'hésitez pas à vous lancer à la recherche de ces trésors.  Utilisez-les en décoration, ils humanisent les intérieurs ; en habillement, ils feront de jolies vestes, des manteaux et, pourquoi pas, jupes ou top. Ils se prêtent à de nombreux modèles en fonction des matières.

Pour le plaisir, je vous offre encore quelques photos de mes trésors.
lin et soie
 soie
soie
soie
Les photos ont été prises dans la boutique De Gilles. Certains de ces tissus sont en vente, d'autres font partie de ma collection personnelle.

1 commentaire:

  1. bonjour,
    Je viens de découvrir ce blog que je trouve passionnant !
    Je mets à jour le lexique des tissus sur mon blog "La Bobine" et je souhaiterais mettre une photo vignette et un lien vers votre blog afin d'illustrer le paragraphe "chiné à la branche".
    Dans l'attente de votre réponse, je vous en remercie
    Olivia

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